« On n’est pas en vacances »… Comment cette famille coincée dans son bus en panne occupe ses journées
Témoignage•Partis pour un tour d’Europe, Cécile, Mathieu et leurs enfants sont en carafe depuis cinq mois sur une aire de repos proche de RennesCamille Allain
L'essentiel
- Partie de Loire-Atlantique en août pour un tour d’Europe, une famille est bloquée à Pont-Réan, près de Rennes, depuis cinq mois car son bus aménagé est en panne.
- Cécile, Mathieu, leurs enfants, leurs deux chiens et leurs trois chats espèrent faire annuler la vente du bus, acheté pour 56.000 euros, et pouvoir repartir dans un autre véhicule.
- La famille vit plutôt bien cette longue escale forcée mais fait face à des commentaires haineux de la part de personnes qu’ils ne connaissent pas.
Il y a quelques mois, ce n’était qu’un vieux bus jaune pâle. Depuis quelques jours et la folle médiatisation de son histoire, le tacot datant de 1978 est l’un des véhicules les plus célèbres de France. Malheureusement pour ses propriétaires, ce n’est pas pour sa mécanique rutilante que le véhicule est connu mais bien pour ses multiples défaillances. Partis de Loire-Atlantique pour un tour d’Europe qui devait durer au moins un an, Cécile, Mathieu et leurs deux enfants n’ont pas pu aller bien loin et sont tombés en panne après 80 kilomètres. La faute à un bus hors d’usage qui n’aurait sans doute jamais dû passer au contrôle technique ni être vendu.
Depuis ce 12 août 2024, la famille est coincée sur une aire de camping-car située à Pont-Réan, à quelques kilomètres au sud-ouest de Rennes. Après avoir vendu sa maison pour s’offrir ce bus à 56.000 euros, le couple a saisi la justice pour annuler la vente et récupérer son argent. En attendant, elle vit depuis cinq mois avec ses deux chiens et trois chats sur cette aire de camping-car qui ne faisait pas vraiment partie de ses plans de départ. Heureusement pour eux, le village est charmant et l’environnement particulièrement sauvage.
« On voulait juste changer de vie »
« La première étape, ça devait être d’aller dans le Finistère pour voir ma cousine sauter en parachute. Mais on a dû s’arrêter là », raconte Cécile. La cousine a sauté sans les attendre et bien d’autres événements auxquels la famille de Loire-Atlantique devait assister se sont tenus sans elle. Pour autant, le couple ne regrette pas son choix. « C’est sûr que c’était dur au départ, parce que ce n’est pas ce qu’on avait prévu. Mais je relativise. Tout le monde est en bonne santé, on le vit très bien. On est juste en panne », poursuit la mère de famille, qui continue de mener comme elle peut son activité d’accompagnement d’entrepreneurs. « On n’est pas en vacances. On n’a pas vendu notre maison et tout plaqué pour partir en vacances. On voulait juste changer de vie, prendre le temps de voyager pour aller voir toutes les personnes qu’on ne peut jamais aller voir ».
Le couple reconnaît qu’il vit à la cool et ne se prend pas trop la tête avec les horaires. « On se lève quand on est réveillés. On se couche quand on est fatigués », résume Nathan, l’aîné de 12 ans. Avec son frère Antoine, 9 ans, ils suivent chaque jour la classe donnée par leur père Mathieu. Après avoir monté un solide dossier, le couple avait obtenu le droit de faire école à la maison avec l’aide du Centre national d’enseignement à distance (CNED). « Moi, je préfère largement ça à l’école d’avant. On travaille quand même, on a des devoirs, des évaluations », assure Antoine. Inscrit en CM1, il reconnaît que son copain Sacha lui a manqué pendant un moment mais qu’il s’y est habitué. Ce qui l’embête le plus, c’est de devoir dormir dans un lit collé à celui de son frère. « On se chamaille, mais pas plus qu’avant. »
« Je partais à 7 heures et je rentrais à 18 heures »
Pour l’aîné Nathan, cette nouvelle vie dans un vieux bus aménagé présente de gros avantages et lui offre de la liberté. Car depuis son entrée en 6e, il devait se farcir plus 50 minutes de transport scolaire chaque matin et chaque soir pour aller au collège. « Je partais à 7 heures et je rentrais à 18 heures. Au moins ici, on est libres. » Ce qui lui manque le plus ? « De rouler. Quand il y a des nomades qui viennent sur l’aire, j’ai toujours du mal à les regarder partir. » Mais les deux enfants assurent qu’ils ne s’ennuient pas. Quand les cours d’anglais, de maths ou de français sont terminés, ils peuvent jouer dehors, faire du sport, aller à la bibliothèque du village, se promener sur les bords de la Vilaine voisine ou jouer la console. Comme la plupart des enfants quoi.
Celui qui a eu le plus de mal à s’habituer, c’est finalement Mathieu. Lui qui avait un CDI dans la grande distribution se retrouve professeur à domicile. Et il adore ça. « Franchement, c’est un plaisir, mais c’est un vrai travail. » Le papa reconnaît cependant qu’il n’a pas très bien dormi les premiers mois à bord de ce bus qu’il est allé chercher. « C’est dur d’assumer ça, on se dit qu’on a été trop naïfs. C’était une arnaque. » Lui, comme toute la famille, n’attend qu’une chose : que la vente soit annulée et qu’ils puissent aménager un nouveau bus pour enfin partir sur les routes. « Quand ça ne va pas trop, parfois, je regrette un peu. Mais quand je vois la liberté qu’on a, je relativise », assure Mathieu.
Des « haters » qui les critiquent
Ce qui leur a fait le plus de mal, c’est la vague de commentaires haineux à laquelle ils doivent faire face depuis la médiatisation de leur affaire. Au-delà des rageux qui les traitent d’incapables, les parents doivent surtout faire face aux critiques sur l’éducation de leurs enfants. « Ils sont très heureux de ce voyage, même s’il ne se passe pas comme prévu. Ce sont de bons élèves à l’école, ils travaillent bien. Ce que l’on voulait, c’était juste leur montrer autre chose. Leur faire apprendre l’espagnol en allant en Espagne. » La famille a même reçu un courrier de menaces, que les gendarmes prennent très au sérieux. « La bêtise de certains me dépasse », conclut Cécile, avant de remonter à bord du bus, en claquant fermement la vieille porte pour ne pas que le froid rentre.
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