« éviter de nouveaux drames »Les propositions chocs des sénateurs pour protéger les profs

Assassinat de Samuel Paty : Les propositions chocs de la commission du Sénat pour protéger les profs

« éviter de nouveaux drames »Après les morts de Samuel Paty et Dominique Bernard, une commission d’enquête du Sénat fait 38 propositions pour protéger le personnel éducatif des pressions, menaces et agressions. Elle n’épargne ni les parents, ni l’administration
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • Après la mort de Samuel Paty en octobre 2020 puis de Dominique Bernard trois ans plus tard, une commission d’enquête du Sénat s’est penchée sur les moyens d’endiguer les pressions et menaces dont les enseignants sont la cible.
  • Le constat est celui d’une « violence endémique » qui n’épargne même plus les établissements ruraux et d’une laïcité mal comprise qui conduit à la remise en cause des enseignements par de plus en plus d’élèves et de parents.
  • La commission sénatoriale fait 38 « préconisations ». Parmi elles, une nouvelle réforme de la formation initiale des enseignants, l’élargissement de l’interdiction des signes religieux ostentatoires aux sorties et cérémonies scolaires, ou encore l’instauration d’une « charte des parents ».

«L’école de la République est en danger. » C’est le constat sans appel que dressent Laurent Lafon (union centriste) et François-Noël Buffet (LR), les sénateurs qui ont coprésidé neuf mois durant les auditions de la commission d’enquête sur les pressions, menaces et agressions sur les enseignants et la communauté éducative au sens large. Elle arrive après le traumatisme national qu’ont représenté l’assassinat de Samuel Paty, en octobre 2020, puis celui de Dominique Bernard, trois ans plus tard.

La mission de la commission n’était pas de revenir sur ces deux drames mais d’en éviter de nouveaux, en trouvant comment protéger le corps éducatif d’une « violence devenue endémique » – du simple regard de mépris à l’agression physique – et d’une « contestation des enseignements », qui n’épargne plus ni l’école primaire ni les communes rurales.

Quatre enseignants menacés avec une arme par semaine

Selon les chiffres obtenus par la commission, forcément en dessous de la réalité, plus de 96.000 enseignants, tous degrés confondus, ont déclaré officiellement avoir fait l’objet de menaces durant l’année scolaire 2020-21. 0,2 % ont été menacés avec des armes. « Mais ces pourcentages utilisés par l’administration ont tendance à minimiser la réalité, souligne Laurent Lafon. 0,2 % c’est près de 900 enseignants, c’est quatre par semaine. » De façon générale d’ailleurs, les coprésidents s’élèvent contre la politique du « pas de vague » qui « crée un décalage entre ce qui est vécu sur le terrain et ce qui est dit officiellement ».

Concernant la remise en cause, de plus en courante, des enseignements, en histoire, EPS ou sciences naturelles, la commission constate que la laïcité n’est plus comprise comme émancipatrice « par un nombre croissant d’élèves » mais « comme une interdiction et un principe conçu contre les religions ». Une perception valable aussi pour certains parents, et même, assure le rapport, « un certain nombre de jeunes enseignants ».

Conseils de discipline simplifiés, sanctions harmonisées

Une fois cet état des lieux dressé, la commission fait 38 recommandations, dont certaines n’ont pas fini de faire parler. Elle préconise notamment de redonner la main à l’Education nationale sur la formation initiale des enseignants, actuellement confiée aux universités. Pour limiter les interventions des parents intrusifs – dont « certains arrivent avec leurs avocats » –, l’idée est de « restaurer l’autorité à la communauté éducative ». Cela passerait par la signature d’une « charte des parents » en début d’année où serait explicité le « délit d’entrave à l’enseignement ».

Quant aux sanctions pour les élèves qui posent problème, la proposition est à la fois de les harmoniser et de les diffuser sur le plan national, de simplifier le fonctionnement des conseils de discipline. Les sénateurs reprennent aussi l’idée de Jean-Michel Blanquer, du temps où il était ministre de l’Education nationale, de créer des structures spécifiques pour les « élèves poly-exclus ».

Pour combler « les trous dans la raquette », vingt ans après la Loi sur l’interdiction du port des signes religieux ostentatoire à l’école, la commission souhaite élargir la mesure aux sorties scolaires, aux cérémonies de remise de prix ou diplômes et même aux salons d’orientation.

Enfin, un symbole qui a son importance, la toute première recommandation est « d’instaurer tous les ans en octobre dans chaque établissement scolaire un hommage aux enseignants assassinés, en tenant compte de l’âge des élèves ».