Femmes enceintes et alcool: «Les autorités doivent continuer à prôner l'abstinence»
INTERVIEW•Philippe Batel, psychiatre et alcoologue, réagit à la publication d’une étude anglaise sur la question...Propos recueillis par Catherine Fournier
Une nouvelle enquête sur la consommation d’alcool pendant la grossesse, en Grande-Bretagne, révèle qu’un à deux verres par semaine d’alcool n’est pas nuisible pour l’enfant. Qu’en pensez-vous?
Cette étude n’apporte rien de nouveau. Quand la Direction générale de la santé prône l’abstinence d’alcool pour les femmes enceintes, elle ne s’appuie pas forcément sur la recommandation verrouillée des experts qui ont été sollicités sur la question. La discussion n’a jamais été binaire. En vingt ans d’études, on a toujours constaté que le risque était graduel et proportionnel à la dose d’alcool absorbée.
Une femme enceinte peut donc boire un à deux verres d’alcool par semaine sans aucun risque?
Certaines études disent qu’il n’y a pas d’impact, d’autres si. Pour ne pas brouiller le message, les autorités doivent continuer à prôner l’abstinence. C’est d’ailleurs la conclusion des auteurs de l’étude britannique. Mais il y a toujours un écart entre les recommandations sanitaires et ce qu’on constate sur le plan scientifique. Généralement, le 1er impact apparaît à partir de deux verres par jour. Entre deux verres et sept verres, il y a une incidence sur le poids à la naissance et sur le développement de l’enfant, avec un retard mental possible. Au-delà de sept verres, on risque la catastrophe, avec la survenue d’un syndrome d’alcoolisation foetale sévère.
Le message de prévention en France a-t-il été efficace?
Il est moins relayé par les professionnels de santé que celui concernant le tabac car il est plus tabou. On compte toujours autour de 20% de femmes qui continuent à consommer de l’alcool pendant leur grossesse. Prôner l’abstinence dans un pays qui est le premier producteur mondial de vin, ça ne passe pas. Et pendant très longtemps, on a recommandé la consommation de bière pendant l’allaitement. Cette étude a au moins le mérite de relancer le débat. Elle déculpabilise les femmes tout en rappelant qu’il faut continuer à prôner l’abstinence.