LESBOPHOBIEMenacée de mort, une directrice d’école du Cantal ne fait pas sa rentrée

Cantal : Harcelée et menacée de mort en raison de son orientation sexuelle, une directrice d’école ne fait pas sa rentrée

LESBOPHOBIECaroline, directrice depuis 2021 de l’école de Moussages, dans le Cantal, n’était pas devant ses élèves pour la rentrée 2024 en raison de menaces de mort liées à son orientation sexuelle
Elise Martin

E.M.

L'essentiel

  • Depuis décembre 2023, Caroline, directrice de l’école de Moussages, dans le Cantal, est visée par des insultes lesbophobes ainsi que des menaces de mort en raison de son orientation sexuelle.
  • Après s’être battue avant les vacances d’été pour garder sa classe malgré la volonté du rectorat de la muter « pour la protéger », elle a finalement décidé de « dire stop » et de ne pas rester.
  • Thierry Pajot, secrétaire général du syndicat des directrices et directeurs d’école, espère que cette histoire permettra une « évolution des mœurs de la société » et que ce genre d’événements ne puisse « plus jamais arriver ».

«Pédophile. » Cette insulte diffamante a été inscrite sur les murs de l’unique école de Moussages, un village de 300 habitants du Cantal, deux jours avant la rentrée. Pour Caroline, la directrice de l’établissement depuis 2021, c’était le message de trop. Une insulte de trop après huit mois de harcèlement, de menaces de mort et le dépôt de cinq plaintes qui n’ont, pour l’instant, pas abouti.

Cette enseignante, mariée à une femme, a alors décidé de ne pas effectuer sa rentrée devant sa quinzaine d’élèves, la première fois en vingt ans de carrière.

« Elle a dit ''stop'' »

Elle avait pourtant tenu, en fin d’année scolaire dernière, à garder sa classe et à faire face à ce ou ces « corbeaux » après la révélation de l’affaire auprès du rectorat, qui souhaitait qu’elle change d’école « pour la protéger ». Depuis décembre 2023, les murs avaient été tagués et des courriers avaient été déposés dans la boîte de l’école avec, notamment, des injures telles que « va crever sale gouine ».

« Avec ce nouveau tag, le fait que les parents d’élèves ne souhaitaient pas que la gendarmerie mette des caméras de surveillance pour faire avancer l’enquête, des parents qui voulaient enlever leur enfant de l’école et le manque de soutien dans le village, elle a finalement dit ''stop'' », résume auprès de 20 Minutes Thierry Pajot, secrétaire général du syndicat des directrices et directeurs d’école.

L’institutrice s’est sentie « abandonnée » et « chassée »

Le post Facebook du village de Moussages, mis à jour ce mercredi matin, confirme que l’école accueille « deux nouvelles enseignantes » pour cette « rentrée sereine ». Une publication « extrêmement maladroite » pour Thierry Pajot qui n’hésite pas à se demander si ce village « mérite une école de la République ».

« L’institutrice nous a confié qu’elle ne s’était jamais sentie soutenue, que tout le monde savait mais que personne n’avait jamais rien fait, poursuit-il. Après ces événements, elle se sent abandonnée, chassée. » Caroline est actuellement en arrêt maladie jusqu’à fin septembre et reprendra le cours de sa vie ailleurs.

« Être vigilant pour que ça ne puisse plus jamais arriver »

Pour le syndicat des directrices et des directeurs d’école, mais aussi « l’ensemble de la profession », selon Thierry Pajot, ce genre d’événement est « inadmissible ». « Caroline est une excellente professionnelle, reconnue dans le métier, commente-t-il. On est choqué de voir que, même en 2024, des personnes peuvent détruire la vie professionnelle par haine de l’autre. On doit être vigilant pour que ça ne puisse plus jamais arriver. »

Il rappelle qu’au moindre fait similaire, les professeurs doivent alerter les instances responsables et se faire accompagner. « On ne laisse pas tomber un enseignant de la République, conclut-il. On espère au moins que cette histoire permettra une prise de conscience et une évolution des mœurs dans la société. »