Bretagne : « C’était un vrai fantasme »… Ils ont séjourné sur cette île déserte et racontent
seuls au monde•Située dans la baie de Morlaix, la maison du gardien de phare de l’île Louët voit les demandes de réservation exploser à chaque ouverture
Camille Allain
L'essentiel
- Le phare de l’île Louët, aujourd’hui automatisé, accueille des visiteurs d’un jour sur son bout de caillou situé dans la baie de Morlaix.
- A chaque ouverture de réservation, les créneaux affichent complets en quelques minutes.
- « 20 Minutes » a interrogé plusieurs chanceux qui ont pu séjourner sur l’île bretonne et racontent une expérience unique et inoubliable.
C’était un charmant jour de printemps. Xavier mettait un pied sur la barge de l’école de voile de Carantec et voguait doucement vers l’un de ses rêves d’enfant en faisant cap vers une île déserte sur laquelle il allait passer la nuit. Le rêve de bien des enfants d’ailleurs. Le soir du 1er mai 2023, il a dormi dans le phare de l’île Louët, dans la baie de Morlaix (Finistère). « C’était un vrai fantasme, comme un truc dont tu rêvais depuis tout petit et qui se réalise ». Prévoyant, le trentenaire avait embarqué sa combinaison de plongée pour faire le tour de l’île à la nage à marée haute, puis à marée basse. « On a le sentiment que rien ne peut nous atteindre, comme si l’eau qui nous entoure faisait rempart avec le continent ».
Résidant en région parisienne, Xavier avait été invité par son amie Enora, originaire de Carantec, qui avait eu la chance de choper l’un des rares créneaux proposés par l’office de tourisme de la baie de Morlaix. Ce jeudi, une vingtaine de séjours pour 10 personnes ont été ouverts à la réservation. Mais comme à chaque fois, ils ont trouvé preneur en quelques minutes. « C’était la troisième ou quatrième année que j’essayais de réserver mais je n’avais jamais réussi. Du coup, rien que le sentiment d’y aller enfin, c’était déjà fort », raconte Émilie, qui a séjourné sur l’île l’an dernier.
L’ancienne maison du gardien de phare de l’île Louët est ouverte à la location depuis quatorze ans mais plus le temps passe, et plus les demandes sont nombreuses. La nuitée est proposée à 408 euros et le week-end à 675 euros. Ce n’est pourtant pas le luxe des lieux qui attire les curieux. « Le confort y est simple mais complet », précise l’office de tourisme. Sur l’île, vous ne trouverez ni eau potable, ni eau chaude dans la douche installée dans l’ancienne remise du pêcheur. Quant aux toilettes, elles ont été aménagées dans l’ancienne soue à cochon à l’extérieur de la maison. Mais dans notre société hyperconnectée qui vit à 200 à l’heure, cette escapade hors du temps est très prisée. « C’est une expérience assez particulière parce qu’on se sent privilégiés d’être là, seuls sur notre île. C’est tellement calme, tu as l’impression d’être loin de tout. J’avais la sensation de m’offrir un très gros cadeau », raconte Noémie, qui a séjourné sur l’île Louët en juin 2023.
« J’avais l’impression d’un moment suspendu »
La Rennaise se souvient « du bruit des goélands » au réveil le matin et d’avoir vu passer le train de satellites de Starlink dans une nuit noire comme jamais. « Il y avait un tel décalage entre ce que l’on vivait et cette hyper connexion que l’on voyait passer au-dessus de nous. J’avais l’impression de revenir à l’essentiel, au strict minimum ». Son amie Émilie, qui était présente la même nuit, va exactement dans le même sens. « Tu es sur un caillou, donc tu es directement déconnectée ! La sensation insulaire est très forte, surtout quand tu penses que tu es seule. On a pris l’apéro sur la cale jusqu’à ce que la nuit tombe. J’avais l’impression d’un moment suspendu », se souvient-elle.
Mais au-delà de la simple beauté des lieux, c’est aussi l’expérience humaine que les visiteurs vantent. Bien souvent, les groupes sont constitués de « ceux qui peuvent » venir se perdre une nuit dans le Finistère en pleine semaine. « Les gens qui étaient là ne se connaissaient pas forcément mais on était tous assis face à la mer, à regarder le coucher de soleil. Humainement, c’était incroyable, parce qu’on a vécu ensemble une expérience unique, un truc mémorable », raconte Noémie.
Xavier avait vécu la même expérience lorsqu’il s’est retrouvé prisonnier avec une dizaine de personnes qu’il connaissait parfois à peine.
« « Dans un contexte normal, je n’aurais peut-être pas pris le temps de discuter avec tout le monde. Là, tu t’ouvres aux autres, tu renforces les liens, tu te rapproches des gens qui sont là ». »
A l’origine de la réservation, Emilie avait réuni autour d’elle des amis de tous horizons, qui ont directement expérimenté la vie en collectivité, sans forcément se connaître. « On se sentait tous soudés parce qu’on savait qu’on partageait un moment unique. On était tous égaux devant cette expérience ». Une expérience que tous les aventuriers rêveraient de renouveler. Mais les prétendants sont nombreux à toquer à la porte du paradis.