« Salle de shoot » à Marseille : Le « soulagement » des riverains et la « victoire » de la droite locale
mauvaise donne•La mobilisation a eu raison de l’emplacement initialement prévuCaroline Delabroy
L'essentiel
- La fronde des riverains et de la droite locale aura eu raison du projet d’ouverture d’une salle de consommation encadrée de drogue dans le centre de Marseille.
- Le projet est suspendu le temps de trancher ce problème de localisation.
- Mercredi soir, le comité de pilotage de cette halte soins addiction (HSA) a pris acte de l’avis défavorable de l’État, qui a tiré « les conséquences de cette opposition », a expliqué jeudi le préfet des Bouches-du-Rhône Christophe Mirmand, lors de ses vœux à la presse.
Les tags et les banderoles « Non à la salle de shoot » ont disparu du boulevard de la Libération à Marseille. Les murs et la lourde porte cochère du n° 110, où devait ouvrir la première halte soins addictions de la ville, ne portent ainsi plus la parole des opposants mobilisés depuis trois mois contre la localisation de ce lieu. A part quelques commerçants alentours, qui arborent encore le QR code de la pétition qui a circulé dans le quartier, nulle trace ou presque de la mobilisation. Si ce n’est, ce jeudi en fin de matinée, les élus de l’opposition venus en recueillir les fruits lors d’un point presse impromptu après la suspension du projet.
« Le fait que trois ministres décident de donner un avis défavorable à l’implantation, c’est une véritable victoire, sourit Bruno Gilles (LR). Nous avons gagné ce qui est peut-être un premier combat politique important depuis juillet 2020. » A ses côtés, Catherine Pila, cheffe de file de l’opposition LR au conseil municipal de Marseille, se fait encore plus précise : « C’est un revers politique pour Benoît Payan et sa majorité. Le maître-mot du Printemps marseillais, c’était la concertation. Il n’y a eu que de fausses concertations citoyennes faites sur invitation. »
Parmi les opposants, des électeurs du Printemps marseillais
Parmi les 150 membres du collectif citoyen Enfants Libération, engagé contre l’ouverture de cette « salle de shoot » dans un « quartier préservé de la toxicomanie de rue » et au milieu des écoles, la moitié s’affirment comme électeurs du Printemps marseillais. « Ils se sentent encore plus trahis, ce n’est pas la démarche participative telle que le Printemps l’avait vendue, regrette la présidente du collectif, Perle Perrin. A la fin, la consultation a même été requalifiée de réunion d’information. » Elle dit le « soulagement » après l’abandon du projet à cette adresse, et la volonté que le collectif soit à présent « associé au devenir du 110 boulevard de la Libération ».
Pour Cynthia Guichard, pharmacienne un peu plus haut sur le boulevard, « c’est le retour à la lucidité et une chance, peut-être, de prendre réellement en compte le problème de la toxicomanie de rue à Marseille ». « Je n’ai jamais compris pourquoi les porteurs de projet ont accepté un lieu tellement éloigné des lieux de consommation, poursuit-elle. Quand on veut faire une expérimentation et qu’on veut que ça marche, on choisit un lieu qui correspond aux enjeux. »
« Tout ça pour ça… »
« La concertation a fait apparaître que ce lieu ne suscitait pas un consensus suffisant pour que cette expérimentation puisse se dérouler dans les meilleures conditions, a de son côté euphémisé le préfet des Bouches-du-Rhône Christophe Mirmand, jeudi matin lors des vœux à la presse. Il paraissait important d’éviter que ce lieu devienne un objet de confrontation, ce qui n’aurait pas été propice à cette démarche d’expérimentation. » Selon lui, l’Etat a ainsi « tiré les conséquences » de cette opposition « sans remettre en question le principe » d’une expérimentation. Celle-ci pourrait prendre une autre forme, celle d’une halte mobile, à défaut d’un nouvel emplacement.
Tout cela laisse un goût amer à Noémie, 40 ans, qui habite le quartier depuis deux décennies. Dès le début, l’ouverture de cette salle promise au 110 boulevard de la Libération l’a inquiétée tant « il n’y a pas de toxicomanie dans la rue ici ». « Pourquoi importer le problème ? » Elle a mal vécu « de passer pour quelqu’un de pas bien », de « se faire insulter sur les réseaux » dès qu’elle y exprimait ses doutes. Ni les « arguments de mauvaise foi », « pas assumés » des élus sur le fait que le lieu « était soi-disant le plus approprié ». Elle s’était pourtant faite à l’idée, et l’annonce a été « une surprise ». « Tout ça pour ça, conclut-elle. Cela va leur coûter le secteur aux prochaines municipales. Je trouve ça dommage pour quelque chose de mal ficelé depuis le début. »