WEBUn rapport UMP-PS propose d'inscrire la neutralité du Net dans la loi

Un rapport UMP-PS propose d'inscrire la neutralité du Net dans la loi

WEBCes recommandations, qui contredisent notamment un article de LOPPSI, pourraient faire l'objet d'un projet de loi à la fin de l'année...
Philippe Berry

Philippe Berry

Un rapport qui met les pieds dans le plat. Les députés Corinne Erhel (PS) et Laure de la Raudière (UMP) ont présenté, mercredi à l'Assemblée, les conclusions de la mission parlementaire sur la neutralité du Net. En 86 pages, elles abordent toutes les problématiques: techniques, politiques, juridiques. Et secouent le statut quo, avec des propositions qui ne seront pas forcément du goût du gouvernement ni des lobbies des télécoms.

Mesure phare, la proposition n°1 veut définir dans la loi le principe de «neutralité de l'Internet». «L'idée étant qu'un réseau d’information public est maximalement efficace lorsqu’il aspire à traiter tous les contenus, sites et plateformes de manière égale», précise le rapport. En clair, il s'agirait d’interdire la discrimination de plus en plus pratiquée par les FAI et les opérateurs téléphoniques, avec, par exemple, le trafic peer-to-peer ralenti aux Etats-Unis par Comcast ou la VoIP bloquée par Orange en France sur son réseau 3G jusqu'à l'an dernier.

Le blocage et le filtrage doivent être ordonnés par un juge

Mais le point qui risque de faire s'étrangler au ministère de l'Intérieur, alors que la loi LOPPSI a été passée au forceps il y a peu, est la proposition n°4. Elle vise à «établir dès à présent une procédure unique faisant intervenir le juge» pour ordonner le blocage ou le filtrage d'un contenu.

Dans le cadre de la loi Hadopi, un juge doit intervenir pour suspendre la connexion Internet d'un abonné. En revanche, le filtrage de contenu, prévu par le controversé article 4 de la loi LOPPSI, ne nécessite qu'un ordre de l'autorité administrative.

Dans leur rapport, les deux députés s'interrogent «sur la justification des mesures de blocage légales, en dépit de leur légitimité apparente, du fait de leur inefficacité et des effets pervers qu’elles sont susceptibles d’engendrer». Selon elles, ces mesures, officiellement mises en place pour lutter contre la pédopornographie en ligne, peuvent être «relativement facilement contournées» par les criminels. A l'inverse, le blocage d'adresses IP peut toucher des sites légaux, qui auraient la malchance d'être hébergés chez un prestataire blacklisté.

Un rapport salué par les associations

Par endroits, le rapport adopte un ton cinglant contre les différents textes passés ces dernières années, surtout à l'initiative de l'UMP, estimant que «la multiplication des lois permettant d’imposer des mesures obligatoires de blocage montre que la pression visant à restreindre la liberté de communication sur internet s’accroît.»

La Quadrature du Net salue «un rapport courageux qui consacre l'universalité de l'Internet et la protection des libertés fondamentales de ses utilisateurs, et doit constituer un modèle au niveau européen».

La Commission européenne planche en effet depuis plusieurs mois sur la question de la neutralité du Net. En France, le parti socialiste a déposé un projet de loi définissant et garantissant ce principe mais l'Assemblée l'a repoussé le 1er mars, les députés UMP expliquant préférer attendre les rapports français et européens avant de légiférer. Un projet de loi devrait être déposé d'ici décembre. Aux Etats-Unis, Obama a finalement réussi à faire passer une loi. Mais parce qu'elle exclut l'Internet mobile et prévoit de nombreuses exceptions, elle n'a au final satisfait personne.