Dans le Nord, fait-on bosser les allocataires du RSA pour pas un rond ?

Nord : Fait-on vraiment bosser les allocataires du RSA pour pas un rond ?

EmploiDepuis avril dernier, un panel de personnes au RSA habitant le Nord sont les heureux cobayes d’une expérimentation visant à les faire sortir au plus vite de ce dispositif en leur trouvant du boulot
Mikaël Libert

Mikaël Libert

L'essentiel

  • Tourcoing, dans le Nord, est l’un des territoires retenus par le gouvernement pour son expérimentation du suivi des allocataires du revenu de solidarité active (RSA).
  • Les 3.000 allocataires inclus dans le dispositif bénéficient d’un suivi renforcé et personnalisé grâce à des moyens d’accompagnement renforcés, notamment en personnel.
  • Selon la maire de Tourcoing, depuis le début de l’expérimentation, un taux de 50 % de sorties positives a été observé, soit débouchant sur un CDD, un CDI ou une formation.

Le revenu de solidarité active, ou RSA, coûte une blinde aux départements. Le Nord, champion du RSA, lâchera 649 millions d’euros à ses quelque 89.000 allocataires pour la seule année 2023 confirme à 20 Minutes le département. Une charge financière de moins en moins compensée par l’Etat qui devient ingérable à l’échelle du département comme le dénoncent régulièrement les présidents successifs de la collectivité. Alors, quand le gouvernement a parlé d’une expérimentation pour mettre le paquet sur l’insertion des bénéficiaires du RSA, le Nord a sauté sur l’occasion. Et c’est Tourcoing, fief de Gérald Darmanin, qui a été choisie. Néanmoins, il y a eu comme une petite confusion sur le dispositif.

Arrivés en début d’après midi, jeudi, à la maison de l’emploi de Tourcoing, 20 Minutes pu constater une étonnante effervescence. Personnel en gilet bleu courant dans tous les sens, habitants passant de salle en salle, pile de CV sous le bras. « C’est un job dating pour les allocataires du RSA », nous explique une employée. On nous oriente vers le premier étage où est installé le plateau « France travail », la fameuse expérimentation. L’endroit est plus calme, ce qui nous permet de parler tranquillement avec Amel, une jeune femme de 25 ans qui a fait sa demande de RSA en septembre. « Quelques jours après mon inscription à la CAF, j’ai été convoquée ici pour rencontrer un conseiller. Depuis, je le vois une heure tous les dix jours pour faire le point », nous dit-elle.

Les allocataires travaillent pour eux-mêmes

Est-ce vrai qu’entre chaque rendez-vous, on lui demande de bosser gratos 15 à 20 heures par semaine ? La jeune femme rit : « Je dois être active, ça veut dire participer à des ateliers, rédiger des CV, envoyer des candidatures, aller à des jobs dating, des entretiens… c’est de ce type d’activité que l’on parle. » « Que cette expérimentation avait pour but de faire bosser bénévolement les allocataires du RSA est une rumeur lancée par l’extrême gauche », balaye Doriane Becue, la maire de Tourcoing. « Le but est d’accompagner ces personnes pour qu’elles trouvent un travail ou une formation », ajoute l’élue.

A Tourcoing, ce sont 3.000 allocataires qui ont été inclus dans le nouveau dispositif, doté d’un million d’euros de budget. Sur le plateau dédié, personnels de Pole emploi et du département travaillent ensemble à leur trouver une solution. « Le parcours de l’allocataire est plus simple, plus fluide, les interlocuteurs sont sur place et ça ne prend pas des semaines pour leur obtenir un rendez-vous avec les services sociaux », explique Jean-Luc Ranty, le « coach » d’Amel. Ce fonctionnaire du département suit 50 allocataires, « contre 150 pour un conseiller Pole emploi », précise-t-il. « Il me connaît, il sait mon parcours et ce que je recherche. Ça lui permet de me proposer des offres d’emploi ou des formations adaptées », insiste la jeune femme.

« Je connais des gens qui s’en contentent mais pas moi »

Pour elle, les 350 euros du RSA ne sont pas un but en soi : « Je connais des gens qui s’en contentent mais pas moi. J’ai un BTS d’assistante manager et je veux trouver un travail dans ce domaine. Si je prends un boulot que je n’aime pas, je ne le ferai pas à fond », reconnaît Amel. « Il n’y a pas de bâton, les allocataires peuvent bien sûr refuser des propositions qui ne leur correspondent pas », assure Stéphanie Feron, qui dirige l’expérimentation pour le Nord. « Il y a un contrôle de ce que le bénéficiaire a fait entre deux rendez-vous, mais c’est plutôt du déclaratif, nous sommes dans une relation de confiance », ajoute le coach.

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Amel nous quitte en croisant les doigts, elle doit passer son deuxième entretien de la journée. « Les personnes dans le dispositif sont très volontaires et font très souvent beaucoup plus que les 15 à 20 heures demandées », affirme Doriane Becue. Elle avance le cas d’un jeune homme qui souhaitait devenir chauffeur de car : « On lui a trouvé une immersion dans une entreprise de transport et, comme cela lui a plu, on a agrégé les différentes aides pour lui financer sa formation », poursuit-elle. Plus besoin, donc, de courir gratter aux portes de la région, du département, de Pole emploi, tout peut se faire sur place et rapidement. Un atelier pour peaufiner son CV, un coaching pour se vendre aux employeurs, un besoin de formation, une envie d’immersion… Tout se planifie au même endroit.

Notre dossier Revenu de solidarité active

En fait, cela relève plutôt du bon sens que cela se passe ainsi si le but du gouvernement est effectivement de chatouiller le plein-emploi. « Depuis le début de l’expérimentation, on a un taux d’environ 50 % de sorties positives, soit vers un CDD, un CDI ou une formation », estime la maire de Tourcoing. Le département a d’ailleurs demandé d’étendre l’expérimentation à Roubaix, Dunkerque, Maubeuge et Denain. Enthousiaste, l’élue mise sur un feu vert rapide du gouvernement pour ces communes, comme elle croit en « la généralisation du dispositif à l’échelle de la France pour 2025 ».