Procès Kerviel: La Société générale réclame à l’ancien trader 4,9 milliards d’euros
JUSTICE•La «peine de mort», selon Jérôme Kerviel...Maud Pierron
Etre condamné à rembourser les 4,9 milliards d’euros de pertes subies par la Société générale, ce serait «la peine de mort», avait marmonné Jérôme Kerviel mardi, lors de son dernier passage à la barre. Cette peine capitale imagée, c’est très exactement celle que les avocats de la Société générale ont réclamé au prévenu mercredi lors des plaidoiries au titre des dommages et intérêts. Une requête symbolique, puisque il faudrait que Jérôme Kerviel verse pendant plus de 177.000 années l’intégralité de son salaire mensuel de 2.300 euros… Me Jean Veil en convient: «il est évident que M. Kerviel ne paiera pas», même si cette somme «nous est clairement due». Et encore, d’après l’avocat, ce montant ne représenterait qu’«une partie» du «préjudice considérable» subi par la banque.
Pendant un peu plus d’une heure et demie, les trois avocats de la banque se sont succédé devant le tribunal pour «charger» le prévenu. «Ce trafiquant de l’apparence», selon Me François Martineau, qui «a joué de sa réputation» pour parvenir à passer les contrôles et tromper son monde. Et qui, au procès, a défendu, à l’aide de ses conseils, «une thèse invraisemblable», celle que la banque «savait», à l’aide «d’amalgames» et de «confusions».
Un fou?
Encore une fois, les avocats de la banque se sont interrogés sur la personnalité du prévenu. Le 18 janvier 2008, «alors qu'il sait qu'il est foutu, il va prendre pour 16.646 contrats» et traiter pour plus de 3 milliards d'euros. «Que se passe-t-il dans la tête de Jérôme Kerviel», s’interroge Me Jean Reihnart. Pour Me Jean Veil, «cette extraordinaire histoire était fondamentalement médiocre», à l'image, selon lui, de son personnage central, «menteur, faussaire, truqueur». Mais le mobile? «Un mystère», selon Me François Martineau.
Me Jean Veil rappelle alors que le juge d’instruction n’a pas considéré qu’il était un escroc, rappelle encore que l’expertise psychiatrique a conclu que le prévenu était «normal». «Il reste alors la troisième hypothèse de la banalité et de la médiocrité», d’un individu qui «n'a jamais eu l'intention de faire gagner de l'argent à la banque, qui s'est servi de la banque comme d'un casino». Sauf qu’en conclusion de sa plaidoirie, l’avocat star de la banque fait part de ses doutes en glissant cette phrase: «Il n'est pas fou, puisqu'un expert le dit, j'en conviens. Mais enfin...»
«Un plomb a disjoncté»
Un raisonnement un peu simple pour les avocats des parties civiles représentant des petits actionnaires et des salariés-actionnaires. Au total, ils réclament, eux, environ 100.000 euros de dommages et intérêts. «Sans Daniel Bouton, sans les années Bouton, qu'on a appelées les 'années fric', il n'y aurait pas eu d'affaire Kerviel», a rappelé Me Daniel Richard. «Un plomb a disjoncté, malheureusement, c'était Kerviel, ça aurait pu être un autre, ça pourrait être un autre» à l'avenir, a-t-il ajouté. «Retenir la seule responsabilité pleine et entière de M. Kerviel, c'est un peu facile», a ajouté de son côté Me Kanel-Canoy. Jeudi, à l’avant-dernier jour du procès, le procureur et le vice-procureur livreront leurs réquisitions.