mauvais payeurLes maires « choqués » par la suspension du versement des loyers de la gendarmerie

Loyers impayés de la gendarmerie : Les maires « choqués » par la « brutalité » de la méthode employée

mauvais payeurPlusieurs élus locaux expriment leur mécontentement vis-à-vis de l’Etat qui a cessé de verser les loyers des brigades de gendarmerie aux communes les ayant financées
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • Plusieurs casernes de gendarmerie ont dû suspendre le paiement de leurs loyers en raison de problèmes de trésorerie imputés notamment aux Jeux olympiques et à l’important déploiement de gendarmes en Nouvelle-Calédonie.
  • La nouvelle a été accueillie froidement par les maires des communes concernées qui l’ont apprise via un simple mail reçu le 25 septembre dernier. Pour elles, le manque à gagner pèse sur leur budget.
  • C’est surtout la « brutalité » de la méthode employée que déplorent les élus locaux contactés par 20 Minutes.

Le 25 septembre dernier, Jean-Marc Vasse reçoit un mail des Affaires immobilières de la gendarmerie nationale. Un message destiné à prévenir le maire de Terres-de-Caux, en Seine-Maritime, que les loyers des troisième et quatrième trimestres ne seraient pas payés. « Mon sang n’a fait qu’un tour », raconte l’élu à 20 Minutes. Il faut dire que pour cette commune nouvelle d’environ 4.200 habitants, cela représente la coquette somme de 95.000 euros. De l’argent qui sert à rembourser la construction de la caserne érigée en 2017 pour remplacer l’ancienne, âgée de 45 ans, qui était « vétuste ».

A l’époque, la collectivité a déboursé 4.737.000 euros pour financer les travaux de construction. « On a été aidé un peu par l’État, à hauteur de 1,2 million. Mais le reste on l’a emprunté », poursuit Jean-Marc Vasse. L’Etat a signé un bail de neuf ans et paie chaque année à Terres-de-Caux un loyer de 190.000 euros. Alors c’est peu dire que l’annonce de la suspension des paiements a été accueillie froidement par le maire de la commune nouvelle. « Nous avons un budget dédié à la gendarmerie, et nous avons un peu de trésorerie. Mais pour d’autres communes, cela peut être plus compliqué », ajoute-t-il.

Une ardoise de 200 millions d’euros

Car le maire de Terres-de-Caux n’est pas le seul à se retrouver dans cette situation. Comme l’a révélé France Bleu, de nombreuses municipalités font face à des loyers impayés de la part de la gendarmerie nationale. Pour en connaître la raison, 20 Minutes a interrogé le ministère de l’Intérieur qui n’a pas répondu à nos sollicitations. La place Beauvau a néanmoins fait savoir à l’AFP que ses problèmes de trésoreries sont dus aux « dépenses engagées en raison des événements en Nouvelle-Calédonie qui n’avaient pas été anticipées », et aux « paiements des dépenses liées à la sécurisation » des Jeux olympiques qui « n’avaient pas été évaluées à leur juste niveau ».

Le montant total des loyers impayés à ce stade est de 200 millions d’euros. « Il y a des communes dans lesquelles la caserne de gendarmerie était payée depuis longtemps. Pour elles, les loyers versés représentent une recette de fonctionnement et servent aux écoles ou à nettoyer les rues », observe Edmond Jorda, le maire de Sainte-Marie-la-Mer et président de l’Association des maires de France des Pyrénées-Orientales. Il cite l’exemple de Cabestany, 10.000 habitants, pour laquelle cela représente 270.000 euros par an. Et pour Latour-de-France, un village d’un millier d’âmes, c’est 40.000 euros par an. « C’est conséquent quand même. Et on s’est rendu compte par la même occasion que certaines communes avaient un an d’arriérés de loyers impayés ! »

« Une mesure prise de façon unilatérale »

La décision avait été prise par l’ancien ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Les services de son successeur, Bruno Retailleau, ont assuré à l’AFP que ces « loyers seront réglés ». Le ministère de l’Intérieur attend, pour cela, « la loi de fin de gestion et l’ouverture de nouveaux crédits en décembre » qui prévoit une enveloppe de 320 millions d’euros. « Il ne s’agit que d’un report de paiement, tout devrait rentrer dans l’ordre au début de l’année prochaine », promet la place Beauvau, ajoutant que ce report de paiement « ne concerne pas les "petits" bailleurs, les particuliers et les plus petites collectivités », ni celles d’Outre-mer. « Seuls les bailleurs dont la trésorerie est en mesure de supporter ces retards. »

Edmond Jorda, lui, a surtout été heurté par la « brutalité » de la méthode employée. « Nous sommes des élus avec le sens des responsabilités. On sait très bien qu’il peut y avoir des moments difficiles et nous sommes capables de nous montrer solidaires avec l’État. Ce qui nous a choqués, ce qui nous a sidérées, c’est qu’il s’agit d’une mesure prise de façon unilatérale. Est-ce que vous avez déjà vu un locataire décidé du jour au lendemain qu’il ne paiera pas ses loyers les trois prochains mois ? Ça ne se fait pas », souligne l’élu auprès de 20 Minutes. « Il aurait fallu se mettre autour de la table, discuter des difficultés que l’on peut comprendre, et trouver des solutions ensemble. C’est malheureux. Ce n’est pas comme ça qu’on conçoit les relations entre l’Etat et les collectivités. Et on aurait pu s’éviter une crise. »