urnes baladeusesPourquoi le déménagement de bureaux de vote est-il contesté à Toulouse ?

Toulouse : « Ce sera la galère pour aller voter », le déménagement de bureaux de vote fait des vagues

urnes baladeusesToulouse a décidé de regrouper ses bureaux de vote dans de grandes salles au détriment des écoles. Certains électeurs vont se retrouver plus éloignés des urnes et ne cachent pas leur mécontentement
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • A Toulouse, le nombre de « lieux de vote » va passer de 68 à 54. La mairie veut ainsi simplifier la logistique des scrutins en regroupant un maximum de bureaux de vote sur un même site et en se passant de certaines écoles.
  • Le quartier de Fontaine-Lestang, dont les habitants vont devoir voter plus loin, mène la fronde.
  • Et l’opposition municipale soupçonne un calcul politique qui pourrait favoriser l’abstention dans les quartiers populaires.

«A pied ou en tramway, ce sera la galère pour aller voter ! ». Chantal Beer-Demander, la présidente du comité de défense du quartier Fontaine-Lestang/Arènes à Toulouse, ne décolère pas. Non pas qu’elle ait déjà la tête aux élections européennes du 9 juin, loin de passionner les foules, mais parce que comme les autres habitants de son secteur, elle a appris par courrier que son bureau de vote allait déménager.

Fini l’accomplissement du devoir citoyen dans les salles de classe de l’école Billières toute proche. Pour glisser leur bulletin dans l’urne, en juin comme pour les autres scrutins, certains habitants du quartier devront migrer jusqu’au complexe sportif Pierre-Montané, situé près du Zénith. Chantal Beer-Demander a calculé que le temps de trajet, qu’on marche ou qu’on attende une rame dominicale, « sera au moins multiplié par cinq » pour elle et ses voisins. « On va devoir voter en dehors de notre quartier et même en dehors de notre circonscription », relève-t-elle.

Les « lieux de vote » passe de 68 à 52

Alors pourquoi ce changement, proposé par le Capitole et entériné par un arrêté préfectoral du 31 août ? La décision ne ferme aucun des 265 bureaux de vote de la Ville rose, mais elle les « regroupe » dans de grandes salles « plus accessibles » au détriment des petites écoles, faisant passer le nombre de « lieux de vote » de 68 à 54. Des déménagements parfaitement assumés par la mairie, pour des raisons logistiques « de plus en plus compliquées à gérer ». « Les écoles posent beaucoup de difficultés parce qu’elles fonctionnent jusqu’au vendredi puis le lundi matin. Donc pour chaque tour de scrutin, il faut amener tout le matériel, l’installer, puis le remballer et remettre en place les salles de classe », énumère Sacha Briand, à la fois adjoint aux Finances et aux Elections. Sans compter, ajoute-t-il, « les problèmes de cohabitation », avec parfois « des vols quand tout le monde déambule » ou des questions très pratiques comme « les sanitaires conçus pour des tout-petits » et pas forcément pour l’électeur lambda.

L’élu prend aussi pour argument la crise de vocation des assesseurs, toujours plus difficiles à dénicher au fil de scrutin et qui seront mieux disposés si à la dernière minute ils doivent officier dans la pièce à côté plutôt que d’être obligés de changer de lieu. Une campagne d’information doit par ailleurs cibler les électeurs concernés par ces déménagements début 2024.

Chantal Beer-Demander balaie l’argument logistique et économique d’un revers de main. « La démocratie a un coût, s’énerve-t-elle. Et, s’il ne faut plus voter dans les écoles, nous avons une salle de quartier très bien ». « Forcément, des gens vont se retrouver plus loin de leur bureau de vote, mais d’autres aussi plus près, et ceux-là, ils ne vont pas manifester, rétorque Sacha Briand. Le droit de vote peut aussi emporter l’exigence de faire trois minutes de trajet en plus, ce n’est inaccessible ».

L’opposition crie au calcul politique

La responsable associative assure que « les gens sont furieux » et que d’autres de ses « homologues » étudient la nouvelle carte des bureaux de vote. Elle veut avoir une « lecture plus fine » pour savoir s’il faut aussi y déceler des intentions politiques. Un pas que François Piquemal, député LFI de la circonscription franchit allègrement. « La préfecture et le maire de Toulouse ont décidé de supprimer pas moins de 14 lieux de vote dont certains où Jean-Luc Mélenchon et la Nupes ont fait de très bons scores ! écrit-il dans un tract. Résultat : des lieux de vote plus éloignés de chez vous et une pagaille générale pour savoir où vous devez aller voter ».

Maxime Le Texier, élu du groupe d’opposition AMC (alternative municipaliste citoyenne) ne croit pas non plus à l’argument de la réduction des coûts. Il voit dans ce redécoupage, « un cynisme absolu qui va accentuer l’abstentionnisme [47,71 % aux Européennes de 2019 à Toulouse], l’un des pires maux de notre société ». S’étonnant que la décision n’ait pas été débattue en conseil municipal, il analyse que ces changements peuvent davantage décourager des électeurs de gauche que ceux du maire Jean-Luc Moudenc (centre) « traditionnellement motivés et fidélisés depuis longtemps ». « Les abstentionnistes, je ne pense pas que ce soit la distance qui leur pose une difficulté, répond Sacha Briand. C’est aux candidats et aux partis politiques de leur donner envie de faire ce déplacement ». Vivement les municipales du printemps 2026.