PolarisationLe fossé s’accentue entre jeunes hommes et jeunes femmes sur le féminisme

Féminisme : « Ils se sentent remis en question », le fossé s’accentue entre jeunes femmes et jeunes hommes

PolarisationCe phénomène avait déjà été noté dans d’autres enquêtes effectuées après MeToo
Aude Lorriaux

Aude Lorriaux

L'essentiel

  • Le HCE s’alarme d’une polarisation croissante entre jeunes hommes et jeunes femmes.
  • Si quasi toutes les jeunes femmes de 15 à 24 ans jugent que c’est plus difficile d’être une femme que d’être un homme (94 %), les jeunes hommes du même âge ne sont que 68 % à le penser.
  • Pourtant il y a aussi des raisons d’être optimiste pour 2025. Le mot « MeToo » n’a jamais été autant prononcé dans les médias qu’en 2024, rappelle l’organisation.

Ce n’est pas tout à fait une nouvelle, mais le dernier baromètre du HCE, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, n’apporte pas de quoi rassurer les troupes. Depuis la révolution MeToo, le fossé se creuse entre jeunes femmes et jeunes hommes sur la question des rôles de genre. Alors que les premières se disent de plus en plus féministes, les seconds sont loin d’évoluer aussi vite, voire se recroquevillent sur des postures traditionnelles, démontre le nouveau baromètre de l’institution.

Par exemple, si quasi toutes les jeunes femmes de 15 à 24 ans jugent que c’est plus difficile d’être une femme que d’être un homme (94 %), les jeunes hommes du même âge ne sont que 68 % à le penser. Surtout, ils sont cinq fois plus nombreux que leurs homologues féminines à juger que c’est « difficile d’être un homme mais pas une femme » (11 % versus 5 %), chiffre encore plus élevé chez les 25-34 ans (13 %). « Il y a une forme de trop-plein chez ces jeunes hommes, qui se sentent remis en question », tente d’expliquer Bérangère Couillard, la présidente du HCE, auprès de 20 Minutes.

Clivage depuis quelques années

Ce phénomène avait déjà été noté dans d’autres enquêtes effectuées après MeToo. En 2019 par exemple, un sondage Ifop pour ELLE sur « les hommes et la nouvelle masculinité » montrait que les 18-24 ans étaient très nombreux à afficher des opinions conservatrices et sexistes. 40 % estimaient ainsi que « dans la société actuelle, les femmes ont acquis trop de pouvoir » (contre 19 % pour l’ensemble des hommes) et plus d’un tiers jugeaient alors que « le travail d’un homme, c’est de gagner de l’argent, celui d’une femme de s’occuper de la maison et de la famille » (35 % contre 16 % pour l’ensemble des hommes).

« Le mouvement #MeToo et le « backlash » antiféministe qui suit cette vague depuis quelques années […] ont participé à renforcer [la polarisation] jusqu’à clairement cliver parmi les plus jeunes générations », écrit le HCE.

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Un sexisme structurel qui perdure

Plus généralement, et malgré quelques chiffres positifs, le sexisme perdure dans la société à travers une série de pensées et de clichés qui ont la vie dure. Près d’un quart des personnes sondées sont « indifférentes » (13 %) ou trouvent « normal » (11 %) qu’un homme « refuse que sa conjointe voie d’autres hommes ». Un tiers sont également indifférentes à une blague du type « les femmes ne savent pas conduire » et plus de la moitié sont indifférentes ou trouvent normal une réunion de travail où il n’y a que des hommes. 26 % sont d’accord avec l’affirmation que « les poupées, c’est pour les filles et les camions pour les garçons ».

Du côté des femmes, elles indiquent toujours massivement subir ces mêmes « blagues » et remarques sexistes (près de six sur dix), quand plus de 40 % affirment avoir vécu au moins une situation de non-consentement lors d’un rapport sexuel, en premier lieu un rapport subi après insistance de son ou sa partenaire. « La différence d’ordre de grandeur entre les femmes déclarant avoir subi au moins une situation de non-consentement (40 %, + 3 points) et les hommes reconnaissant avoir pu avoir ce genre de comportement (23 %, stable) est ainsi toujours aussi saisissante », note le HCE.

Ce constat des inégalités entre filles et garçons s’observe dès la cour d’école, parfois chez les tout-petits. Travaillant dans les établissements, la géographe Edith Maruejouls, spécialiste des questions d’égalité filles-garçons, observe ce « fossé qui se creuse », avec des filles rejetées par les garçons, qui finissent par renoncer à nouer des relations. « Dès le CP filles et garçons ne mangent pas ensemble, la norme c’est l’entre-soi des corps », note-t-elle, remarquant que dans certaines classes, ce rejet de l’amitié filles-garçons est parfois unanime.

Favorables à une éducation au consentement

Pourtant il y a aussi des raisons d’être optimiste pour 2025. Le mot « MeToo » n’a jamais été autant prononcé dans les médias qu’en 2024, écrit l’organisation, qui s’appuie sur une étude de l’Ina. « Sur le premier semestre 2024, le terme a déjà été davantage prononcé sur les antennes des 16 médias étudiés que sur la totalité de chacune des années précédentes, avec un rapport qui va du simple au double », remarque le HCE. Et le procès Mazan a fait bouger les lignes, avec près de 9 Français et Françaises sur 10 qui veulent que les hommes s’impliquent dans la lutte contre le sexisme.

Autre satisfecit, une immense majorité, pour ne pas dire la quasi-totalité, des gens sont aujourd’hui d’accord pour dire qu’une « femme présidente est capable de diriger le pays (91 %), ou qu’il est « acceptable qu’une femme gagne plus que son conjoint » (84 %).

Et contrairement aux sondages biaisés du syndicat de la Famille (ex-Manif pour Tous), qui voudraient faire croire que les Français et Françaises sont opposés à une éducation à la vie affective et à la sexualité avec des formulations tronquées, l’immense majorité d’entre elles et eux sont en faveur d’un tel programme, dès lors qu’on les interroge sur son contenu : 88 % se disent favorables à « un programme adapté à chaque classe d’âge pour comprendre les notions de consentement, de respect, pour appréhender son corps et celui des autres, la sexualité, prévenir les violences de genre. »