COLLECTION« Un vrai business »… Dans les bourses militaria, les prix s’affolent

80e anniversaire du Débarquement : Dans les bourses militaria, les prix s’affolent… « C’est devenu un vrai business »

COLLECTIONLes objets militaires datant de la Seconde Guerre mondiale n’échappent pas à l’inflation. Et dans ce marché de niche et de passionnés, les escrocs ont flairé le filon
Jérôme Gicquel

Jérôme Gicquel

L'essentiel

  • La Normandie commémore jusqu’au 16 juin le 80e anniversaire du Débarquement des troupes alliées sur ses côtes.
  • Plusieurs bourses d’objets militaires sont organisées pour l’occasion dans la région, rassemblant des milliers de collectionneurs en quête de la perle rare.
  • Dans ce marché de niche, les prix se sont envolés ces dernières années et les escrocs pullulent, notamment sur Internet.

De notre envoyé spécial à Sainte-Mère-Eglise (Manche),

Il était venu au départ pour trouver « quelques babioles » afin d’enrichir sa collection, rien de plus. Mais comme souvent, Patrick a craqué et est reparti les poches vides. Ce Normand, venu en voisin, mardi, à la bourse militaria de Sainte-Mère-Eglise, a cette fois sorti les billets pour un objet rare. « C’est un porte-charge américain datant de 1942, s’enflamme-t-il. Cela servait à porter les munitions pendant la Seconde Guerre mondiale ». Pour ce matériel d’époque, le retraité a claqué 300 euros. « J’ai voulu un peu négocier mais le vendeur ne voulait rien entendre, se marre-t-il. Ce n’est pas bien grave, je me suis fait plaisir ».

Patrick, un collectionneur normand, a craqué pour un porte-charge américain datant de 1942, acheté 300 euros.
Patrick, un collectionneur normand, a craqué pour un porte-charge américain datant de 1942, acheté 300 euros. - J. Gicquel / 20 Minutes

Sous le grand chapiteau installé pour le 80e anniversaire du Débarquement près de l’église du village normand, des milliers de passionnés d’objets militaires comme Patrick sont venus dénicher la perle rare. Celle qui viendra sublimer leur collection avant d’être remplacée par une autre. « Un collectionneur, c’est comme un toxicomane, il ne sait jamais s’arrêter », confie Philippe, originaire d’Annecy. Lui-même « toxico », il a cette fois enfilé la casquette de vendeur. Sur son stand, beaucoup de couteaux, des tenues militaires, mais aussi des capsules de soda vintage avec du liège.

« J’ai mis une fois 5.000 euros dans un casque »

Sur les stands d’à côté, c’est tout le paquetage du soldat américain qui est à vendre avec des casques, des masques à gaz, des gilets et des pelles pour creuser des tranchées. Mais aussi des objets du quotidien comme des accessoires de toilette, du matériel médical ou des gourdes, des gamelles ou des couverts. Des « vieilleries » selon certains, mais pour lesquelles cette communauté du kaki est prête à débourser des sommes folles. « J’ai mis une fois 5.000 euros dans un casque porté par un soldat américain de la 1ère division d’infanterie à Omaha Beach », assure Patrick.

On retrouve même à la vente des accessoires de toilette ayant appartenu à des soldats américains.
On retrouve même à la vente des accessoires de toilette ayant appartenu à des soldats américains. - J. Gicquel / 20 Minutes

Depuis quelques années, les prix se sont en effet envolés sur ce marché de niche. « Ces objets intéressaient beaucoup moins de monde avant et il y avait beaucoup moins de professionnels, explique Philippe, un collectionneur belge. Il y a aussi de moins en moins d’objets d’époque sur le marché, et tout ce qui est rare est donc cher ». Comme ces casques ou insignes de soldats qui se vendaient auparavant pour une bouchée de pain, et pour lesquels il faut désormais lâcher plusieurs centaines voire milliers d’euros. « C’est du grand n’importe quoi, c’est devenu un vrai business », constate Francis, originaire de Lorraine, qui écume les bourses militaria depuis une vingtaine d’années.

De pâles copies vendues pour des objets d’époque

C’est sans compter les escrocs qui ont flairé le filon, notamment sur Internet, vendant de pâles copies pour des objets d’époque. Avec, pour certains, une technique bien rodée. « Ils les enfouissent dans la terre ou utilisent de l’acide pour les vieillir », balance Rémy. Sur son stand, il garantit aux acheteurs que « tout est d’époque », montrant – quand elle existe – la date gravée sur l’objet pour certifier qu’il a bien connu la guerre. « Je me méfie de toute façon de tout ce qui est en vente sur Internet, assure Francis. J’ai besoin de voir l’objet et de le toucher pour m’assurer que ce n’est pas du toc ».

Le collectionneur lorrain n’a rien contre les copies de militaria, il en possède d’ailleurs. « Il en faut pour tout le monde bien sûr, indique-t-il. Mais le vendeur doit dans ce cas le préciser pour ne pas berner l’acheteur ». De l’avis des connaisseurs, la bourse de Sainte-Mère-Eglise, l’une des plus importantes dans la région, accueille très peu de vendeurs malhonnêtes. Et pas énormément d’armes, comme on a pu le constater. Dans les allées, deux gendarmes en civil procèdent à des contrôles pour s’assurer que des armes qui seraient détenues illégalement ou qui ne seraient pas neutralisées ne soient vendues.

Il en est de même avec les uniformes ou insignes allemands ornés d’un symbole nazi, dont la vente n’est pourtant pas interdite. « Il ne faut pas les exposer à la vue de tout le monde et pastiller par exemple la croix gammée », nous explique un vendeur souhaitant rester anonyme. En 2014, lors d’une précédente bourse militaire à Sainte-Mère-Eglise, une centaine d’objets nazis avaient été saisis par les forces de l’ordre.