Police : « On rentre comme dans un moulin »… La sécurité dans les commissariats remise en question
PROTECTION•Alors qu’un policier a été agressé mardi à La Rochelle par un homme venu déposer plainte, les syndicats de police demandent que des dispositions soient prises pour assurer la sécurité dans les commissariats
Thibaut Chevillard
L'essentiel
- Un policier a été légèrement blessé au couteau mardi à La Rochelle par un homme venu déposer une plainte au commissariat. Maîtrisé grâce à un taser et interpellé, l’individu a été placé en garde à vue.
- Cette agression soulève une nouvelle fois l’épineuse question de la sécurisation des commissariats, ces lieux qui accueillent du public et qui abritent les bureaux des services de police.
- Les syndicats de police estiment nécessaire d’installer, partout où c’est possible, des portiques de sécurité à l’entrée des bâtiments.
Ces agressions sont heureusement rares. Mais elles soulèvent à chaque fois l’épineuse question de la sécurité dans les commissariats. Mardi, à La Rochelle (Charente-Maritime), un policier chargé de recueillir les plaintes a été légèrement blessé par un homme armé d’un couteau. Le suspect s’est présenté quelques minutes plus tôt à l’entrée du bâtiment et a sonné à l’interphone. Une fois à l’intérieur, il s’est assis sur un banc dans la salle d’attente. Il s’en est ensuite pris à un agent qui sortait des toilettes et qui revenait à son bureau, a indiqué le procureur de la République, Arnaud Laraize.
L’agresseur, qui a été maîtrisé grâce à un taser, a été interpellé et placé en garde à vue. Une enquête a été ouverte, confiée à la DCOS (Division de la criminalité organisée et spécialisée) de La Rochelle. La piste terroriste a été écartée par le parquet.
Les faits « sont représentatifs d’un problème. C’est une conséquence du manque d’équipement permettant d’assurer la sécurité dans les hôtels de police », explique Linda Kebbab, déléguée nationale du syndicat de police Unité SGP-FO. La syndicaliste souligne que les commissariats sont pourtant « des cibles pour les terroristes, et l’attentat de Rambouillet nous l’a rappelé ». Le 23 avril 2021, une policière, agente administrative, a été tuée par un chauffeur-livreur tunisien de 36 ans qui était radicalisé. Depuis cette attaque, « des moyens ont été débloqués » par l’administration, reconnaît Linda Kebbab. « Mais il y a encore des commissariats où l’agent d’accueil est en première ligne », ajoute-t-elle, déplorant qu’on « rentre encore trop souvent comme dans un moulin ».
« Beaucoup de commissariats doivent être rénovés »
Eric Henry, délégué national du syndicat Alliance, admet lui aussi qu’il y a eu des avancées sur le sujet « depuis l’arrivée de Gérald Darmanin » place Beauvau. « Mais dans de nombreuses villes, les commissariats ont été installés dans de vieilles maisons ou des vieux bâtiments. Il y en a beaucoup à rénover. » Les bâtiments les plus récents ont été conçus avec un sas de sécurité à l’entrée, « avec une vitre blindée pour parler au chef de poste », et sont équipés d’une « porte verrouillée qui est ouverte soit avec un code, soit avec un badge ».
« Il y a encore de nombreux bâtiments anciens, dont la configuration des lieux ne permet pas d’installer un détecteur de métaux ou un sas de sécurité. L’accueil et les bureaux sont alors directement accessibles », regrette-t-il.
Comment savoir si les personnes qui rentrent sont en possession d’une arme ? « On pourrait instaurer l’obligation de palper tout le monde », poursuit Eric Henry, soulignant que cette solution n’est pas idéale pour accueillir des victimes venant déposer plainte. Il est aussi possible de mettre en place « deux policiers à l’entrée avec un détecteur de métaux portatif ». « Mais ce sont encore des taches indues, cela représente des effectifs en moins sur la voie publique », estime le délégué national du syndicat Alliance. Et dans les commissariats les plus anciens, ce n’est pas possible, faute de place. Il avance l’idée de confier le filtrage du public « à des agents de sécurité habilités, comme c’est le cas à l’école de police de Cannes-Écluse [Seine-et-Marne]. Mais cela a un coût ».
Des portiques de sécurité dans les hôtels de police
« Le seul équipement qui permet de tout voir, c’est le détecteur de rayons X. Mais dans beaucoup de commissariats, l’agencement des lieux fait qu’il n’est pas possible d’en installer. Par ailleurs, ce sont des équipements onéreux », observe pour sa part Linda Kebbab. Elle estime nécessaire d’installer des portiques de sécurité au moins dans chaque hôtel de police. Ce qui n’est pas toujours le cas.
« Ça serait déjà une belle avancée. Il n’est pas normal aujourd’hui que ces bâtiments, qui abritent aussi des services d’investigation, de renseignement, les états-majors, qui sont des lieux sensibles, ne sont pas protégés grâce à des moyens technologiques. Pourtant, ils accueillent un grand nombre de visiteurs », déplore-t-elle.