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La psychose gagne-t-elle Toulouse après l’effondrement d’un immeuble ?

Immeuble effondré à Toulouse : Psychose, état des lieux… Faut-il s’inquiéter pour le centre-ville ?

fissuresDix jours après l’effondrement d’un immeuble vide au centre-ville de Toulouse, les signalements se multiplient et d’autres évacuations ont eu lieu. « 20 Minutes » fait le point sur le dossier
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Le 9 mars un immeuble, vidé de ses occupants trois jours auparavant, s’est écroulé rue Saint-Rome, en plein centre-ville de Toulouse. Deux autres immeubles menaçants ont été évacués depuis.
  • Face à l’inquiétude légitime des Toulousains aux critiques de l’opposition, le maire Jean-Luc Mondenc (divers droite) défend son action en matière de bâtiments fragiles et se veut rassurant.
  • La municipalité va aussi se doter de nouveaux outils de surveillance des copropriétés lézardées.

«Ça avait l’air solide quand même…  » Dans la très commerçante rue Saint-Rome de Toulouse, le grand vide laissé par l’immeuble de trois étages qui s’est effondré « comme un château de cartes » le samedi 9 mars aimante les badauds. Derrière les palissades, des ouvriers continuent de décrocher au maillet les derniers vestiges du bâtiment. Depuis la chute de la bâtisse du XVe siècle dans un enchevêtrement de briques et de poutres, une certaine inquiétude a gagné les Toulousains.

Pour preuve les « 150 appels » quotidiens reçus au standard d’Allô Toulouse, pour la moindre lézarde intrigante, durant les trois jours qui ont suivi l’effondrement, avant de passer, selon le maire Jean-Luc Moudenc (divers droite), « à une cinquantaine » en fin de semaine, quand il y avait eu 156 signalements en tout durant toute l’année 2023.

Une psychose pas seulement irrationnelle, puisqu’un autre immeuble, voisin de celui qui s’est écroulé, victime de l’effet de souffle, a été vidé de ses occupants dans la foulée au 1, rue des Puits clos. « Même s’il était en mauvais état, il était sécure et parfaitement habitable. Mais, il ne l’est plus depuis le 9 mars », indique l’édile. La mairie a également fait évacuer par précaution deux immeubles adjacents.

Des commerçants « dans le flou pas vraiment artistique »

Enfin, samedi soir, des habitants du 2 bis, place Belfort, dans un autre secteur du centre-ville, ont prévenu les pompiers alors qu’ils assistaient à l’élargissement d’une fissure « dans une cage d’escalier de leur cour intérieure ». Sur ce dernier bâtiment, le propriétaire va diligenter des travaux de renforcement de l’escalier, et « l’exil » devrait être moins long que pour les quelque 200 habitants et la vingtaine de commerçants du secteur Saint-Rome.

« Pour nous, c’est le flou pas vraiment artistique », témoigne Valérie Tempette, la buraliste fermée de la rue Peyras. Pour faire patienter ses fournisseurs, elle passe son temps à brandir sous leur nez l’arrêté municipal. « Mais comme pour l’instant la date mentionnée pour la réouverture, c’est septembre, ça ne les rassure pas vraiment », dit celle qui ne cesse de remplir « de la paperasse » et croise les doigts pour avoir la bonne clause dans son contrat d’assurance.

Après cette incroyable loi des séries, y a-t-il d’autres immeubles fragiles au centre de la Ville rose dont les locataires vont devoir déménager ? Une expertise, exhumée par l’opposition et datant de 2012, chiffrait à 789 le nombre d’immeubles « dégradés » identifiés dans l’agglomération, dont 80 % dans le centre de Toulouse. « Elle recensait 301 immeubles à Toulouse et aucun des trois qui sont concernés aujourd’hui », a précisé le maire ce mardi, visiblement agacé qu’on puisse le taxer d’inaction. L’étude ne donnait selon lui aucune information sur l’état « structurel » des immeubles et très peu de propriétaires ont accepté des visites.

Nouvelles mesures et « nouveaux outils »

D’après le bilan de la mairie, depuis dix ans, 108 immeubles menaçants ont fait l’objet de procédures, et une interdiction d’habiter a été prononcée pour 29 d’entre eux. Selon Claire Nison, la conseillère municipale chargée du dossier, le quartier Arnaud-Bernard est celui qui apparaît comme le plus « sensible ». Avant l’effondrement du 9 mars, la dernière décennie a été marquée par « quatre effondrements partiels » : trois pour cause de travaux imprudents ou « intempestifs » (rue d’Austerlitz en 2014, rue de la Fonderie et rue Perchepinte en 2021), un pour cause d’infiltration d’eau par le toit, en 2019 rue Cujas. Ce dernier était le seul recensé par l’étude de 2012.

« J’observe que les effondrements sont soit dus à des travaux intempestifs, soit à un manque d’entretien. […] Il n’y a pas eu un seul mort, pas un seul blessé, grâce à la culture de la réactivité de la collectivité », rappelle Jean-Luc Moudenc. Par ailleurs, les services techniques de la mairie n’ont perçu « aucun » signe de mouvements de terrains à Toulouse provoqués, comme dans d’autres communes, par les épisodes de sécheresse.

Ce satisfecit n’empêche pas la prise de nouvelles mesures. La mairie va d’abord « renforcer » ses effectifs et acquérir un logiciel de cartographie des bâtiments par satellite. Elle va aussi former ces agents de voie publique au repérage des « points de fragilité ».

Le maire se réjouit aussi des « nouveaux outils » que va lui conférer la loi sur l’habitat dégradé adoptée ce mardi même par l’Assemblée nationale. Elle doit permettre aux municipalités d’exproprier les immeubles qui présentent un péril imminent et d’obliger les propriétaires d’immeubles de plus de 15 ans à faire à leurs frais et à communiquer une étude sur l’état structurel du bâtiment. Enfin, Toulouse va se doter d’ici 2025 d’un Plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Il va instaurer une « bulle » de 256 hectares dans le centre ancien dans laquelle tous les travaux, dans les parties communes ou privatives, seront soumis, là aussi, à une étude structurelle du bâtiment.