DECRYPTAGEBasculer dans la folie meurtrière: «Personne n'est à l'abri»

Basculer dans la folie meurtrière: «Personne n'est à l'abri»

DECRYPTAGELe président de la Fédération française de psychiatrie explique pourquoi les circonstances qui mènent aux drames familiaux n'ont rien d'exceptionnel...
Julien Ménielle

Julien Ménielle

Les voisins tombent des nues. «C'était quelqu'un d'extrêmement posé, toujours égal à lui-même, très courtois, très poli, très réservé.» Oui mais voilà, ce médecin vendéen si dévoué à ses patients est soupçonné d'avoir massacré sa famille avant de se donner la mort, dimanche. Comment bascule-t-on dans la folie meurtrière du jour au lendemain, quels signes doivent alerter? Eléments d'explication avec Gérard Schmit, président de la Fédération française de psychiatrie.

L'illusion d'une «normalité sociale»

«Personne n'est à l'abri», affirme le professeur à 20minutes.fr. Le spécialiste explique en effet que ce genre de passage à l'acte «peut arriver à toute personne soumise à des pressions importantes et prolongées». Un harcèlement professionnel ou un stress qu'on s'impose à soi-même «et qui remet en cause l'image qu'on a de soi-même».

Si dans un premier temps «les capacités d'adaptation» permettent de donner l'illusion d'une «normalité sociale», le professeur Schmit décrit comment, le stress s'accumulant, un individu stressé peut exploser. «L'entourage ne s'en rend pas forcément compte», ajoute le psychiatre. Les signes, en effet, sont souvent très discrets, et «on en évalue l'importance qu'après coup».

«Malheureusement, il n'y a pas de profil»

«Et comme les personnes concernées sont souvent réservées à la base, on ne perçoit pas de changement dans leur comportement», note Gérard Schmit. «Malheureusement, il n'y a pas de profil», insiste-t-il cependant. Certes, ceux qui lâchent prise ont en commun d'avoir «des zones de fragilité» dans leur personnalité. «Mais on peut dire ça de tout le monde, et ce n'est pas toujours repérable, y compris par la personne elle-même.»

Un équilibre psychologique bouleversé par un stress intense, une pression emmagasinée jusqu'à la rupture, sans qu'on sache bien pourquoi... Mais pourquoi s'en prendre à ses proches les plus chers? «C'est ce qu'on appelle un suicide altruiste», répond Gérard Schmit. Une façon de protéger ceux qu'on aime le plus au monde contre ce malheur inéluctable et insupportable.

>> Quand le suicide se fait altruiste. Pour tout comprendre, cliquez ici.

«C'est souvent très violent, précise le psychiatre, car il y a une réelle conviction qu'il faut disparaître à tout prix.» L'échec n'est pas permis, les moyens sont employés en conséquence, souvent avec ce qui tombe sous la main. Des drames qui impliquent des personnes seules face aux problèmes qu'elles rencontrent et que seuls «la solidarité et le lien social» peuvent éviter, selon Gérard Schmit. Encore faut-il en parler.