« Ça pue la veille soupe »... Ces relous qui mangent au bureau devant leur ordi et embaument la pièce
LES RELOUS, C’EST NOUS, C’EST VOUS•Tous les 15 jours, « 20 Minutes » s’intéresse aux relous du quotidien, ceux qui nous agacent sans le vouloir sur des manies pas bien méchantes mais très énervantesCaroline Girardon
L'essentiel
- Tous les 15 jours, 20 Minutes se penche sur les relous du quotidien. Celles et ceux qui nous titillent sans le vouloir sur des trucs pas bien méchants… mais très énervants.
- Dans ce nouvel épisode, on s’intéresse aux relous qui mangent au bureau devant leur écran. Vous savez, ceux qui oublient d’aérer ou d’enlever les miettes.
- Qui sont-ils ? Quels sont leurs arguments ? Qu’en dit la Science ? 20 Minutes a mené l’enquête.
Ces potes qui ne parlent QUE de leurs enfants, dernières merveilles du monde déjà « HPI » à 2 ans (les signes ne trompent pas). Ou bien Mamie, prise d’une subite envie de faire ses courses au supermarché le samedi matin alors qu’elle avait toute la semaine pour les faire. Ou encore celui qui, affalé dans le bus, regarde des vidéos TikTok sur son portable en oubliant que les écouteurs, ça existe ! L’idée de départ est simple : s’intéresser à ces petits gestes « relous », à ce « sentiment de toute-puissance qui nous fait dire "si je ne le fais pas, l’autre le fera, donc autant le faire moi" », comme le décrit le psychologue Robert Zuili, auteur du Pouvoir des liens.
Ces petites choses reloues, elles sont légion. Et surtout, surtout, elles nous concernent toutes et tous. Car au final, « nous sommes tous le relou de quelqu’un ». Notamment quand on n’a pas le temps de sortir déjeuner à midi et que l’on mange devant son ordi.
Le fait relou
Il est 14 heures pétantes, l’heure de reprendre du service. Comme chaque jour, vous prenez l’ascenseur pour regagner votre bureau, revigoré par une petite pause-déj à l’extérieur. Une coupure salutaire que vous chérissez plus que tout au monde. La « dé-co-nnexion » est devenue votre leitmotiv. Vous enchaînez quelques pas dans le couloir, tel un gladiateur entrant dans l’arène… avant d’être stoppé net dans votre élan. Là, impossible de vous tromper. Votre flair est infaillible : « ça pue la veille soupe pourrie ! »
Mais qui a encore mangé dans l’open space ou la salle de réu sans ouvrir les fenêtres ??? Si encore, ça s’arrêtait là. Dans quelques mètres, vous allez bientôt découvrir la tasse à café (froid) de votre collègue, qui a fini sa journée et qui a oublié de l’emporter. Ou pire : ses miettes qu’il a négligemment éparpillées au moment de « nettoyer ».
Pourquoi c’est méga relou ?
Parce que le bureau, ce n’est pas la cantine. Et que seuls les restaus ont le droit d’empester le graillon et de pourrir vos fringues par la même occasion. « Se prendre les effluves de poisson ou de plats réchauffés dans les narines, c’est insupportable », s’agace Fred, dont les collègues de travail ont « pris l’habitude de manger tous les jours » devant leurs écrans. « Il y a des gens qui viennent avec leur paella, ça sent partout dans la pièce. C’est pire dans les salles de réunion », abonde Julia. Disons-le clairement, « ça pue ». Imaginez si vous recevez, juste après, un client ou un prestataire dans ces mêmes salles… « ça fout mal, on passe pour des pimpins ».
« Ces odeurs, elles restent toute l’après-midi. Elles tiennent même après avoir ouvert les fenêtres », souligne Fred, « le nez en alerte ». Problème : On a beau travailler dans une pièce à côté et fermer la porte, « ça passe quand même ». Alors oui, il y a les odeurs. Mais pas seulement. La « saleté laissée sur place » irrite au plus haut point. « Les miettes par exemple qu’on retrouve sur les tables », détaille Inès. « Les gamelles ou les verres d’eau laissés sur place, les couverts pas nettoyés », complète Mathilde, qui a souvent partagé son poste de travail avec d’autres. « Ce qui m’agace le plus, c’est qu’il y a pourtant une cuisine dédiée pour manger », pestent à l’unisson Fred et Inès. Et encore, on vous fait grâce des bruits de bouche.
