Est-ce que les pétitions en ligne servent vraiment à quelque chose ?
MOBILISATION•Face à la multiplication des pétitions en ligne, « 20 Minutes » s’est demandé si ces listes de signatures avaient un réel intérêt pour faire « bouger les choses »Elise Martin
L'essentiel
- Les pétitions en ligne se multiplient. Récemment, le Coin des LGBT+ a lancé une action « pour le rejet des propositions de loi anti-trans au parlement français ! », après les propositions de loi du 19 mars dernier des sénateurs LR et avant celle qui sera présentée le 28 mai par des députés du RN.
- Ces plus de 40.000 signatures suffiront-elles à faire changer les choses ?
- Sans avoir encore la réponse, il est sûr que cette pétition aura permis de « rassembler, médiatiser autour de la cause » mais aussi de « sensibiliser » et d'affirmer son activisme.
Cinq jours après sa publication sur Change.org, 41.621 personnes ont signé la pétition du Coin des LGBT+ intitulée « pour le rejet des propositions de loi anti-trans au parlement français ! ». Le but de cette pétition ? Que des parlementaires « s’engagent à lutter en faveur des droits des personnes trans en France » après les propositions de loi du 19 mars dernier des sénateurs LR et une autre qui sera présentée le 28 mai prochain par des députés du RN. Mais alors, ces plus de 40.000 signatures suffiront-elles à faire changer les choses ?
« Déjà, il n’y a pas de lien entre le nombre de signataires et l’efficacité ou non d’une pétition », répond d’emblée Thierry Libaert, membre du Comité économique et social européen (Cese), qui a travaillé sur le sujet. Et notre expert de citer « L'Affaire du siècle » qui a, par exemple, obtenu plus de 2,3 millions de signataires « sans que le résultat ne soit réellement mesuré ». En revanche, la pétition pour libérer Jacqueline Sauvage, condamnée pour avoir tué son mari, a obtenu plus de 40.000 soutiens et « François Hollande l’a effectivement graciée ».
Des pétitions pour rassembler, médiatiser et fédérer
Même si certaines pétitions numériques ont parfois permis de telles décisions politiques, elles n’ont pas forcément toutes cette ambition. « Sans vraiment de valeur juridique en tant que telles, elles peuvent néanmoins soulever des questions qui préoccupent les citoyens et les inscrire à l’agenda de certains parlementaires à travers ce biais-là », souligne l’expert. Car même si le nombre de signatures n’est pas significatif, la pétition permet tout de même « d’avoir un impact sur les décideurs publics », c’est « l’un de ses objectifs ».
« En plus de rassembler, les pétitions servent à médiatiser une cause ainsi que les auteurs de ce combat », précise Thierry Libaert. Il note d’ailleurs que lorsqu’une personnalité incarne cette cause, la pétition fonctionne mieux : « il arrive de se servir des noms connus pour lancer l’action et ainsi inciter à la signature. »
Au-delà de ces aspects, certaines associations utilisent également cet outil pour « toucher » de nouveaux sympathisants. « Elles espèrent ensuite les mobiliser sous d’autres formes comme la manifestation, estime le membre du CESE. C’est une dynamique progressive de communication pour engager le citoyen. En ce sens, les pétitions servent vraiment à quelque chose pour ces organisations. »
Des pétitions pour montrer son activisme
Malgré certains succès, la pétition reste pour Thierry Libaert, « le degré zéro de l’activisme », qu’il relie au slacktivisme ou « activisme du paresseux ». « On n’est pas content, on clique ou on like et ça n’a pas d’efficacité », résume-t-il, accordant que la multiplication de ces textes en ligne a permis une « meilleure canalisation du mécontentement » par rapport à la pétition papier, étant donné qu’il est plus facile de s’engager.
Océane, CEO de Mes Opinions, reconnaît, de son côté, la légitimité de se demander si une pétition en ligne a un intérêt. « Ce sont des questions qu’on reçoit régulièrement de la part des utilisateurs, confie-t-elle. Et c’est normal quand on voit le nombre de causes publiées chaque jour et la probabilité qu’elles puissent aboutir à quelque chose. » Pour avoir une idée, rien que sur cette plateforme française créée en 2006, plus de 1.000 pétitions sont mises en ligne chaque mois. Sur Change.org, c’est trois fois plus depuis le Covid-19.
Des pétitions pour sensibiliser
Alors, pour la PDG, « bien évidemment » que les pétitions servent à quelque chose. Elle cite en exemple des combats qui ont « atteint » leurs objectifs comme la fin de la vente de poissons pour la pêche au vif de magasin Decathlon ou encore la déprogrammation d’un auteur accusé de faire l’apologie de la pédopornographie, au festival d’Angoulême mais aussi « toutes ces fermetures de classes qui n’ont pas eu lieu ».
Avant d’assurer : « même sans victoire l’impact d’une pétition est colossal. Une pétition a aussi pour but de sensibiliser, par exemple, celle qui a mis en lumière le travail forcé des Ouïghours. Les grandes marques ont continué de financer cette exploitation même si près de 70.000 de personnes ont été signataires. Ce sont toutefois 70.000 citoyens qui ont pris conscience du problème et qui vont peut-être changer leurs habitudes. Il n’y a pas eu de victoire mais pour l’auteur, c’est une avancée dans la mobilisation. » Selon Océane, la pétition est une manière d’être « entendu par le plus grand nombre et permet, dans tous les cas, de faire avancer la société ». « Je suis convaincue de l’intérêt et de l’importance des pétitions pour la démocratie », affirme-t-elle, tout en rappelant que c’est un moyen pacifique et non-violent d’agir.
C’est d’ailleurs ce que pense Julia, 27 ans, qui vient d’apporter son soutien à la pétition du Coin des LGBT+. Pour elle, il était important de « témoigner [sa] volonté de rejeter ces projets de loi et de [son] soutien contre ces valeurs » qu’elle juge transphobes. « C’est le geste le plus simple à effectuer quand on s’intéresse à un sujet et qu’on veut partager son avis avec des élus, souligne-t-elle. Dans le cas où elles deviennent ''virales'' en ligne, elles permettent d’attirer l’attention sur des sujets de société : la preuve avec cet article. »