Position stratégiqueMais pourquoi la France s’accroche-t-elle autant à Djibouti ?

Mais pourquoi la France s’accroche-t-elle autant à Djibouti ?

Position stratégiqueAprès l’annonce de la mort d’un soldat français à Djibouti, « 20 Minutes » s’est demandé ce qui retenait encore la France dans ce petit pays de la corne de l’Afrique
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • La France a une base militaire importante à Djibouti depuis 1977, avec environ 1.500 soldats en 2023, des chars, des canons ou des hélicoptères. Cette base permet de projeter rapidement des forces dans la région en cas de crise et c'est aussi le dernier ancrage militaire français en Afrique.
  • Djibouti est stratégiquement positionné à l'entrée sud de la mer Rouge, par où transitent 15% des marchandises mondiales. La base permet de lutter contre les attaques de pirates somaliens et de surveiller les rebelles houthis du Yémen soutenus par l'Iran.
  • De nombreux autres pays, comme les États-Unis, la Chine, l'Allemagne, ont également des bases à Djibouti.

Ce jeudi, le ministère des Armées a annoncé la mort d’un militaire français, le 10 octobre dernier, lors d’un accident de la route survenu à Djibouti, en Afrique de l’est. La victime, le caporal Vasil Bychyk, du 16e bataillon de chasseurs à pied, venait d’arriver sur place pour une mission de courte durée au sein d’une unité des Forces françaises stationnées à Djibouti (FFDJ). Mais pourquoi la France maintient-elle dans ce pays sa seule et dernière base militaire opérationnelle d’Afrique ?

Cela fait presque un demi-siècle que la France entretient une présence militaire importante à Djibouti, un pays de l’Afrique de l’est à peine plus grand qu’Israël dont la population dépasse tout juste le million d’habitants. Pourtant, c’est là qu’est stationné, depuis 1977, le plus gros contingent de soldats français à l’étranger, environ 1.500 hommes en 2023, selon le ministère des Armées. Outre les hommes, la France dispose aussi sur place de chars AMX 10, de canons Caesar, de véhicules blindes, d’hélicoptères de combat ou encore d’avions de chasse Mirage 2000-5.

La porte sud de la Mer Rouge

Selon Sonia le Gouriellec, maîtresse de conférences en science politique à l’université catholique de Lille, spécialiste de la Corne de l’Afrique, la présence de la France à Djibouti est, et a toujours été, stratégique : « cette base permet d’abord de projeter rapidement des forces dans le secteur en cas de crise », explique-t-elle. Et de citer la Jordanie, l’Irak, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo ou encore le Sahel avec les opérations Serval et Barkhane. « Djibouti est d’autant plus important pour la France qu’il s’agit de son dernier carré africain », ajoute Jean-Marie Collin, consultant sur les problématiques de défense. « C’est aussi un site de tir et un lieu d’entraînement », précise-t-il. Où l’on forme « un réservoir de forces aguerries, acclimatées et entraînées », reconnaît le ministère des Armées.

Aujourd’hui encore, l’importance stratégique de Djibouti demeure primordiale pour les intérêts français, notamment parce que le pays « commande l’accès sud à la mer Rouge par sa proximité avec le Bab el-Mandeb (BEM) », souligne la spécialiste. BEM par lequel transitent chaque année « 15 % des marchandises échangées dans le monde », poursuit-elle. « La base maritime de Djibouti permet de lutter contre les attaques des pirates somaliens », insiste Jean-Marie Collin. Elle est aussi utile pour « garder un œil sur les activités des rebelles houthis du Yémen », soutenus par l’Iran, qui attaquent des navires commerciaux en mer Rouge, note Sonia Le Gouriellec.

D’ailleurs, si la France a été la première installer une base militaire à Djibouti, moyennant un « loyer » de 30 millions d’euros par an, de nombreuses autres puissances internationales n’ont pas tardé à l’imiter. Les Etats-Unis, l’Italie et la Chine ont désormais un pied-à-terre dans ce pays, sans compter l’Allemagne et l’Espagne qui sont présents sans toutefois disposer de base, assure la spécialiste. Et certains pays y ont de grandes oreilles, comme les Etats-Unis avec la CIA et la France avec la DGSE. « A tel point que l’endroit avait été rebaptisé ''Djibouti, nid d’espions'' », affirme Sonia Le Gouriellec.