Notre-Dame de Bétharram : Quarante nouvelles plaintes, le point sur l’enquête pour violence et agressions sexuelles
enquête•Quarante nouvelles plaintes devraient être déposées dans les prochains jours dans l’affaire Notre-Dame de Bétharram, après l’enquête ouverte pour violence, viol et agression sexuelle aggravée au sein de cet établissement catholique privéMickaël Bosredon
L'essentiel
- D’anciens élèves d'une institution catholique des Pyrénées-Atlantiques, située à une trentaine de kilomètres de Pau, dénoncent depuis le mois de février les pratiques qui avaient cours « entre les années 1960 et 2000 » à Notre-Dame de Bétharram, établissement renommé depuis 2009 « Le Beau Rameau ».
- Quarante nouvelles plaintes devraient être déposées d’ici à la semaine prochaine, confirme à 20 Minutes Alain Esquerre, porte-parole des victimes.
- Cela portera donc à 73 le nombre de plaintes déposées dans ce dossier, « dont environ la moitié pour des faits à caractère sexuel, et l’autre moitié pour des violences », estime Alain Esquerre.
Le dossier dans l’affaire Notre-Dame-de-Bétharram continue de prendre de l’épaisseur. Quarante nouvelles plaintes devraient en effet être déposées d’ici à la semaine prochaine, confirme à 20 Minutes Alain Esquerre, porte-parole des victimes, et créateur du groupe Facebook « Les anciens du collège et lycée de Bétharram, victimes de l’institution » à l’origine de l’affaire.
Cela portera donc à 73 le nombre de plaintes déposées dans ce dossier. D’anciens élèves de cette institution catholique des Pyrénées-Atlantiques, située à une trentaine de kilomètres de Pau, dénoncent depuis le mois de février des violences physiques ou sexuelles « entre les années 1960 et 2000 » à Notre-Dame de Bétharram, établissement renommé depuis 2009 « Le Beau Rameau ». L’occasion de faire le point sur l’enquête.
Sur quoi reposent ces nouvelles plaintes ?
« Au moins » quarante nouvelles plaintes devraient être déposées d’ici à mardi prochain, annonce Alain Esquerre. « La moitié porte sur des attouchements sexuels, et l’autre moitié pour violences physiques. »
Parmi les faits de violence, certains racontent avoir été, au sein de l’établissement, « mis au pied du lit, bras croisés sur la tête pendant des heures, d’autres laissés sur le perron en plein hiver par des températures négatives. Il y a aussi un tabassage de 21 coups violents assénés sur un enfant de 14 ans, l’étranglement d’un enfant de 14 ans jusqu’à évanouissement, l’utilisation de la règle en fer sur le bout des doigts jusqu’à faire saigner, la privation de toilettes… », énumère Alain Esquerre. « Les gens qui disent que c’est de l’éducation à la dure, je dis non, ça c’est de la torture. »
Faut-il s'attendre à des plaintes supplémentaires ?
Si les 33 premières plaintes déposées contre l’institution catholique, qui regroupe une école, un collège et un lycée privés, portaient essentiellement sur les années 1960 à 1980, « là, on est davantage sur la période 1980-2000 », ajoute Alain Esquerre. « Cela veut donc dire que ce sont de plus jeunes victimes qui arrivent. »
Avec deux conséquences. La première est que de plus en plus de plaintes pourraient ne plus tomber sous le coup de la prescription. Deuxièmement, « on se rend compte que l’établissement a mis beaucoup de temps pour se "désintoxiquer" de la violence, avec des agressions sexuelles encore fortes jusqu’à la fin des années 1990 », remarque Alain Esquerre.
La plainte la plus récente, qui concerne des faits de violence, « remonte à 2009 », date à laquelle l’établissement décide de se renommer « Le Beau Rameau », et « renvoie la plupart de ses surveillants », pointe encore l’ancien élève. « Nous serons donc à 73 plaintes en tout, c’est exponentiel », souligne Alain Esquerre, qui recueille toujours des témoignages, et pense atteindre « une centaine de plaintes d’ici à cet été ».
Où en est l’enquête ?
L’enquête préliminaire ouverte le 1er février par le parquet de Pau pour violence, viol et agression sexuelle aggravée, et confiée à la gendarmerie de Pau, suit son cours. « Les auditions des victimes ont commencé », explique Alain Esquerre. Première d’entre elles à avoir été entendue le 12 février, l’homme de 52 ans habitant toujours la commune de Lestelle-Bétharram dit avoir passé « quatre heures en audition » à la gendarmerie de Lescar. Il y a détaillé les violences qu’il a lui-même subies de 1980 à 1985, entre ses 8 et ses 13 ans.
Environ la moitié des plaintes sont de nature sexuelle et deux concernent des faits non prescrits. Six prêtres (dont cinq sont décédés) et deux surveillants laïcs sont visés. « Un enfant sur trois a été abusé par deux personnes », poursuit Alain Esquerre, qui a dressé « un tableau des victimes et des agresseurs ». Le 14 février dernier, un surveillant de l’établissement, travaillant depuis 1984 à l’internat, a été suspendu. Aujourd’hui sexagénaire, ce surveillant est visé par huit plaintes, dont cinq portent sur des agressions sexuelles et des viols, et les trois autres sur violences et coups.
Quelle est la réaction de l'école et des autorités religieuses ?
Contacté par 20 Minutes, l’actuel chef de l’établissement « Le Beau Rameau » nous avait répondu : « Je ne peux qu’être plein de compassion pour ces personnes et leur vécu d’il y a 35 ans, cependant notre structure est actuellement dans une autre dynamique avec un accompagnement et le respect de la personne au cœur du projet. »
Dans un communiqué, monseigneur Marc Aillet, évêque de Bayonne, avait indiqué en février : « La direction de l’établissement et les Pères de Bétharram (dont dépend cet Ensemble sous tutelle congréganiste) ont fait savoir qu’ils se tiennent à la disposition du parquet de Pau, de telle sorte que toute la lumière puisse être faite. Dans notre diocèse comme dans l’ensemble du pays, les catholiques et l’opinion sont, à juste titre, terriblement choqués par ces révélations, comme je le suis moi-même, toujours solidaire des victimes que nous devons porter dans la prière. »
Alain Esquerre regrette de son côté des réactions « qui ne sont pas à la hauteur d’un des plus grands scandales de ce type en France ». « On va arriver à 73 plaintes, qu’est-ce qu’on attend pour prendre des mesures ? Qu’en est-il de l’accompagnement des victimes ? »