A coups d’interdiction, le préfet breton continue de taper sur les teufeurs

Bretagne : A coups d’interdiction, le préfet continue de taper sur les teufeurs

ET JE COUPE LE SONChaque week-end ou presque, des arrêtés sont pris en Bretagne pour interdire les rassemblements techno
Jérôme Gicquel

Jérôme Gicquel

L'essentiel

  • Alors que son prédécesseur avait engagé un dialogue avec les organisateurs de rave parties, Philippe Gustin, préfet de Bretagne, a opté pour un discours beaucoup plus sécuritaire.
  • Chaque week-end ou presque, des arrêtés sont pris pour interdire « les rassemblements festifs à caractère musical » en raison de « risques de troubles à l’ordre public ».
  • En Ille-et-Vilaine, le nombre de teufs est ainsi en net recul depuis le début de l’année.

On pourrait le surnommer « le préfet qui n’aimait pas les teufs ». Non pas que ses prédécesseurs étaient particulièrement branchés musique techno. Mais depuis sa prise de fonctions à l’été 2023 en Bretagne, Philippe Gustin a clairement les free parties dans son viseur. Une allergie qui remonte à près de vingt-cinq ans. Alors qu’il démarrait sa carrière dans le corps préfectoral, l’énarque avait alors dû gérer un décès lors d’une teuf. Gardant en souvenir « l’ambiance délétère » qui y régnait, il se dit depuis « polytraumatisé des rave parties ».

En débarquant dans l’Ouest, terre sacrée des teufeurs avec entre « deux à quatre raves » chaque week-end dans la région, le préfet a donc trouvé de quoi s’occuper. Alors qu’Emmanuel Berthier, nommé préfet de Bretagne fin 2020, avait entamé un dialogue avec les organisateurs afin de mieux encadrer ces rassemblements festifs, son successeur a dès le départ décidé de serrer la vis en optant pour un discours plus sécuritaire. « On ne peut pas discuter avec des gens qui font des choses illégales, assurait-il début janvier. Et je ne peux pas accepter qu’on perturbe ainsi les gens et que l’on pénètre sur des propriétés privées. »

Saisies de matériel et arrêtés d’interdiction

Sa méthode pour couper le son : « taper au portefeuille » des organisateurs de teufs en saisissant leur matos mais aussi leur rendre la vie impossible à grands coups d’interdictions. Chaque week-end ou presque, un arrêté tombe en effet pour interdire « les rassemblements festifs à caractère musical » en raison de « risques de troubles à l’ordre public » et des « risques sanitaires ».

Il concerne souvent l’Ille-et-Vilaine avant d’être repris dans la foulée par les autres préfets bretons. Ce sera encore le cas ce week-end avec un arrêté d’interdiction en vigueur jusqu’à mardi soir. « Alors qu’aucune déclaration préalable n’a été déposée auprès du préfet d’Ille-et-Vilaine, plusieurs rassemblements festifs à caractère musical sont annoncés en Bretagne en cette fin de semaine », peut-on lire sur cet arrêté en date du 4 septembre.

Le nombre de teufs en net recul en Ille-et-Vilaine

Ces décisions préfectorales n’empêchent pas bien sûr la tenue de teufs dans la région. « Ces arrêtés sont totalement inefficaces, il faut le dire. Parce qu’ils ne permettent pas d’empêcher les rassemblements et encore moins d’y mettre fin », nous indiquait en mai un officier de la gendarmerie connaissant bien le dossier. Un mois plus tôt, près de 9.500 personnes avaient ainsi dansé et fait la fête sur le tarmac de l’aéroport de Quimper (Finistère).

Durs à faire respecter, ces arrêtés permettent surtout de contrôler plus facilement les camions susceptibles de transporter le matériel utilisé par les sound systems et de le saisir en amont de l’événement. De quoi en décourager donc certains. Depuis le début de l’année, « seulement » onze rave parties se sont déroulées en Ille-et-Vilaine, contre vingt-sept à la même période en 2023. « Cela montre l’efficacité de ces arrêtés », assure le préfet, qui compte bien encore mener la vie dure aux teufeurs qui, on l’aura compris, ne sont pas trop ses amis.