Nouvelle-Calédonie : La crainte d’un regain de violences à l’approche de la date clé du 24 septembre
brasier brûlant•Mardi marquera la prise de possession du territoire calédonien par la France en 1853. A l’approche de cette date hautement symbolique, la sécurité a été renforcéeCécile De Sèze
L'essentiel
- A l’approche de la date du 24 septembre en Nouvelle-Calédonie, qui marque l’anniversaire de la prise de possession du territoire par la France, l’ambiance se tend.
- La sécurité a été renforcée de manière considérable avec un couvre-feu durci et des événements annulés.
- Mais la mort de deux hommes tués par les forces de l’ordre jeudi a ranimé les tensions qui pourraient s’accroître le jour de cette date clé.
Un « dispositif considérable » de sécurité est prévu. Ce sont les mots employés par Théophile de Lassus, directeur de cabinet du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, cité dans les colonnes des Nouvelles calédoniennes. Car la crainte de voir se rallumer les braises des émeutes qui ont secoué l’archipel en mai dernier est bien réelle à l’approche du 24 septembre, date clé dans l’histoire du Caillou, marquant la prise de possession du territoire calédonien par la France en 1853.
700 gendarmes supplémentaires
Les autorités ont ainsi prévu l’arrivée de 700 gendarmes supplémentaires pour un total de 6.000 membres des forces de l'ordre déployés, soit sept fois plus que les effectifs disponibles le 13 mai lors du début des émeutes. Mais aussi l’interdiction de rassemblements dans le Grand Nouméa ou encore l’annulation des animations prévues par le Sénat Coutumier. Le couvre-feu, en place depuis quatre mois, est également prolongé et renforcé pour ce week-end de pont, le 24 septembre étant férié. Les habitants de la Nouvelle-Calédonie ont interdiction de sortie entre 18 heures et 6 heures du matin, du samedi 21 au soir jusqu’au mardi 24 au matin.
De toute manière, Sylvain, résident depuis plus de dix ans, n’a pas vraiment envie de s’aventurer en dehors de la capitale car même si « c’est plus calme qu’au début, c’est loin d’être fini ». « Depuis quatre mois, je n’ai quasiment pas quitté Nouméa, on ne bouge pas trop, ça reste tendu même si on vit normalement », ajoute cet ingénieur en informatique de 42 ans.
« Ça allait mieux et là c’est reparti »
Malgré un retour au calme ces dernières semaines, les tensions ont en effet repris après la mort de deux hommes abattus par le GIGN dans le quartier de Saint-Louis, dans l’agglomération de Nouméa. « Ça retend la situation, constate Coralie Cochin, journaliste chez Nouvelle-Calédonie la 1ère. Les gens ne sont pas très sereins, à tort ou à raison, mais de fait il y a des inquiétudes ».
La journaliste a à nouveau entendu jeudi soir les sons reconnaissables des grenades de désencerclement de la police. « Ça allait mieux et là c’est reparti », résume-t-elle. « La nuit a été relativement agitée et tranchait un peu avec la sérénité qui présidait aux nuits depuis maintenant quelques semaines », a en effet déclaré le général Nicolas Matthéos, commandant de la gendarmerie de Nouvelle-Calédonie, vendredi dernier. Alors même sans parler du 24 septembre, les tensions existent et perdurent, alimentées par « un sinistre économique, un sinistre social et un dialogue politique au point mort », dénonce auprès de 20 Minutes Jean-Victor Castor, député de Guyane proche du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS).
Le Sénat coutumier appelle au calme
C’est pourquoi Mahe Gowe, le président du Sénat Coutumier, a appelé au calme et « à la résilience », estimant que « dans ce contexte difficile, il est crucial de faire preuve de solidarité, de responsabilité, et de veiller à la vie de tous ».
Une source anonyme du monde coutumier se veut par ailleurs rassurante. Si elle comprend qu’après les violentes émeutes qui ont éclaté le 13 mai « certaines personnes aient peur d’un nouvel embrasement », elle promet que « le 24 septembre sera loin de ce que les gens appréhendent ». Une cérémonie officielle pour la déclaration de citoyenneté des autorités coutumières sera organisée par les chefferies mais se passera « dans un état d’esprit pacifique », assure notre source. Et « s’il y a des violences, ça sera contraire à l’état d’esprit dans lequel cette déclaration est prévue », abonde-t-elle.
Un risque d’embrasement
Certains restent néanmoins sur leurs gardes. Probablement un peu traumatisé par les violences du mois de mai, ceux qui se sont baptisés « voisins vigilants » et qui se relayaient sur des barrages improvisés pour défendre leur maison redoutent un regain des émeutes. « Ils ont été tellement choqués qu’ils ne veulent pas se faire avoir une deuxième fois », analyse Coralie Cochin. Ils se sont d’ailleurs organisés en collectif, « et ça raconte quelque chose », estime la journaliste. Pour le coup, Sylvain se sent en sécurité, surtout grâce à la présence policière jugée pour le moins « disproportionnée » par notre source anonyme.
Mais cette situation ne peut pas être pérenne. Renforcer la sécurité ne réglera pas les problèmes de fond. Alors sans solution politique, le risque d’un débordement violent est toujours présent car « les Kanak ne vont jamais baisser leur mobilisation, revenir sur leurs aspirations profondes, le peuple est déterminé à se faire entendre », insiste Jean-Victor Castor.
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