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Après l’agression d’un enseignant près de Lyon, les profs « choqués »

Villeurbanne : « Des portables, on en confisque tous les jours », les profs choqués après l’agression d’un enseignant

Opération « Lycée mort »Ce mardi matin, une soixantaine de professeurs du lycée Frédéric-Faÿs de Villeurbanne était mobilisée après l’agression de l’un de leurs collègues par un élève
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Vendredi dernier, un professeur du lycée Faÿs à Villeurbanne s’est fait agresser par un de ses élèves parce qu’il lui avait confisqué son téléphone portable. Son nez a été cassé, entraînant une ITT de huit jours.
  • À la suite de cette « violente agression », une soixantaine de professeurs de cet établissement se sont rassemblés mardi matin pour une opération « lycée mort » et une journée de grève.
  • Depuis des années, ils réclament davantage de moyens humains. « Investir dans l’école, c’est réduire la violence », ont-ils écrit sur des pancartes lors de leur mobilisation.

«Investir dans l’école, c’est réduire la violence », « pas d’avenir sans moyen, stop aux violences scolaires », « sans moyens, pas d’éducation ». Ce mardi matin, devant le lycée Frédéric-Faÿs de Villeurbanne, près de Lyon, une soixantaine de professeurs étaient en grève pour « dénoncer la récurrence d’actes de violent à l’intérieur et aux abords de l’établissement ». Vendredi dernier, un de leurs collègues s’est fait agresser en classe par un élève parce qu’il lui avait confisqué son téléphone. L’enseignant s’est fait casser le nez, entraînant une ITT de huit jours.

« Jusqu’à présent, la rentrée se passait bien, lance Mathias, professeur d’anglais. Ce n’est pas un établissement, ni une classe, connus pour ce genre de faits. Aujourd’hui, on est tous et toutes réunis parce qu’on pense au collègue qui va devoir revenir travailler dans cette ambiance. Même si tout le monde ne le connaît pas personnellement, on est une équipe pédagogique et on se soutient. » Il ajoute : « Ces faits sont inacceptables. Et on pense à tout ce qu’on réclame depuis des années. Des demandes sans réponse. Cette violence administrative, par contre, on la subit tous les jours. »

« Tous les ans, on alerte, tous les ans, on est ignorés »

« On est choqués, glisse à son tour Sonia, professeure d’histoire-géographie. Des portables, on en confisque tous les jours. On n’imagine jamais que ça puisse en arriver là. Mais on se sent surtout abandonnés et en colère. » En poste depuis 2019 dans l’établissement, cette enseignante rappelle « qu’il n’y a pas une année » où les professeurs ne se sont pas mobilisés devant le rectorat pour demander « plus de moyens ». « Tous les ans, on alerte, tous les ans, on est ignorés. C’est usant », souffle-t-elle.

Les professeurs du lycée Faÿs dénoncent l'agression commise envers leur collègue par un élève en classe et réclament davantage de moyens pour « réduire cette violence ».
Les professeurs du lycée Faÿs dénoncent l'agression commise envers leur collègue par un élève en classe et réclament davantage de moyens pour « réduire cette violence ». - E. Martin / 20 Minutes

Devant les grilles du lycée, Raphaël, professeur de français, brandit une pancarte dénonçant les « 1,2 milliard d’investissements dans les établissements privés » sur le territoire national, au détriment du public, alors que les élèves « sont dans le besoin ». « J’aime mon métier et je le fais pour la réussite de mes élèves, lance-t-il. Mais on n’y arrive qu’en bricolant. On a des lycéens dans le besoin, qui viennent de collèges en zone d’éducation prioritaire. Ils veulent réussir mais dans ces conditions, on ne leur donne pas toutes leurs chances. »

Ces conditions ? « Il pleut dans les salles, il n’y a pas de chauffage, il manque des effectifs en infirmerie, chez les CPE, à la direction. On est laissés à l’abandon depuis des années, ce qui instaure une dégradation du climat scolaire. Dans cette ambiance, on peut voir s’installer la frustration chez certains élèves, qui, parfois, se traduit par de la violence. »

Nouvelle mobilisation jeudi

Même constat pour Mathias qui effectue sa 6e rentrée dans l’établissement. Il rappelle : « Malgré les travaux de rénovation il y a une dizaine d’années, il y a encore six classes en Algeco. » Selon les professeurs, le nombre d’élèves accueillis est passé de 900 à 1.300. Certaines classes de 1re et de terminale accueillent alors jusqu’à 36 élèves. « L’effectif est croissant, mais les moyens donnés restent les mêmes », souligne-t-il.

Pour ce professeur d’anglais, le lycée Faÿs est « génial » mais « sur le papier ». « L’offre fait envie, mais ce qu’on ne voit pas, c’est le dédoublement des classes, le manque d’accompagnement personnalisé pour les secondes, l’abandon d’heures dégagées pour les cours obligatoires sur la vie sexuelle et affective ou le harcèlement scolaire, par exemple », liste-t-il. Cette opération « lycée mort » durera toute la journée et « jusqu’à une réponse satisfaisante » du rectorat. Jeudi, tous les lycées d’éducation prioritaire de la région seront en grève pour ces mêmes raisons.

Le recteur « condamne avec la plus grande fermeté » les actes violences

Contactée, l’académie de Lyon répond qu'« une délégation du lycée a été reçue à la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale dans le Rhône, qui lui a exprimé son soutien ». Cette délégation ayant abordé « la question des moyens de l’établissement pour faire face aux faits de violence », elle répond que le lycée dispose des postes nécessaires en fonction de « sa dotation théorique ».

« Le recteur condamne avec la plus grande fermeté tous les actes de violences à l’encontre des personnels de l’Éducation nationale », ajoute-t-elle précisant que l’élève en question a été soumis à une « mesure conservatoire d’interdiction d’accès à l’établissement » et qu'« une procédure disciplinaire a été engagée ». « La direction du lycée Faÿs a soutenu l’enseignant agressé dans son dépôt de plainte, et les autorités académiques mettent à disposition toutes les mesures d’accompagnement à leur disposition », conclut le rectorat.

Insuffisant pour les enseignants de Faÿs qui seront donc à nouveau en grève ce jeudi face à « l’absence de réponse du rectorat à notre demande de moyens supplémentaires ».