JUSTICELes dépassements non autorisés de Jérôme Kerviel

Les dépassements non autorisés de Jérôme Kerviel

JUSTICEJérôme Kerviel a été mis en cause par un de ses anciens collègue et ami...
Maud Pierron

Maud Pierron

Sur les quatre témoins cités à comparaître ce jeudi, un seul était présent. La déposition de Salim Nemouchi a suffi à enfoncer Jérôme Kerviel. Trader à la Société générale, l’homme de 31 ans s’est présenté comme une ancienne «relation amicale» du prévenu. «Ses actes, je ne les explique pas», attaque-t-il d’emblée, se disant «déçu du comportement» de l’ex-trader. «Il a pris des positions hors normes, stratosphériques, il a mis en danger la banque et le travail de tous les collaborateurs de la banque», embraye Salim Nemouchi. Assis à sa droite, Jérôme Kerviel ne bronche pas et garde le regard fixe. Une position de 50 milliards d'euros, «c'est une position débile, qui représente plus que les fonds propres de la banque», s’agace le témoin, qui contredit point par point les affirmations de Jérôme Kerviel. «C'est faux de dire que tous les traders dépassent les limites, le dépassement de limite a un caractère exceptionnel». Et d’enfoncer: «Tous les traders ont des limites à respecter.» 

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Salim Nemouchi a également été interrogé sur les «pratiques» utilisées par Jérôme Kerviel et notamment celle du transfert de résultat d'une année sur l'autre. «Non», il ne les connaissait pas. Invité à commenter cette réponse, Jérôme Kerviel s’est dit «très surpris, c’est évident». Une remarque un brin suffisante qui lui vaut une remontrance du président Dominique Pauthe: «Rien n’est évident dans cette affaire, mettez-vous le dans le crâne.» Olivier Metzner, qui représente Jérôme Kerviel, a de son côté laissé entendre que l’homme ne pouvait pas déposer librement en sa qualité de salarié de la banque. «Pensez-vous que si vous disiez du mal de la Société générale, vous seriez encore employé demain», demande-t-il à Salim Nemouchi. Une remarque qui fait bondir Me Reinhart, avocat de la banque: «Il n'est pas venu pour se faire insulter! Vous insinuez un faux témoignage.»

Film contre photo?

Un peu plus tôt, la défense de la Société générale avait tenté de démontrer l’impossibilité pour les collègues et supérieurs de Jérôme Kerviel d’avoir connaissance de ses agissements via la projection d’un film de quelques minutes. On y voit effectivement une salle de trading, l’actuel desk «Delta One» dans lequel officiait Jérôme Kerviel, des traders alignés les uns à côté des autres, les yeux rivés sur des dizaines d’écrans, téléphone à la main. Sauf que ce n’est pas le même open space où travaillait Jérôme Kerviel à l’époque. «La salle n’existe plus», précise Claire Dumas, qui représente la banque au procès. «Vous n'avez pas d'archives du desk Delta One où travaillait Jérôme Kerviel», demande alors Maître Olivier Metzner. «Non, pas à ma connaissance», répond Claire Dumas. «Eh bien, nous vous les montrerons la semaine prochaine», tonne-t-il, laissant entendre que les conditions de travail n’étaient pas exactement les mêmes. Maître Metzner a également attaqué la banque, estimant que le gain de 55 millions d’euros annoncé par Jérôme Kerviel, un montant «très important» de l’aveu de Salim Nemouchi, aurait dû mettre la puce à l’oreille des supérieurs. Et ainsi, «la banque n'aurait-elle pas arrêté le phénomène Kerviel», demande l’avocat. «C’est possible», reconnaît le témoin.

L’avocat a également essayé de démontrer qu’il n’y avait pas assez de contrôle à la Société générale, mettant en cause «la photo du soir», qui donne les résultats quotidiens aux trader, leur éventuel dépassement, leur limite. Une sorte de «contrôle radar qui dit si on est dans la bonne vitesse ou en excès de vitesse», image Claire Dumas. «Donc on peut rouler à 250 km/h toute la journée tant qu’à l’heure dite on roule à la bonne vitesse», reprend Metzner, filant la métaphore. «C'est interdit», répond Claire Dumas. «Mais c'est possible», reprend Metzner.  Quant aux limites, encore, auxquelles devaient s’astreindre Jérôme Kerviel, la défense de l’ex-trader a prouvé que celle de «l'automate de trading» «était désactivé». Il n'y avait donc pas de limite technique pour prendre des montants. «On n'a pas désactivé les limites, il n'y avait pas de limites en nominales», a corrigé Claire Dumas, précisant qu’à l’époque «très peu de banque avaient ce système de limite en nominale». D’après elle, l’ancien trader «avait chaque matin sur son bureau l'état de ses limites et de ses dépassements. Le problème, c'est que ses dépassements étaient masqués par des opérations fictives» et «par des faux».