Airbags de Citroën : « Ils nous ont laissés rouler dans des bombes à retardement », un collectif passe à l’attaque
Takata kata•Citroën a rappelé 247.000 voitures en France en raison d’airbags possiblement dangereux. Une opération complexe et jugée tardive par un collectif de propriétaires qui lance une plainte collective au pénalHélène Ménal
L'essentiel
- Citroën a déclenché le 17 mai un rappel massif de véhicules dont les airbags, fabriqués par le Japonais Takata, peuvent s’avérer dangereux, voire mortels.
- Quelque 247.000 C3 ou DS3, fabriquées entre 2009 et 2019, sont concernées en France.
- Au-delà de la complexité de l’opération de réparation à grande échelle, occasionnant des délais gênants, un collectif de propriétaires s’émeut du déclenchement tardif de la mesure. Avec un cabinet d’avocats spécialisé dans les actions collectives, il lance ce jeudi les inscriptions pour déposer une plainte au pénal.
«Ils étaient totalement informés et pour autant ils nous ont laissés rouler avec des véhicules qui étaient de véritables bombes à retardement ! » Maryse-Hélène Malroux ne décolère pas. Elle culpabilise même. La Citroën C3 qu’elle a achetée à son fils pour ses 18 ans il y a trois ans fait partie des quelque 247.000 véhicules rappelés par la marque pour cause d’airbags défectueux. « Je lui ai fait prendre malgré moi des risques inconsidérés puisqu’il vient de Cannes me voir tous les mois », explique cette habitante de Cazères, au sud de Toulouse. Son sang n’a fait qu’un tour quand elle a appris la nouvelle à la télé, et dès réception de la lettre recommandée du constructeur, le 22 mai, elle a créé la très populaire page Facebook « Collectif scandale Airbag Citroën ».
Difficile de dire qu’elle exagère puisque la lettre adressée aux propriétaires de modèles Citroën C3 et DS 3 fabriqués de 2009 à 2019, vivant dans le sud de la France, donnerait le frisson à n’importe quelle mère ou automobiliste angoissé. Toutes les voitures concernées sont équipées d’airbags de (feu) la société japonaise Takata, dont la défectuosité est connue depuis 2014. « Les produits chimiques contenus dans ces airbags peuvent se détériorer au fil du temps, exposant le conducteur et le passager à un risque de rupture de l’airbag avec trop de force en cas de collision, susceptible de provoquer des blessures graves, voire mortelles », écrit le constructeur dans la lettre type. Avant de demander, en gras et souligné, « de cesser immédiatement de conduire votre véhicule ».
Le casse-tête de l’assurance et des rendez-vous
De quoi stresser un minimum quand même. Avant et après l’annonce. Marie-Hélène Malroux enchaîne les live et passe « jour et nuit » à répondre à ses 2.000 followers. Entre ceux qui n’ont pas reçu le mail pour pouvoir réserver un créneau de réparation chez un concessionnaire, ceux qui se demandent s’ils doivent aller au travail à pied, ou s’ils pourront bénéficier d’un des 60.000 véhicules de courtoisie finalement annoncés par la marque aux chevrons, les tracasseries et les questions sont aussi nombreuses que variées. « Je vous assure qu’on marche sur la tête, dit la Haut-Garonnaise, en particulier avec les assurances ». La sienne lui a assuré que sa C3 continuait à être couverte. « Mais d’autres compagnies refusent, il y en a même qui donnent deux réponses différentes, en fonction des adhérents ».
Juriste de formation, Maryse-Hélène Malroux n’a évidemment l’intention de se cantonner à épauler les automobilistes sur Facebook. Elle passe à l’attaque via le cabinet d’avocats MyLeo, spécialisés dans les actions collectives. Le formulaire d’inscription au recours doit apparaître ce jeudi en ligne.
La plainte collective au pénal déposée à l’automne
« Le bazar créé par la lettre et le délai qu’elle entraîne forcément pour faire passe au garage 250.000 véhicules, on est en présence d’un trouble de jouissance pour les utilisateurs qui peut se doubler d’une perte d’exploitation comme par exemple pour une infirmière libérale qui a besoin de sa voiture pour faire sa tournée dans la campagne. Nous aurions pu pour cela attaquer au civil », explique Christophe Lèguevaques, le Toulousain cofondateur de MyLeo. Mais c’est au pénal qu’il compte porter l’assaut. « Car, poursuit-il, en grattant un peu, on s’aperçoit que tous les constructeurs du monde étaient au courant du problème depuis 2014 et que Citroën n’a pas fait grand-chose depuis. Nous allons donc déposer un recours pour fraude, mise en danger de la vie d’autrui et escroquerie en bande organisée ».
Moyennant « environ 300 euros pour toute la procédure », les propriétaires mécontents ont jusqu’à octobre pour se joindre à cette action collective. La plainte devrait donc être déposée à l’automne auprès du parquet de Versailles, le siège de la marque se trouvant à Poissy. Pour l’instant, assuré ou pas, le fils de Maryse-Hélène Malroux a l’ordre d’aller au boulot en covoiturage jusqu’à ce qu’elle dégote un garage pour lui changer ses airbags.