« Drapeau satanique », prêches anti-France, titre de séjour… Le point sur les accusations visant l’imam Mahjoub Mahjoubi
Haine•Le prêche de Mahjoub Mahjoubi, imam de la mosquée At-Tawba à Bagnols-sur-Cèze dans le Gard, soulève de nombreuses condamnationsJérôme Diesnis
L'essentiel
- Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, l’imam de Bagnols-sur-Cèze, présente le « drapeau tricolore » comme « satanique ». Des propos qui ont entraîné l’ouverture d’une information pour apologie du terrorisme.
- Mahjoub Mahjoubi évoque « un lapsus » et explique n’avoir jamais associé la France au drapeau tricolore. Mais le préfet du Gard, Jérôme Bonet, précise avoir signalé au procureur d’autres prêches incompatibles avec les valeurs de la République.
- De nationalité tunisienne, il vit en France depuis une quarantaine d’années. Alors qu’il est marié à une Française et père de cinq enfants, l’éventuel retrait de son titre de séjour et son expulsion sont loin d’être automatiques. La procédure voulue par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, s’annonce longue.
Diffusé sur les réseaux sociaux, le prêche de Mahjoub Mahjoubi, imam de la mosquée At-Tawba à Bagnols-sur-Cèze, dans le Gard, soulève de nombreuses condamnations. Il y traite notamment le drapeau tricolore de « satanique », des propos qui ont conduit à l’ouverture d’une information judiciaire.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a notamment demandé le retrait de son titre de séjour. Mais le processus s’annonce long et complexe. 20 Minutes fait le point.
Qui est Mahjoub Mahjoubi ?
De nationalité tunisienne, cet imam est père de cinq enfants, nés sur le sol français. Marié à une Française, il s’est installé en France il y a près de 40 ans et prêche à Bagnols-sur-Cèze (Gard). Il a longtemps été considéré comme un religieux modéré. Jean-Yves Chapelet, le maire (divers centre) de cette commune de 18.203 habitants, se dit, d’ailleurs, « très surpris » et « en colère » par ces propos. La municipalité entretenait de bonnes relations avec Mahjoub Mahjoub, elle avait accepté en 2021 de louer un terrain à la mosquée pour la somme modique de mille euros par an.
Mais, ces derniers mois, Mahjoub Mahjoubi a fait l’objet de trois signalements par les services de l’Etat. D’abord en 2023 pour une activité de gestion illégale d’une entreprise. Il est soupçonné d’être le véritable gérant de la société qui appartient officiellement à sa femme. Une activité qui lui est interdite depuis 2015. Le second concerne la gestion de l’école adossée à la mosquée, fermée en novembre 2023. Le préfet y expliquait alors que « la santé morale et physique des mineurs [n’y était] pas assurée ». L’arabe et le Coran y étaient enseignés. L’établissement recevait entre 30 et 40 enfants chaque semaine. Le dernier signalement date du 16 février, pour le prêche sur le « drapeau tricolore satanique ».
Que lui est-il reproché ?
La vidéo qui circule sur les réseaux sociaux est une version courte de quelques secondes du prêche. Elle a été publiée la semaine dernière. « Toutes les gouvernances vont chuter, évoque le religieux. On n’aura plus tous ces drapeaux tricolores qui nous gangrènent, qui nous font mal à la tête, qui n’ont aucune valeur auprès d’Allah. La seule valeur qu’ils ont, c’est une valeur satanique ».
Le 16 février, le préfet du Gard, Jérôme Bonet, a signalé cette vidéo auprès du procureur de la République de Nîmes, qui a ouvert une instruction pour incitation à la haine raciale et apologie du terrorisme. Pour se défendre, Mahjoub Mahjoubi évoque « un lapsus ». « Croyez-moi, il n’a jamais été question dans mes propos, ni de loin ni de près, de dire que le drapeau français est satanique. Je parlais du monde musulman et du football » et de la Coupe d'Afrique des Nations qui se disputait au même moment, explique-t-il à Midi Libre. Dans son prêche, il ne qualifie jamais le drapeau incriminé de « français », mais de « tricolore ». Son avocat Samir Hamroun évoque « des manœuvres politiques ».
Mais, à BFM TV, Jérôme Bonet a expliqué ce mardi que les signalements dépassaient cette seule vidéo. « Cela va bien au-delà des propos relatifs à un drapeau, ils relèvent de l’apologie du terrorisme, ou remettent en cause gravement les valeurs de la République. Les faits sont relatifs à plusieurs prêches en février, pas seulement à la vidéo qui tourne actuellement. Ils concernent la considération du peuple juif, qualifié d’ennemi, de la place de la femme dans notre société ou de la valorisation d’une approche extrémiste de l’islam. C’est un ensemble de propos que j’ai signalé au procureur de la République. Cette mosquée et cet imam sont dans notre scope depuis plusieurs mois ».
L’imam sera-t-il expulsé ?
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a demandé « le retrait de son titre de séjour en vue de son expulsion du territoire ». Depuis les services juridiques du ministère de l’Intérieur et les services de la préfecture du Gard se penchent sur cette mesure. Mais la procédure s’annonce complexe, alors que son titre de séjour court jusqu’en 2029. Présent depuis de très longues années en France, il y possède des liens familiaux extrêmement forts. Une rumeur, non vérifiée à ce jour, présente l’un de ses enfants comme ayant des soucis de santé, ce qui complexifierait un peu plus la procédure.
Le retrait du titre de séjour demandé par le ministre de l’Intérieur et son expulsion du territoire français sont loin d’être automatiques. L’étude de ce dossier s’annonce complexe et les possibilités de recours longs et nombreux. Une expulsion, si elle était ordonnée par l’Etat et confirmée par la justice, ne peut pas être immédiate. « Si on m’expulse, ça me fera mal au cœur parce que je serai traité injustement. J’ai défendu les valeurs de la France. J’ai manifesté mon désaccord total que ce soit avec les radicaux, les intégristes, Daesh et j’ai condamné l’assassinat de Samuel Paty ainsi que les évènements de Charlie Hebdo », estime de son côté l’imam.