La pomme de terre va-t-elle devenir un produit de luxe ?
Agriculture•La patate a tendance à voir son prix grimper des derniers temps, parfois de manière vertigineuse
Mikaël Libert
L'essentiel
- Le prix de la pomme de terre a augmenté de 19 % entre octobre 2022 et octobre 2023, passant de 1,68 euro le kg à 2,01 euros le kg selon l’Insee.
- « La hausse va continuer, sans doute pas de la même ampleur, mais le prix de la pomme de terre va augmenter structurellement. » explique Geoffroy Dévry, président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre.
- Selon une source du secteur, « cela reste un des aliments les plus abordables » malgré la hausse des prix.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, l’autre pays de la frite après la Belgique, on s’inquiète toujours un peu de la fluctuation du prix de la patate. D’autant que ces derniers temps, la valeur au kilo de ce précieux tubercule avait plutôt tendance à grimper en flèche sans trop redescendre, dépassant même le prix de 2 euros en juillet dernier, un seuil jamais atteint. Pour autant, s’il existe bien des causes conjoncturelles à l’augmentation du prix de la patate, certains reconnaissent aussi l’influence d’une sorte de bulle spéculative.
Selon l’Insee, entre octobre 2022 et octobre 2023, le prix moyen de vente au détail de pommes de terre de conservation est passé de 1,68 euro le kilo à 2,01 euros le kilo. Soit une augmentation de plus de 19 %. Mais que s’est-il passé au cours de cette année pour expliquer cela ? En fait, si l’on observe un graphique de l’évolution du prix du kilo de patate sur les dix dernières années, on remarque une courbe en dents de scie avec néanmoins une hausse globale de près de 18 %. Chaque année, cela se joue entre juin et octobre, avec un prix qui flambe l’été sans jamais redescendre à son niveau du printemps.
« La hausse va continuer, sans doute pas de la même ampleur »
C’est le même scénario qui s’est joué l’été dernier. « Le printemps a été compliqué, parce qu’il a fallu attendre la fin du gel, et quand c’est arrivé, il s’est mis à pleuvoir sans arrêt », explique à 20 Minutes une source du métier qui préfère ne pas être citée. En juillet, les producteurs ont effectué les traditionnels prélèvements dans les champs pour évaluer le rendement à venir : « c’était catastrophique parce que cela montrait que les rendements allaient être très faibles, alors tout le monde a cherché à couvrir ses arrières et les prix ont flambé », poursuit notre source. Sauf que la suite a réservé quelques surprises : « la météo a été plutôt clémente et les plants ont grossi très vite, en peu de temps, pour finalement donner des rendements qui étaient très bons et la bulle spéculative s’est calmée ». On le voit, l’indicateur de l’Insee est passé de 2,19 euros le kilo en août à 2,01 euros en octobre.
« La hausse va continuer, sans doute pas de la même ampleur, mais le prix de la pomme de terre va augmenter structurellement », reconnaît Geoffroy Dévry, le président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT). Réglementation française plus contraignante sur les produits phytosanitaires, prix des engrais multipliés par quatre, flambée de l’énergie, rendements en baisse… « Autant de facteurs impactant directement les coûts de production », déplore le patron de l’UNPT.
Notre dossier sur l'inflationA cela, il faut encore ajouter les aléas climatiques « dont le risque n’est pas intégré au prix d’achat par l’industrie ou la grande distribution », insiste-t-il. L’UNPT note aussi une « attractivité en berne » de la patate, notamment dans le « frais » à cuisiner à la maison. Car le produit souffre d’une image pas forcément « healthy » liée à sa préparation en restauration. Un tort pour notre source bien informée, qui vante les propriétés d’une patate « cuite à la vapeur ou à l’eau ». Et même si l’on fait tout un foin sur un tarif qui a pris 24 % en un an, cela reste, selon elle, « l'un des aliments les plus abordables ».