Manifestation des agriculteurs : Quelles sont les principales « preuves d’amour » revendiquées par la profession ?
cueillette•D’une dérogation sur les jachères à l’arrêt de la surenchère environnementale, les revendications du monde paysan sont nombreuses et variées. « 20 minutes » fait le pointH.M.
L'essentiel
- Des centaines d’agriculteurs barrent depuis lundi huit grands axes autoroutiers desservant Paris pour continuer à mettre la pression sur le gouvernement de Gabriel Attal, qui promet d’annoncer de « nouvelles mesures » mardi après un premier volet jugé insuffisant avant le week-end.
- Certains ont pris la route lundi à Agen, à l’appel de la Coordination rurale (CR), pour aller « investir » le marché d’intérêt national (MIN) à Rungis, où les attendent des blindés de la gendarmerie.
- De « nouvelles mesures seront prises dès demain » en faveur des agriculteurs, a annoncé la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot à l’issue du Conseil des ministres. De nouvelles mesures pour répondre à quelles demandes ?
Après la belle « déclaration d’amour » de Gabriel Attal vendredi en Haute-Garonne et un premier panier de mesures égrené sur une botte de paille, force est de constater que les agriculteurs ne sont pas satisfaits. Ils réclament désormais des « preuves d’amour », nombreuses et presque aussi variées qu’il y a de filières de production et de régions en France. Voici quelques-unes des principales revendications de la profession.
Une dérogation sur les 4 % de jachère
Cette mesure a été introduite dans la nouvelle Politique agricole commune (PAC). Pour pouvoir toucher les aides européennes, elle oblige théoriquement les exploitants à laisser 4 % de leur surface en jachère. Sachant que cela peut concerner des mares, de grosses haies ou de petits bosquets, autant « d’oasis » dont les grandes exploitations céréalières notamment ne disposent déjà plus. Applicable au 1er janvier 2023, cette disposition a fait déjà l’objet en France d’une dérogation durant toute l’année 2023 en raison de la crise céréalière provoquée par la Guerre en Ukraine. Les agriculteurs français veulent proroger cette exception, au moins durant toute l’année 2024. « Pas la peine de nous bassiner avec la souveraineté alimentaire si on nous bride dans notre production, c’est vraiment un non-sens complet », souligne Laure Serres, présidente la FDSEA en Haute-Garonne.
Un vrai respect de la loi Egalim
Depuis 2018, la loi Egalim est censée garantir aux agriculteurs d’être rémunérés au juste prix par les distributeurs. La menace de Gabriel Attal vendredi de sanctionner trois gros industriels s’ils ne reviennent pas dans les clous est la preuve qu’elle n’est pas rigoureusement appliquée. Par ailleurs, en ces temps difficiles, les agriculteurs voient bien que le gouvernement est davantage concentré sur des signaux palpables d’un ralentissement de l’inflation et donc d’une baisse des prix. Enfin, la pression légitime des consommateurs pousse les distributeurs à se rabattre sur des produits d’importation moins chers. Pour être payé au juste prix, encore faut-il vendre. La loi Egalim ne résout par le problème de la concurrence de denrées alimentaires, européennes ou non, produites dans des conditions sociales inférieures et dans des économies qui n’appliquent pas les mêmes normes. Cette année par exemple, les apiculteurs français croulent sous leurs stocks de miel.
Une baisse des exigences environnementales
Maintenant qu’ils ont la main, les agriculteurs veulent enfoncer un coin dans la forêt des nouvelles normes environnementales qui leur tombent dessus, souvent en provenance de Bruxelles. La FNSEA et les Jeunes Agriculteurs exigent par exemple la disparition des Zones non traitées (ZNT). Il s’agit de bandes de terrain proche d’habitations ou d’établissements publics comme les écoles sur lesquelles il est interdit d’utiliser des produits phytosanitaires. Même rejet pour le zonage des « zones humides », en cours de cartographie par le Ministère de la transition écologique. Alors que la sécheresse s’aggrave d’année en année, il s’agit de préserver les points d’eau et tourbières. Selon les estimations, larges selon les experts, de la FNSEA, ce balisage pourrait amputer 30 % de la Surface agricole utile (SAU).
De façon générale, les agriculteurs plaident aussi pour que le gouvernement renonce à toute « surtransposition », c’est-à-dire à l’application en France de mesures réglementaires plus strictes que celles demandées par Bruxelles, notamment sur les pesticides.
Une fiscalité révisée pour transmettre les exploitations
Parmi les mesures réclamées à plus long terme, il y a de meilleures conditions fiscales pour transmettre les exploitations, dans un contexte où, selon les calculs de la Mutualité sociale agricole (MSA), la moitié des exploitants doivent partir à la retraite dans les dix ans qui viennent. « Pourquoi transmettre sa ferme à ses enfants ou à des si l’on sait que dans les trois, parce qu’une autre crise va surgir, ils vont mettre la clé sous la porte parce qu’ils sont étranglés par les dettes ? » demande Laure Serres.
Notre dossier sur la manifestation des agriculteursUn « petit mot » du président Macron
Depuis le début de la crise en Occitanie il y a deux semaines, le dossier est géré par Marc Fesneau, le ministre de l’Agriculture, et surtout Gabriel Attal, le nouveau Premier ministre dont l’ouverture et le franc-parler semblent avoir séduit dans les campagnes. Mais sur le plan psychologique, le monde paysan a besoin d’attention et de considération. Bref que le chef de l’Etat sorte du bois pour faire lui aussi sa « déclaration d’amour ». « Je ne dis pas que s’il sort sur le perron de l’Elysée les tracteurs vont rentrer eux. Mais il faut qu’il le fasse » confie la présidente de » la FDSEA dans la Haute-Garonne, là où tout a commencé.
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