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Les syndicats sur leur faim après les annonces de Borne sur l’école privée

Ecole privée : Le plan « Brisons le silence » contre les violences laisse les syndicats sur leur faim

ContrôlesLe plan « Brisons le silence », annoncé mi-mars, veut à la fois « organiser une remontée systématique des faits de violences, mieux recueillir la parole des élèves et renforcer les contrôles dans l’enseignement privé sous contrat »
Aude Lorriaux

Aude Lorriaux

L'essentiel

  • Les annonces d’Élisabeth Borne sur le contrôle du privé sous contrat et le système de signalement des violences ont été bien plutôt accueillies par les syndicats du privé comme du public.
  • Mais plusieurs questions restent en suspens, notamment sur les moyens alloués pour traiter ces signalements.
  • « Quels sont les personnels qui vont être missionnés pour envoyer des alertes, et comment l’alerte sera-t-elle traitée derrière ? », se demande Elisabeth Allain Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa, de même que d’autres syndicats.

«Les lignes bougent », « des mesures fortes ont été annoncées »… s’était félicité Alain Esquerre, le porte-parole des victimes de l’institution Notre-Dame de Bétharram, après avoir rencontré jeudi 20 mars la ministre de l’Education nationale Élisabeth Borne, qui venait tout juste d’annoncer des mesures renforçant le signalement des violences commises dans les établissements privés et publics. Dix jours plus tard, les syndicats sont toujours en attente de discussions concrètes sur le sujet et soulèvent quelques inquiétudes.

Le plan Brisons le silence, annoncé par le ministère à la mi-mars, veut tout à la fois « organiser une remontée systématique des faits de violences, mieux recueillir la parole des élèves et renforcer les contrôles dans l’enseignement privé sous contrat », a fait savoir la ministre de l’Education dans La Tribune dimanche, le 15 mars. Première mesure de ce plan, l’application « Faits établissements », qui sert actuellement à faire remonter les violences les plus graves au niveau du ministère, et pour les moins graves, des académies, sera étendue au privé. « En complément, chaque école et chaque établissement de l’enseignement public et de l’enseignement privé devra se doter d’une fiche procédure, communiquée à tous les personnels, pour garantir la bonne circulation et le traitement des signalements », a précisé le ministère.

Questionnaires en internat et inspecteurs en plus

Deuxième pilier de ce volet de mesures, les élèves en internat pourront remplir des questionnaires anonymes en ligne « à chaque trimestre », questionnaires qui seront aussi proposés à la suite de voyages scolaires, dès lors que les élèves dormiront ensemble sur place. Les questionnaires seront d’abord testés dans quelques établissements, avant de généraliser le dispositif à la rentrée 2025. Pour mieux prendre en compte la parole des élèves victimes ou lanceurs d’alerte, les alertes effectuées par des appels au numéro national dédié aux violences, le 119, seront rebasculées directement aux équipes académiques pour « un traitement immédiat par les professionnels des services sociaux et de santé ».

Enfin, les contrôles des établissements seront renforcés avec 60 inspecteurs et inspectrices supplémentaires sur les deux prochaines années, des postes « pour partie redéployés pour cette année et en partie créés ensuite », selon le ministère. Le périmètre de ces contrôles sera élargi au climat scolaire et à « l’absence de maltraitances des élèves. »

« Comment l’alerte sera-t-elle traitée ? »

Ces annonces ont été bien plutôt accueillies par les syndicats du privé comme du public. « Sur le principe, nous sommes pour la transparence », commente auprès de 20 Minutes Véronique Cotrelle, présidente du syndicat national de l’enseignement chrétien (Snec-CFTC), tout en déplorant avoir « eu connaissance de ce plan par voie de presse ». Pour l’heure, les syndicats n’ont pas encore reçu l’ébauche des questionnaires aux internes, productions qui devraient, selon nos informations, leur être envoyées la semaine prochaine.

En attendant, plusieurs questions restent en suspens, notamment sur les moyens alloués pour traiter ces signalements. Car pour les syndicats, il n’y aurait rien de pire que d’encourager des victimes à parler, pour ensuite ne rien faire. S’agissant de l’application « Faits établissements », « quels sont les personnels qui vont être missionnés pour envoyer des alertes, et comment l’alerte sera-t-elle traitée derrière ? Et c’est pareil pour les questionnaires », se demande Elisabeth Allain Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa. « On n’est pas informés des suites données aux remontées » dans le public, déplore Jean-Rémi Girard, du Snalc, qui craint « une forme de paperasse qui ne va pas changer grand-chose ».

« Ces alertes restent au sein de l’administration et ne sont faites que par les chefs d’établissement. Si on veut avoir plus de chances qu’il y ait des remontées, il faut que les professeurs soient mis au courant de ce qui est signalé ou non », complète Benoit Villagordo, de la CGT-Enseignement privé, qui juge que ces annonces arrivent « très tardivement » après « des années d’alerte » et craint « l’effet de com ».

Contrôler 40 % des écoles privées en deux ans ?

Certains syndicats craignent aussi que les 200 inspecteurs disponibles une fois les renforts alloués soient bien insuffisants par rapport au nombre d’établissements dans le privé (environ 7.500 sont sous contrat d’association), et aux objectifs du ministère de contrôler 40 % de ces structures dans les deux prochaines années, dont la moitié de contrôles sur place.

« On est en dèche d’inspecteurs », résume Jean-Rémi Girard. Eric Nicollet du syndicat des inspecteurs de l’Education nationale, était encore plus cash, jugeant l’objectif « irréalisable » : « Ils sont déjà tous débordés et ne sont pas réservés au contrôle du privé. »

Enfin, que se passera-t-il si un contrôle révèle des violences ? Le cas de l’établissement Stanislas, dans le viseur après des témoignages rapportant des propos homophobes, sexistes et des violences, est dans toutes les têtes. L’établissement n’avait pas perdu sous contrat après un rapport de l’inspection générale pourtant sévère. Le comité national d’action laïque (Cnal) exige dans un communiqué publié ce jeudi des « mesures fortes » : « À quoi servent des contrôles si aucune conséquence ne suit les manquements constatés ? s’interroge le Cnal. L’éducation de tous les enfants et tous les jeunes, le respect des valeurs républicaines, de la laïcité et la confiance de la population envers le système éducatif en dépendent. »