Ecole primaire : « Exclure un élève, c’est reculer pour mieux sauter », réagit un directeur en Gironde
interview•Gabriel Attal a annoncé qu’il voulait « revoir le cadre disciplinaire à l’école primaire », sans préciser quelles pourraient être les sanctions éducatives supplémentaires. Le SNUipp-FSU pense à l’instauration de conseils de disciplineElsa Provenzano
L'essentiel
- Gabriel Attal a fait savoir, ce dimanche dans les colonnes du Parisien, qu'il souhaitait renforcer les sanctions disciplinaires dans les écoles primaires, sans pour autant détailler les sanctions éducatives qui pourraient être envisagées.
- Un directeur d’école, interviewé par 20 Minutes, s’interroge sur l’efficacité potentielle de conseils de discipline, qui pourraient être éventuellement instaurés selon le SNUipp-FSU, principal syndicat du premier degré.
- Pour lui, la principale problématique est celle d’élèves avec des pathologies ou qui peuvent présenter des comportements violents et pour lesquels il n’y a pas suffisamment de places en structures adaptées.
Karl* est directeur d’une école de la campagne girondine et enseigne depuis le milieu des années 1980. Interrogé par 20 Minutes, il réagit à l’annonce du premier ministre Gabriel Attal. A nos confrères du Parisien, le Premier ministre a fait part de sa volonté de renforcer le cadre disciplinaire dès les classes de CM1-CM2, sans pour autant avancer de sanctions éducatives concrètes.
Quelles sont les règles de discipline que vous utilisez dans votre classe double de CM1-CM2 ?
Comme beaucoup de collègues, je mets au point des règles de vie dans ma classe et je les explique à mes élèves en début d’année. Ce sont des sanctions avec des gradations : d’abord le recopiage d’un article non respecté du règlement intérieur 15 fois, puis la suppression d’une activité libre (proposée au sein de la classe, quand le travail est terminé). Après, cela peut aller jusqu’à un mot dans le cahier de correspondance et si besoin, d’un rendez-vous avec les parents. On est souvent confrontés à des parents qui ont des difficultés à poser un cadre. Le règlement intérieur a, lui, vocation à être un levier pour attirer l’attention des familles, qui doivent le signer.
Des syndicats pensent que l’annonce de Gabriel Attal peut préfigurer la mise en place de conseils de discipline au primaire, qu’en pensez-vous ?
A mon avis, un conseil de discipline au primaire ne servirait pas à grand-chose, même si cela dépend de l’environnement de l’école. Il vaut mieux arriver à expliquer les choses, à être ouverts et à associer les parents, même s’il est vrai qu’il existe des cas extrêmes. Nous avons eu il y a quelques années un élève très violent, qui avait par exemple cassé de la vaisselle à la cantine, et était très difficile à gérer. Mais, nous sommes une équipe très soudée et nous avons pu gérer ensemble, par exemple, en se relayant pour le prendre en classe, même si cela a été éprouvant.
Je comprends que certains collègues soient à bout mais, pour moi, exclure (temporairement) un élève [qui peut être une décision prise par un conseil de discipline], c’est reculer pour mieux sauter. Depuis septembre, on peut recourir à une exclusion de cinq jours maximum pour les élèves harceleurs, mais on ne l’a jamais fait. Ce n’est pas une préoccupation dans notre école, même si les parents nous parlent maintenant de harcèlement, à tout bout de champ, dès qu’il se passe quelque chose.
Qu’est-ce qui serait efficace, selon vous, pour gérer les comportements des élèves qui posent problème ?
Ce qui est problématique c’est qu’on doit gérer, sans être formés, des enfants en situation de handicap et avec des troubles du comportement parce qu’il n’y a pas de place pour eux dans les structures spécialisées adaptées. Bien sûr qu’on travaille sur l’acceptation des différences, comme le prévoit la loi sur l’inclusion de 2005, mais c’est compliqué quand on est face à des cas pathologiques. Je me souviens d’une fois où l’inspectrice nous a conseillé de prendre des ciseaux à bout rond quand on a eu un élève qui donnait des coups de ciseau… Enfin, c’est aussi désespérant de voir qu’on a des dossiers de Segpa (section d’enseignement général et professionnel adapté) pour la 6e qui sont refusés.
*Le prénom a été changé, à la demande du directeur d’école.
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