Maires, voisins, concurrents… Quand les distributeurs automatiques de pizzas ne sont pas du goût de tout le monde
Les temps modernes•Manger une pizza à n’importe quelle heure est devenu possible avec l’arrivée des distributeurs automatiques. Qui créent aussi parfois quelques soucis…Thibaut Gagnepain
L'essentiel
- Les distributeurs automatiques de pizzas se sont multipliés en France depuis 2015, avec environ 5.000 machines installées actuellement. Un service pratique mais qui suscite parfois des controverses dans certaines communes.
- Ces machines peuvent poser des problèmes de nuisances sonores ou de dégradations, comme l’illustre le maire de Bois-de-Céné, en Vendée : « Plusieurs riverains étaient venus me voir pour se plaindre du bruit. Ils se faisaient souvent réveiller à 3 ou 4 heures du matin. »
- Malgré les critiques, les défenseurs de ces distributeurs mettent en avant leurs avantages, comme l’explique la commerciale Adial Anne-Lyse Toussaint : « La plupart des machines sont tenues par des artisans qui sont de vrais pizzaïolos. Ils rendent service à toute une population qui ne peut ou ne veut pas se déplacer. Et derrière, ça crée de l’emploi avec des horaires de restauration plus agréables. »
Des grosses boîtes d’environ 2 m³ qui poussent un peu partout sur le territoire… Depuis une décennie, les distributeurs automatiques de pizzas ont conquis de nombreux espaces. « Ça a démarré à la fin des années 1990 en Italie mais sans trop percer. C’est vraiment depuis 2015 que le mouvement s’est accéléré », confirme Ludovic Lorillard. Le directeur commercial d’Adial sait de quoi il parle. Son entreprise, installée à Lisieux, est l’une des trois qui produit ces fameuses machines en France. « Aujourd’hui, on en installe environ une par jour, contre deux pendant la période Covid », poursuit-il, estimant leur nombre total actuel à « 5.000, dont 2.500 qui viennent de chez nous ».
La plupart rendent bien des services… mais toutes ne font pas l’unanimité. Parfois, cela se termine même en justice. Comme à Bois-de-Céné, en Vendée. « L’affaire est terminée. Nous avons perdu sur la forme mais gagné sur le fond puisque le distributeur a été retiré », explique le maire, Yoann Grall. « Il était trop près d’une maison, c’est ce qui a posé problème », confirme celui qui était son adversaire au tribunal, Jérôme Palvadeau.
Ils dormaient ailleurs le week-end
« Plusieurs riverains étaient venus me voir pour se plaindre du bruit », reprend l’élu. « Ils se faisaient souvent réveiller à 3 ou 4 heures du matin. Par les moteurs des véhicules que les gens n’éteignaient pas ou par ceux qui venaient en pleine nuit chercher leur pizza, pas toujours très frais niveau alcool. Le week-end, ils en étaient même rendus à aller dormir ailleurs pour pouvoir se reposer. »
« L’emplacement n’était pas bon », clôt l’entrepreneur, qui n’a pour autant pas renoncé à ce marché. Il possède désormais six machines dans le secteur, « dont deux à paninis ». « C’est du taf ! On a un labo et il faut les alimenter en permanence pour qu’il y ait toujours assez de nourriture dedans. »
A chauffer chez soi, « c’est 50 centimes moins cher »
Afin de suivre, des applications connectées existent. « Chaque pizza est suivie. Si au bout de 72 heures, elle n’est pas vendue, on doit la jeter, c’est la règle », détaille Christelle Masserann, de la pizzeria 4P à Bitche, en Moselle, à une vingtaine de kilomètres d’Achen, où elle a implanté en juillet 2022 un distributeur.
« On l’alimente le soir. Dedans, les pizzas sont faites à 99 % chez nous et restent dans une chambre froide. Il n’y a plus que le fromage à cuire, ce que le four à air pulsé fait en 3’30. Mais le client peut aussi choisir de la réchauffer chez lui, c’est même 50 centimes moins cher », poursuit la commerçante, plutôt satisfaite de son leasing, même « s’il faut suivre et que c’est très aléatoire ». En tout cas, elle n’a eu à signaler aucun problème majeur dessus, contrairement à plusieurs de ses confrères.
