Lorraine : Harcelée et menacée par un supérieur, une policière raconte son calvaire
l’envers du décor•Une policière raconte dans un livre le harcèlement qu’elle a subi de la part d’un supérieur dans un commissariat de Meurthe-et-Moselle20 Minutes avec AFP
L'essentiel
- Aurélie Magron, policière, raconte son parcours difficile dans l’institution sous la plume d’un ancien journaliste, Pierre Roeder.
- Humiliations, menaces, sanctions : elle se penche dans son livre, « Larmes de service », sur le harcèlement qu’elle a subi de la part d’un supérieur dans un commissariat de Meurthe-et-Moselle.
- Une descente aux enfers qui va même l’amener à penser à l’irréparable.
Derrière l’uniforme bleu, le carton rouge d’une profession qui est censée protéger et montrer l’exemple. Humiliations, menaces, sanctions… Une policière raconte dans un livre le harcèlement qu’elle a subi de la part d’un supérieur dans un commissariat de Meurthe-et-Moselle.
Aurélie Magron, qui a toujours rêvé d’être policière, raconte cette partie difficile de son parcours sous la plume d’un ancien journaliste, Pierre Roeder. Son ouvrage, « Larmes de service », aux éditions Paroles de Lorrains, est sorti en février. « Même si je suis au cœur de l’histoire, ce que je veux vraiment, c’est que cela soit utile » et faire connaître « l’envers du décor », explique-t-elle.
Un quotidien sous la menace
« En étant dans la police, on est amené à conseiller au mieux les gens dans leurs tracas du quotidien, mais nous, on est les moins bien conseillés », relève-t-elle. Harcelée, traitée de « merde », menacée d’être mise à pied, la jeune femme, âgée d’une trentaine d’années au moment des faits, a vécu un calvaire. La jeune policière s’était installée en Lorraine après quatre ans en banlieue parisienne, où commencent tous les policiers en début de carrière. Là, elle vécut à Gonesse les émeutes de 2005 et fut marquée par la « solidarité » entre collègues.
Affectée début 2008 dans le commissariat de Pont-à-Mousson, entre Nancy et Metz, elle y trouve une « ambiance différente, plus froide ». Sans s’en vanter, la jeune policière débarque pourtant avec de chaudes recommandations de ses supérieurs franciliens. Elle vient d’être décorée pour acte de bravoure.
Son pistolet sur la tempe
Consciencieuse, la jeune femme bouleverse la routine du bâtiment, qui n’a pas vu de nouvelles recrues depuis longtemps. D’un joyeux tempérament, elle est pourtant mise à l’écart et rejetée. Un rejet qui commence avec, à l’automne 2010, le placement en garde à vue de deux suspects dans une affaire de stupéfiants. Mais lorsqu’il est constaté qu’il manque un document judiciaire indispensable, son supérieur lui demande de contourner la procédure. « J’ai dit non, et ça a été le début de la fin », souffle-t-elle.
Si elle n’obtempère pas, demain, elle ne sera « plus dans la police », menace son supérieur. En rentrant chez elle, sonnée, elle appelle le parquet, signale les faits. Mais l’affaire est « étouffée ». Elle est ensuite rayée des listes du service, « coupée de tout », mutée en poste de nuit. Vient ainsi une descente aux enfers pour la policière. Un soir, alors qu’elle doit prendre son poste, elle enfile son uniforme, se fige et prend son arme de service avant de la poser sur sa tempe…
C’est un collègue de jour, qu’elle a l’habitude de croiser avant de prendre son poste, qui s’inquiète de ne pas la voir arriver et décide d’aller au vestiaire. Il lui sauve ainsi la vie. « C’est lui, le déclic. Je suis un peu hagarde, il m’a secouée, mis une gifle, gentille ou marquée, je ne sais plus », se remémore-t-elle. Il décide de garder le secret, sinon, dans la police, « c’est la fin de tout. On te désarme, on te dit que tu es devenu cinglé ». Son collègue lui dit alors d’assurer son service, reste avec elle, l’incite à se battre et à déposer une plainte pour harcèlement.
La première policière à obtenir la condamnation d’un supérieur
C’est ainsi qu’Aurélie Magron sera, après un long combat, la première policière à obtenir la condamnation d’un supérieur hiérarchique pour harcèlement. Une décision de justice qui fait jurisprudence. Le commandant a été condamné en 2015 à trois mois d’emprisonnement avec sursis, une sanction confirmée en appel. Depuis, la policière a reçu un suivi psychologique pendant trois ans et a été opérée en urgence pour des ulcères. Malgré tout, elle a réintégré l’institution à Nancy en 2022. A 42 ans, après huit ans de disponibilité, au cours desquels elle s’est reconstruite et a pu devenir cheffe d’entreprise dans le privé, elle estime avoir « une juste distance » avec son travail.
Notre dossier sur le harcèlementSi le livre a globalement obtenu des commentaires « très positifs » en Lorraine, « il y a eu un grand silence, personne ne m’en a parlé » au sein de la police, relate-t-elle. Mais l’institution a encore « beaucoup de travail » à faire sur la prévention et la lutte contre le harcèlement, estime-t-elle. « Ce que j’ai vécu, si ça devait se repasser aujourd’hui, ce serait plus ou moins la même chose. »