ACCUEILDepuis vendredi, une quarantaine de migrants dorment dans une église à Lyon

Lyon : Depuis vendredi, une quarantaine de migrants dorment dans une église

ACCUEILVendredi dernier, entre 40 et 50 mineurs non accompagnés du campement du square Sainte-Marie-Perrin ont traversé la rue pour demander à l’archevêque de Lyon de dormir dans l’édifice religieux. Ils étaient sans solution de logement depuis avril
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Depuis vendredi soir, entre 40 et 50 mineurs non accompagnés se sont réfugiés dans l’église du Saint-Sacrement du 3e arrondissement comme ultime solution pour ne pas dormir dehors. Au total, près de 130 jeunes migrants vivent dans le square d’en face, en attendant d’être reconnus comme mineurs.
  • La situation dure depuis le mois d’avril et aucune solution de logement n’a été trouvée par les pouvoirs publics, qui se renvoient tous la balle.
  • Le diocèse a également pris contact avec les autorités pour la prise en charge de ces jeunes. En attendant, l’église reste ouverte pour qu’ils puissent être à l’abri.

Comme tous les dimanches à l’église du Saint-Sacrement du 3e arrondissement de Lyon, la messe s’est déroulée devant plus de deux cents personnes. Mais ce matin, l’homélie était un peu différente. « Pendant la cérémonie, le prêtre a dit un mot sur la situation que vivent depuis deux soirs, entre 40 et 50 mineurs non accompagnés », confie une personne présente sur les lieux.

Vendredi 8 décembre, au moment de la célébration de l’immaculée conception, « plusieurs jeunes migrants se sont introduits dans l’édifice religieux et ont demandé à parler à l’archevêque », raconte Christophe Ravinet-Davenas, porte-parole du diocèse. « Monseigneur Olivier de Germay a discuté avec eux, après la procession vers Notre-Dame de Fourvière, vers 23 heures. Et il a décidé qu’il ne demanderait pas leur expulsion. Le principe de l’Église est d’accueillir. »

« C’est la première fois qu’on voit ça en vingt ans »

« C’est la première fois qu’on voit une telle situation dans cette église en plus de vingt ans », assure Roland, un des organistes depuis les années 2000. Pour lui, c’est inadmissible de laisser « des gens vivre sous une tente et dépendre des associations ». « Ils sont dans le square en face, ils voient un lieu inoccupé et ouvert toute la journée, c’est leur dernier recours, je comprends », dit-il.

Reprenant les mots du curé pendant la messe, Roland assure que « le rôle de cette église est d’accueillir ». Il précise tout de même qu’il n’a jamais été question d’abandonner les cultes. « Quand je suis arrivé samedi soir, pour la messe de 18 heures, il n’y a pas eu de problème. Et ce dimanche matin non plus. Tout était propre, reprend-il. Ils sont très respectueux. » La seule trace de leur passage dans l’édifice : des couvertures entreposées près des murs et une multiprise qui permet la recharge de plusieurs appareils électroniques.

Pour Élisabeth, une paroissienne, les fidèles sont unanimes quant au sort de ces jeunes. « Nous nous sommes situés ce matin en tant que chrétiens mais aussi en tant que citoyens, affirme-t-elle. La pétition à destination du maire, du président de la métropole et de la préfète du Rhône, pour leur trouver une solution, mise disposition dans l’église a récolté plus de 150 signatures aujourd’hui ». Car même si « la maison de Dieu » accueille tout le monde, « ce n’est pas sa mission, d’un point de vue hygiène et sécurité, complète l’organiste. Temporairement, oui, mais pas dans la durée. »

« C’est mille fois mieux que d’être sous les tentes »

De l’autre côté de la rue, dans le square Sainte-Marie-Perrin, les 130 jeunes installés dans ce campement de fortune sont du même avis. « On a besoin d’être logé en urgence, explique Diallo. Personne n’imagine ce que c’est de vivre dehors. Aucun parent n’a envie que son enfant traverse plusieurs pays dans le but d’avoir une vie meilleure et qu’il se retrouve à dormir à la rue. Il fait froid, il pleut, toutes nos affaires sont mouillées, tout est sale… On ne peut plus tenir. C’est urgent de nous considérer comme des êtres humains et de nous aider. Notre santé se dégrade affreusement. »

Diallo s’estime alors chanceux d’avoir été accueilli par l’église d’en face. Une semaine plus tôt, il avait été chassé d’un gymnase par les forces de l’ordre. « On n’a pas trouvé d’autre refuge que l’église. On remercie énormément le prêtre et on espère que ce ne sera que pour quelque temps, poursuit-il. On comprend tout à fait que ce soit inacceptable pour les fidèles, étant un lieu de recueil et de prière. On nous avait demandé d’être partis à 9 heures pour la messe ce dimanche matin. On était déjà dehors à 6 heures. »

Des discussions en cours

Bamba, également dans cette situation, ajoute : « On sait que ce n’est pas un dortoir mais un lieu sacré donc on est très respectueux. On dort seulement sur des couvertures, à côté des bancs. C’est difficile. Mais au moins, on est au sec. C’est mille fois mieux que d’être sous les tentes. Et la journée, on reste en face dans le square. » Ce dimanche soir, comme les précédents, ils retourneront se réfugier dans l’église, vers 22 heures.

De son côté, le diocèse, qui a rencontré 80 des jeunes du campement samedi soir, rappelle que « ces conditions d’accueil très précaires », « sans équipement sanitaire », sans chauffage, ne peuvent être pérennes. « On remplit juste notre rôle pour l’accueil. Désormais, ce sont aux autorités civiles de résoudre ce problème, explique Christophe Ravinet-Davenas. Depuis samedi matin, l’archevêque est en discussion avec la mairie et la métropole. C’est en cours. En attendant, on fait un peu au jour le jour. On mise sur la bonne intelligence de chacun et le désir de trouver une solution. On croit en la bonne foi de chacun. »

Depuis des mois, le collectif Soutiens/Migrants Croix Rousse demande la mise à l’abri de ces jeunes à la métropole et la préfecture. Cette dernière a indiqué dimanche soir que des discussions étaient « effectivement en cours ». « Nous ne pouvons procéder à l’évacuation qu’à la demande du propriétaire, le diocèse », a-t-elle souligné en insistant sur la compétence de la métropole en la matière « si ce sont des jeunes en attente de reconnaissance de minorité ou en recours ». Lundi, le vice-président Renaud Payre a assuré que la collectivité exerçait « pleinement ses compétences » et allait même « au-delà » en ayant ouvert des sites comme La Station (actuellement saturés). Elle estime que c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités à ce sujet et l’invite « à se mettre autour de la table » avec elle pour trouver une solution « car les migrations ne vont pas s’arrêter ».