Un bout de Chine à Aubervilliers, devenue le Rungis de la fringue

Un bout de Chine à Aubervilliers, devenue le Rungis de la fringue

La porte d'Aubervilliers (nord de Paris) a un petit air de Pékin: plus de 5.000 Chinois s'y affairent dans des centaines de boutiques d'import-export pour fournir en textile des commerçants venus de toute la France et de nombreux pays européens.
© 2011 AFP

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La porte d'Aubervilliers (nord de Paris) a un petit air de Pékin: plus de 5.000 Chinois s'y affairent dans des centaines de boutiques d'import-export pour fournir en textile des commerçants venus de toute la France et de nombreux pays européens.

Danièle Mignot, propriétaire de deux magasins de lingerie à Lille, a choisi de passer la journée dans ce quartier d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) pour faire ses "achats de Saint-Valentin" avec son mari. S'ils viennent y acheter de la "lingerie coquine", à quelques jours du nouvel an chinois, c'est parce qu'il y a du choix et surtout pour "le rapport qualité-prix" de cette marchandise, importée de Chine.

Le couple a prévu d'acheter 1.000 pièces. De nombreux commerçants des quatre coins de la France, mais aussi de Belgique, d'Allemagne, des Pays-Bas, de Pologne (etc...) viennent ainsi s'approvisionner, surtout en textile, pour le revendre au détail et parfois en gros.

Il y a au total 720 boutiques tenues par des Chinois, collées les unes aux autres, installées depuis une dizaine d'années de façon anarchique dans d'anciens dépôts. C'est une zone unique en France et certainement la plus grande en Europe, selon plusieurs personnes qui y travaillent.

Toute la journée, des cartons sont chargés dans des camionnettes, provoquant souvent des embouteillages dans le quartier.

Jeudi, la frénésie devrait retomber: certains commerçants s'arrêteront de travailler afin de célébrer le nouvel an chinois, pour lequel de discrètes décorations ont été installées.

Difficile de savoir ce que rapporte toute cette activité, de nombreuses transactions s'effectuant en espèce. Mais le maire d'Aubervilliers, Jacques Salvator (PS), se félicite d'une croissance de la taxe professionnelle de 5% par an dans sa ville depuis 2005. En 2009, elle a même dépassé les 9%.

"Il n'y a pas de doute que les commerçants chinois participent grandement à cette progression spectaculaire", souligne le maire. Il s'est d'ailleurs rendu à l'exposition universelle de Shanghai 2010, avec 120 commerçants chinois et français et avec des élus. Il s'agissait de la plus importante délégation française, selon lui.

Le maire veut faire évoluer le quartier. "On va essayer de créer des show-rooms verticaux pour faciliter le commerce en gagnant en espace et en commodité avec des zones de livraison", explique Jacques Salvator. Des travaux pour un immeuble de 6 étages de 47.000 m² ont ainsi débuté.

Mais le quartier attire aussi les malfaiteurs, attirés par l'argent en liquide qui y circule. En décembre, trente plaintes ont été déposées pour des vols parfois avec violence, indique Lenzi Ling, intermédiaire entre la mairie et des commerçants chinois.

Une pétition pour renforcer la présence policière et installer de la vidéo-surveillance a recueilli quelque 5.000 signatures, selon Mme Lenzi. Cette délinquance a fait l'objet d'une réunion fin janvier entre préfecture, police, mairie et commerçants.

Il y a un autre sujet sur lequel le maire se dit "extrêmement vigilant": le communautarisme. Aubervilliers compte 2.700 résidents chinois, ce qui en fait la deuxième communauté de la ville après les Algériens.

"Je ne veux pas que le communautarisme s'installe dans ma ville, (...) on essaie de mélanger les communautés", dit-il. "J'aimerais que les embauches des commerçants se diversifient", poursuit l'élu.

Parallèlement, la mairie développe les cours de mandarin et va essayer de créer un institut Confucius. Et vendredi, pour fêter l'année du lapin, elle organise un défilé de dragons dans le centre-ville.

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