Inflation : Les prix grimpent, et ce sont les « dents qui trinquent »
votre vie, votre avis•D’après un sondage Ipsos, cité par le « premier baromètre » de la Fédération hospitalière de France, 63 % des Français ont fait l’impasse sur au moins un acte de soins ces cinq dernières annéesMarion Pignot
«Il m’a été impossible de faire poser des couronnes sur mes dents dévitalisées, vu le tarif, et la mutuelle ne prend pas en charge. Et je ne parle pas de l’implant dont j’aurai besoin. » Loïc, lecteur de 20 Minutes qui a répondu à notre appel à témoignages, fait partie de ces 43 % de Français qui ont déjà renoncé à un soin à cause de l’inflation.
Ce chiffre est tiré de la dernière étude de la Fédération hospitalière de France (hôpitaux publics). Publié lundi dernier, le baromètre avance plusieurs chiffres alarmants, s’appuyant sur des données nationales concernant public et privé : quelque 3,5 millions de séjours hospitaliers n’ont pas pu être réalisés depuis l’épidémie de Covid-1 ou le délai d’attente est de dix jours en moyenne pour voir un médecin généraliste, contre quatre il y a cinq ans. La FHF cite également le sondage Ipsos réalisé en février dernier qui avançait, lui, le chiffre de 63 % de Français qui ont renoncé à au moins un acte de soins ces cinq dernières années, notamment en raison des délais pour obtenir un rendez-vous (53 % des cas) ou, donc, pour des difficultés financières (43 %).
« Un chantier dentaire devenu trop gros »
Et comment Loïc, qui a pris les devants, souvent nos lecteurs et lectrices nous ont parlé de leurs dents. C’est souvent que le soin qui pêche, qui est « remis à plus tard » au point même « de ne jamais le faire, faute de moyens et d’un chantier dentaire devenu trop gros », selon Annabelle, parisienne et chômeuse récente de 44 ans. « J’ai renoncé à certains soins de santé, notamment les soins dentaires, confie aussi Danièle, qui se décrit comme « âgée et dynamique ».
Notre lectrice avance « des raisons financières » et un « découragement » car elle habite « dans un désert médical ». Chez Julie, maman solo « qui travaille avec trois enfants à charge », c’est aussi « les dents qui trinquent » : « j’ai une dent cassée à la base depuis des années, mais, avec l’augmentation du coût de la vie, je ne peux pas me permettre de mettre un implant, car c’est presque 500 euros à mettre de ma poche. »
4. OOO euros de soins, « alors que j’ai du mal à remplir mon frigo ! »
Même discours chez Laetitia : « j’ai besoin de faire des soins dentaires, et le devis monte à 4.000 euros ! » « Le 100 % santé c’est une vraie arnaque, tranche notre lectrice, un brin remontée. Rien n’est pris en charge dans les soins dont j’ai besoin (parodontie, greffe de gencive et implant). Je ne peux pas me permettre de payer cette somme alors que j’ai du mal à remplir mon frigo ! » Et la jeune femme de confier, avec « honte », qu’elle « saute régulièrement des repas prétextant ne pas avoir faim » pour que ses « enfants mangent, eux, à leur faim ».
Béatrice, 68 ans, a choisi elle de « se positionner sur l’hôpital » pour ses soins dentaires et gynécologiques. Elle évite également « tout simplement d’aller chez le médecin » et fait seulement « les visites obligatoires, comme l’ophtalmo ». Retraitée depuis juillet 2023, Béatrice explique avoir « perdu » sa mutuelle d’entreprise et n’avoir pas repris de mutuelle « senior » car « trop chère » pour « sa faible retraite ». « La mutuelle solidaire m’a été refusée, je suis en conflit avec la CPAM », admet notre lectrice qui, payant « uniquement » sa part mutuelle, espère ne jamais « être hospitalisée » : « je ne sais pas comment je pourrais payer. »
« Mais jusqu’où pourrons-nous aller dans les restrictions ?
Retraité lui aussi, Claude a opté pour un « contrat hospitalisation » qui lui coûte « 40 euros par mois ». Celui qui nous livre ne plus pouvoir « souscrire de mutuelle intégrale » ne va chez le docteur que quand il « ne peut pas faire autrement ». « Pas de kiné, et je fais une visite annuelle chez le dentiste », ajoute-t-il, assurant changer ses lunettes « tous les ans ».
Le mot de la fin reviendra à Dana, qui vient de se fracturer le dos. « Là, il faut sortir un smic pour payer l’intervention et tout ce qui va avec », avance notre lectrice. « De la visite mensuelle au médecin traitant, on passe à trois ou six mois pour la visite de contrôle et l’ordonnance qui dure le même temps. Pour les soins dentaires, d’ophtalmologie, de dermatologie par exemple, on s’en passe. A un moment donné, il faut faire un tri dans ce qui est indispensable et le reste », explique Dana. Pragmatique, elle poursuit : « on l’a fait pour nos dépenses énergétiques, on l’a fait pour nos assiettes, nos armoires, on l’a fait pour nos assurances qu’on a remis à plat pour épurer et on le fait maintenant pour notre santé. Mais jusqu’où pourrons-nous aller dans les restrictions ? »