IMMIGRATIONLa préfecture de l’Isère accusée d’être une « fabrique de sans-papiers »

La préfecture de l’Isère accusée d’être devenue une « fabrique de sans-papiers »

IMMIGRATIONLa dématérialisation des processus de traite des demandes de titres de séjour en Isère crée une « fabrique de sans-papiers », dénoncent des associations locales
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

Etudiants ou salariés étrangers, présents parfois depuis des années sur le territoire… Toutes et tous sont en quête désespérée d’un rendez-vous pour renouveler leurs droits en Isère. Et la situation ne « fait qu’empirer », alertent des associations locales. Elles dénoncent même une « fabrique de sans-papiers » créée par la préfecture du département, qui a restreint l’accueil physique depuis le printemps.

Dans un rapport publié mercredi, la Défenseure des droits, Claire Hédon, a par ailleurs alerté les « atteintes massives aux droits des usagers » engendrées par la dématérialisation des processus de traite des titres de séjour des ressortissants étrangers.

Des rendez-vous à la préfecture revendus à prix d’or au marché noir

Quelque 200 personnes ont manifesté début décembre à Grenoble à l’initiative de la CGT et du collectif « Bouge ta préf’38 », appelant la nouvelle préfète, Catherine Séguin, à amender le système, faute de quoi il saisira le tribunal administratif.

Selon les membres du collectif, qui a vu le jour en mai 2024 et rassemble une cinquantaine d’associations, la situation a pris un tour critique en mars dernier lorsque la préfecture a décidé d’interdire l’accès à ses locaux à toute personne n’ayant pas de rendez-vous, lesquels sont très difficiles à obtenir. Les rares créneaux disponibles sur Internet sont « raflés » par des robots gérés par des agences et revendus à prix d’or au marché noir, soulignent les associations.

« On a vu beaucoup de gens qui pleuraient devant la préfecture »

Jacqueline, quinquagénaire arrivée en 2019 d’un pays africain, s’est comme beaucoup d’autres heurtée à ce « mur numérique » : auxiliaire de vie, elle a dû cesser trois semaines de travailler au printemps, faute de papiers en règle. Elle a depuis réussi après de grandes difficultés et grâce à l’intervention d’un tiers à obtenir un rendez-vous pour faire renouveler son titre de séjour mais s’inquiète pour son mari, dont le titre a déjà expiré. Jacqueline se retrouve à soutenir à bout de bras sa famille financièrement : « Je souffre », lâche-t-elle.

La fermeture de l’accès physique à la préfecture a conduit « des centaines de personnes en situation régulière » à perdre leurs droits et parfois, dans la foulée, leur travail, leur logement ou leurs droits sociaux, souligne Martine Faure Saint-Aman, présidente régionale de la Cimade.

Ce sont « des étudiants, des salariés, des médecins, des ingénieurs, des plombiers, des maçons… des gens de tout pays confondus et dans des situations dramatiques. On a vu beaucoup de gens qui pleuraient devant la préfecture », poursuit-elle.

Des étudiants qui perdent leur logement faute de papiers en règle

Certains étudiants, faute de papiers en règle, perdent leur logement et s’entassent à « 6, 7 ou 8 dans 12 m2 », relate de son côté Emmanuel Omonlogo, représentant de l’association des étudiants africains de l’Isère. La préfecture a expliqué dans un communiqué fin octobre que la « refonte » des conditions d’accueil des usagers étrangers et des modalités de délivrance des titres de séjour vise à « sécuriser l’ensemble du processus de délivrance » et à « améliorer les délais d’obtention ». « Le nombre de créneaux de rendez-vous disponibles est adapté à l’accueil des 15.000 ressortissants étrangers » et les délais de délivrance des titres ont diminué suite à la réforme, estime-t-elle.

L’administration reconnaît toutefois que le système de prise de rendez-vous de plusieurs préfectures « est victime d’actes malveillants ». Une plainte a été déposée en juillet.

Pour la Défenseure des droits, il y a « urgence » à agir

En Isère, la situation est d’autant plus tendue que le service a été déstabilisé par la découverte en 2023 d’un important trafic de titres de séjour au sein de la préfecture, qui a conduit à une complète réorganisation, rappelle Martine Faure Saint-Aman.

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Pour la Défenseure des droits, il y a désormais « urgence » à agir contre ces difficultés : « Nous ne disons pas que la procédure ne peut pas être dématérialisée mais il faut l’accompagnement nécessaire », estime Claire Hédon.