Fini les espèces
« J’ai déjà eu un écran cassé à coups de poing ou des gens qui forcent la porte pourtant blindée », témoigne Jérôme Palvadeau, loin d’être un cas isolé. « Oui, il peut avoir des dégradations, pas toujours volontaires, mais je ne dirais pas que c’est en hausse. Surtout que beaucoup d’artisans choisissent maintenant de ne plus permettre le paiement en espèce. Ça évite qu’il y ait de l’argent dans le distributeur », appuie Ludovic Lorillard.
Sa société propose tout un service de maintenance à ses clients et organise même… un concours entre les machines. Record de vente de pizzas en une journée ? « 290, à Dunkerque », répond le directeur commercial en insistant sur les aspects positifs de ses produits. « Car ils sont placés dans des endroits où il n’y avait pas d’offre, en milieu rural par exemple, ou parce qu’ils viennent en complément d’une pizzeria déjà existante. Les exploitants proposent alors des produits pour une autre clientèle qu’ils n’auraient pas captée ou celle qui n’a pas envie d’être en salle. »
« Pas correct entre commerçants »
A Vittel (Vosges), la maison Fonti possède ainsi sa propre machine devant son établissement. Mais une autre, d’un concurrent, a été posée fin 2023 « à 200 mètres sur le terrain privé d’une laverie », explique la patronne, Stéphanie. « Je ne dirais pas que ça nous a embêtés mais ça nous a surpris. On n’a pas été prévenus et on n’a pas trouvé ça correct entre commerçants », poursuit-elle, sans vouloir trop polémiquer. Elle préfère retenir le positif de son distributeur. « C’est une offre complémentaire et on n’a jamais eu trop de problèmes avec. Une fois, des personnes ont bien eu l’alcool un peu fort mais on est vite intervenus puisqu’on habite à côté. Maintenant, on a mis une caméra et tout se passe bien ! » Comme dans la plupart des cas sur le territoire, même où des soucis sont déjà survenus par le passé.
« Désormais, un autre distributeur est à l’entrée d’une zone économique et il n’y a rien à dire. Moi je n’ai pas de problème avec ces machines, plutôt avec leurs utilisateurs ! », reprend le maire de Bois-de-Céné. « C’est pour ça qu’elles doivent être posées de manière logique afin de répondre aux besoins de la population. Après, c’est sûr qu’au niveau des relations humaines, ce n’est pas pareil »
Un arrêté municipal contre l’implantation
Les élus de Bonningues-lès-Calais (Pas-de-Calais) en sont aussi convaincus. En décembre 2023, ils avaient ainsi rejeté en conseil municipal la demande d’implantation d’une machine. Leur but ? Maintenir le « lien social » existant avec le pizzaïolo ambulant qui vient dans la commune chaque semaine. Aux Abrets-en-Dauphiné (Isère), l’édile a agi dans le même sens. Il a même pris un arrêté interdisant toute future installation, afin de préserver le commerce local existant. Signe que les distributeurs automatiques dérangent…
« Mais ils apportent aussi plein de belles choses », les défend Anne-Lyse Toussaint, commerciale Adial localisée à Dijon. « La plupart des machines sont tenues par des artisans qui sont de vrais pizzaïolos. Ils rendent service à toute une population qui ne peut ou ne veut pas se déplacer. Et derrière, ça crée de l’emploi avec des horaires de restauration plus agréables… Il faut vraiment voir le côté complémentaire des automates », insiste-t-elle, évidemment dans son rôle.
Tous nos articles foodLe marché a dans tous les cas encore de beaux jours devant lui. Les Français sont les plus gros consommateurs de pizza dans le monde, devant les Italiens ou les Américains. En 2023, ils en avaient avalé 1,5 milliard !
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