A Beaucaire, la mairie maintient sa crèche interdite
Laïcité•Malgré l’interdiction du tribunal administratif de Nîmes, la mairie de Beaucaire persiste et laissera sa crèche « provençale » installée dans la mairie pendant les fêtes.Clément François
L'essentiel
- La mairie de Beaucaire (Gard), dirigée par le Rassemblement National, maintient l’installation d’une crèche de Noël dans ses locaux malgré l’interdiction du tribunal administratif de Nîmes, s’exposant à une amende de 1.000 € par jour.
- Un référendum local organisé par la mairie a vu 98,56 % des votants se prononcer en faveur du maintien de la crèche, avec cependant un taux d’abstention d’environ 90 %.
- Si le débat revient chaque année, c’est parce que la loi de 1905 dispose d’exceptions pour les évènements culturels et festifs, laissant aux tribunaux administratifs l’autorité de statuer sur chaque cas.
Eternel débat des périodes de Noël, l’autorisation des crèches dans les bâtiments publics, et particulièrement les mairies, suscite chaque année son lot de réactions, de provocations, et de condamnations par les tribunaux administratifs locaux.
Certains maires ont fait de cet évènement un combat, et refusent à tout prix de retirer les crèches des bâtiments publics. La mairie Rassemblement National de Beaucaire, dans le Gard, est une de ces irréductibles, refusant l’application du principe de laïcité dans l’espace public.
Chaque année depuis sa prise de fonction en 2014, Julien Sanchez a fait de l’installation de la crèche de la mairie de Beaucaire son combat. Celui qui voit en Jean-Marie Le Pen « un modèle » a pourtant dû laisser son poste de maire à son suppléant lorsqu’il est devenu député européen en 2024.
Son remplaçant Nelson Chaudon a décidé de poursuivre cette tradition cette année, mais a reçu l’ordonnance du tribunal administratif de Nîmes, lui demandant de retirer cette crèche sous 48h. Pourtant, la Ligue des Droits de l'Homme affirme que le maire a fait pression sur le tribunal, affrétant « aux frais du contribuable » deux cars de sympathisants afin de « perturber » l’audience en question. Sans succès puisque la crèche a été interdite.
En réponse, un référendum a été organisé, invitant les Beaucairois à répondre à la question suivante : « Êtes-vous favorable à l’exposition d’une crèche provençale en mairie comme cela se fait depuis dix ans ? »
Un scrutin au score sans appel, puisque 98,56 % des 1 680 Beaucairois qui se sont exprimés ont voté pour le maintien de cette crèche « provençale », pour un taux d’abstention d’environ 90 %. Le maire s’est félicité de ce score sans que ce vote ne prime de quelconque façon sur l’arrêt du tribunal administratif de Nîmes.
La justice maintient son interdiction
Mais le combat ne s’arrête pas là, puisque la justice n’a logiquement pas retiré son interdiction. Le délai de 48h dépassé, le maire a publié une vidéo sur ses réseaux sociaux pour dénoncer l’amende de 1 000 euros par jour, annonçant se pourvoir en cassation.
En attendant, il maintient la crèche « provençale », et en profite même pour lancer un appel aux dons. Mais puisqu’il est illégal de payer des frais de justice ainsi, le maire assume contourner la loi, et utilisera cet argent pour « financer la crèche de l’année 2025. »
Que dit la loi ?
Si la question fait autant débat, c’est parce que l’encadrement des crèches religieuses dans l’enceinte des espaces publics n’est pas le même selon les territoires français. Parce qu’il n’existe pas de loi sur cet exemple précis, on doit se référer à l’article 28 de la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’Etat, qui dispose qu’il est « interdit à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception […] des musées ou expositions. »
Il existe cependant des exceptions, qui permettent à ces maires récalcitrants de contourner la loi. Lorsque ces signes religieux apparaissent dans le cadre d’une exposition culturelle, artistique ou festive, la justice peut décider de les autoriser. Ce sont alors aux tribunaux administratifs locaux de juger sur le fond, tous n’ayant pas la même interprétation du principe de neutralité. C’est d’ailleurs derrière ces exceptions que se cache l’édile pour justifier du maintien de cette crèche.
Ici, celui de Nîmes s’est prononcé en faveur de l’interdiction de la crèche, comme il l’avait fait à plusieurs reprises les années précédentes.
Plus d'articles sur NoëlTant pis, le maire de Beaucaire a décidé d’ignorer la décision de justice, se posant en « défenseur de nos traditions et de notre identité ». Il en profite pour remercier chaleureusement les messages de soutien venant « des quatre coins de la France ». Peu importe l’amende, le nouveau maire continue dans les pas de son prédécesseur, privilégiant le coup de com' à l’application de la loi.
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