Les arguments des relous
Après avoir fait l’avocat du diable, rétablissons la vérité : on a tous mangé une fois devant son ordi, même un plat dont l’odeur pourrait décoller la plus robuste des tapisseries. D’ailleurs, a-t-on vraiment le choix ? Il y a le gosse à récupérer à la crèche et vu la tonne de boulot qui se profile à l’horizon, pas le temps de sortir de sa bulle. Le patron vient de vous filer le quinzième dossier à rendre avant 16h30. Pas question, non plus, de rater encore une séance de sport, la huitième d’affilée depuis qu’on a payé un abonnement à la salle dans le vent. Et puis, ce n’est pas de notre faute si les locaux ne sont pas aux normes. Les grilles d’aération bouchées, vous n’y êtes pour rien !
« Moi, je prends mon service à 13 heures, je ne vais pas commencer par une pause déjeuner », raconte Seb. Manger devant son écran est devenu « un rituel » pour se « mettre dans le rythme ». « Ça m’évite de descendre à la cantine, où il y a rarement de la place à cette heure-là. Comme ça, je ne perds pas de temps. Je prends connaissance de mes mails, je me sens plus productif », explique-t-il.
« On m’a surtout incité à le faire, raconte Mathilde, qui travaillait en Suisse dans un service client. On bossait de nuit avec des horaires décalés ». Juste une demi-heure de pause accordée. Devoir répondre aux mails des clients ou parler en ligne sur le chat l’empêchait d'« aller trop loin pour manger ».
Ce qu’en dit la Science
Attention, vous n’êtes pas prêts. Selon une enquête publiée en 2008 par le magazine Which ? Computing, les claviers d’ordinateur sont « cinq fois plus sales qu’un siège de toilettes ». Et la « principale cause de l’infection », on vous le donne en mille, c’est « le fait de déjeuner à son bureau », puisque « les restes alimentaires sont propices au développement de millions de bactéries ».
D’autres études, relayées dans un article du National Center for Health Research, révèlent des chiffres plus vertigineux (et nauséeux) : vos claviers « comptent 400 fois plus de bactéries » que vos WC ! Si ça ne vous coupe pas l’appétit…
Le truc infaillible pour faire comprendre au relou qu’il est relou ?
Alors on peut toujours le fusiller du regard, lui piquer sa lunch box, lui mettre un bâillon sur la bouche. Ou faire des réflexions à voix haute du style « Mais ces gens qui mangent de la brandade de morue, c’est non ! ». Vous pouvez aussi lui foutre sous le nez ces fameuses études pour le forcer à remballer son tupperware.
Pas sûr que cela le dissuade. Quand il se croit dans son bon droit, le relou peut être buté. Mais nous avons une carte maîtresse. Cette arme ? Le Code du travail !!! « Tout simplement, il interdit de prendre un repas dans un local affecté au travail, résume Jennifer Shettle, responsable du pôle informations juridiques à l’INRS. Cependant, l’on sait très bien que certains salariés en entreprise le font à l’heure du déjeuner. »
Pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, un texte autorisait à « titre dérogatoire » de manger dans son bureau pour « éviter les risques de propagations du virus ». Mais cette période est désormais révolue. Si votre employeur a prévu une salle restauration ou un local dédié, vous n’avez plus aucune excuse valable. « A partir de là, les salariés ne sont pas censés manger dans leur bureau », appuie Jennifer Shettle. Sachez que dans certaines entreprises, cela a même été un motif de licenciement. Tout ça pour une « vieille soupe »… Reste alors le joker ultime : inviter votre collègue au resto d’à côté, là où ils servent la meilleure brandade du quartier.
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