Liberté égalité tanacitéC’est quoi le Tanaland, pays imaginaire pour contrer les misogynes ?

Tanaland : C’est quoi ce « pays » 100 % féminin pour contrer les misogynes des réseaux sociaux ?

Liberté égalité tanacitéUn pays sans homme ? Les femmes en rêvent sur les réseaux sociaux après avoir détourné une insulte
Lucie Tollon

Lucie Tollon

L'essentiel

  • Après le pays imaginaire du Listenbourg, apparu en 2022, c’est au tour d’une nouvelle nation de voir le jour sur les réseaux sociaux : le Tanaland.
  • Exclusivement réservé aux femmes, le Tanaland est la réponse ironique à des insultes misogynes et sexistes. En quelques jours, des centaines de vidéos, des milliers de likes et de nombreux comptes ont envahi TikTok, X et Instagram.
  • Comment une insulte envers les femmes est devenue un mouvement féministe ? 20 Minutes décrypte le phénomène.

Exit le Listenbourg pour se moquer des Américains. Le nouveau pays à la mode n’est autre que le Tanaland lancé par la tiktokeuse Hadja_bh2. Un endroit exclusivement réservé aux femmes. Si ce « pays » est fictif, il est une réponse à un problème malheureusement bien réel : la misogynie et les violences sexistes sur les réseaux. Non content d’avoir assez de vocabulaire pour insulter les femmes, les hommes ont inventé une nouvelle expression il y a peu pour remplacer le mot « pute », banni des réseaux, par « tana ».

L’histoire pourrait s’arrêter là. Les insultes sont monnaie courante sur TikTok, X et Instagram, mais cette fois-ci, en plein procès des viols de Mazan, les femmes ont décidé de répondre, à leur manière, à cette nouvelle vague de cyberharcèlement. Avec humour, elles se sont réapproprié l’expression et l’ont utilisé contre leurs détracteurs. « C’est la première fois qu’un tel mouvement a lieu. Les femmes se sont réunies avec une belle sororité autour d’une insulte face à l’ultra sexisme à un moment clé du #NotAllMen et de l’affaire Pelicot », commente Anaïs Loubère, experte en stratégies numériques et fondatrice de Digital Pipelettes. Pour la première fois, les femmes s’approprient pleinement ces moqueries quotidiennes.

18 millions d’habitantes

Résultat ? Les femmes attendent d’être traitées de tana pour pouvoir s’inviter à Tanaland. Qu’elles soient influenceuses – comme Paola Locatelli, Polska ou encore Too Much Lucile – ou de parfaites inconnues, elles se rebellent et s’autonomisent. Anaïs Loubère annonce : « On va toutes partir parce qu’apparemment, on est toutes des putes. » En quelques jours, le « pays » compte déjà 18 millions d’habitantes.

Un peu comme le Listenbourg qui avait créé son drapeau, son hymne et ses ministères, le Tanaland a déjà une présidente, des ministres, un aéroport et une direction artistique bien rose, bien caricaturale pour se moquer davantage de la misogynie. Plusieurs comptes crées par la suite pour présenter le « pays » ont déjà des milliers d’abonnements. Et les idées fusent chez les femmes pour parler de ce lieu où elles pourraient s’habiller comme elles le veulent, faire ce qu’elles veulent et se sentir en sécurité. « Le paradis », comme l’écrivent certaines internautes.

La décrédibilisation de la parole

« Ça peut paraître futile, mais Tanaland est une réponse globale et un élan collectif très structuré du féminisme. Ces femmes sont parties de petites blagues à une véritable organisation étatique en abordant des lois importantes à leurs yeux et en créant un endroit où la parole de la femme est enfin prise en compte », analyse la fondatrice de Digital Pipelettes.

Mais dans ce récit d’un monde parfait, la réalité rattrape ces femmes… « Et elles vont faire comment quand il faudra porter des trucs lourds ? », « elles sont gênantes de fou… »… Les réponses sexistes et misogynes ne se sont pas faites attendre du côté des hommes qui tentent de dénigrer le mouvement. Ils ont créé de leur côté « Charoland », un « pays » rempli de femmes, où ils pourraient faire ce qu’ils veulent… Exactement comme dans la vraie vie du coup. « Alors que Tanaland ne s’oppose pas aux hommes mais s’en éloigne seulement, des hommes cherchent à décrédibiliser encore une fois la parole des femmes », ajoute Anaïs Loubère.

« L’algorithme est misogyne »

Derrière ces trends, résonne un véritable fait de société : deux camps qui s’opposent. « Les réseaux sociaux accentuent la polarité. La montée du féminisme sur les plateformes a engendré l’arrivée des mascus et de la haine des femmes couverte par l’anonymat », explique Emmanuelle Patry, fondatrice de Social Media Lab. « Une étude australienne a montré qu’un homme qui crée un compte Instagram à partir de zéro aura dans son fil d’actu des publications sexistes. Selon cette étude, l’algorithme est misogyne et il segmente lui-même les genres », décrit la spécialiste des réseaux sociaux.

« Les réseaux sociaux sont un amplificateur de la société. S’il y a de plus en plus de jeunes femmes progressistes, il y a aussi de plus en plus de jeunes garçons rétrogrades… Mais les femmes savent de plus en plus répondre à toutes ces attaques et c’est en ça que Tanaland est un vrai symbole », conclut Anaïs Loubère.