ATLANTIQUEL’Atlantique, un vaste théâtre d’opérations pour le préfet maritime

Entre tempêtes, trafics de cocaïne et dauphins, l’Atlantique est un vaste théâtre d’opérations pour le préfet maritime

ATLANTIQUELa zone de compétence littorale de ce préfet maritime « s’étend de la baie du Mont-Saint-Michel jusqu’à la frontière espagnole », mais sa zone de responsabilité « c’est tout l’Atlantique, du Pôle Nord au Pôle Sud »
Mickaël Bosredon

Mickaël Bosredon

L'essentiel

  • Nommé le 1er août préfet maritime de l’Atlantique, fonction instituée par Bonaparte en 1800, le vice-amiral d’escadre Jean-François Quérat est un préfet à la fois civil et militaire.
  • « Préfet de l’urgence », il intervient « dès qu’il advient un événement nautique, une pollution, un accident, une grosse tempête comme Ciaran, un sauvetage… »
  • En tant que commandant de zone maritime, il intervient aussi dans la lutte contre les trafics de drogue, jusqu’en Afrique et aux Antilles, avec des opérations parfois musclées à organiser.

Un préfet, trois casquettes, deux chefs. Nommé le 1er août préfet maritime de l’Atlantique, fonction instituée par Bonaparte en 1800, le vice-amiral d’escadre Jean-François Quérat est aussi commandant de la zone maritime de l’Atlantique, et commandant de l’arrondissement maritime de l’Atlantique. A la fois militaire et civil, il dépend donc en même temps « de la Première ministre, et du chef d’Etat-Major des Armées. »

Si sa zone de compétence littorale « s’étend de la baie du Mont-Saint-Michel jusqu’à la frontière espagnole », sa zone de responsabilité « c’est tout l’Atlantique, du Pôle Nord au Pôle Sud. » Basé à Brest, Jean-François Quérat était de passage à Bordeaux, dans sa zone de compétence, mardi. 20 Minutes en a profité pour aller à sa rencontre, et en savoir un peu plus sur son rôle, qui reste méconnu du grand public.

« Le préfet de l’urgence »

« En tant que préfet maritime, je suis le préfet de l’urgence » résume le vice-amiral d’escadre. « J’interviens dès qu’il advient un événement nautique, une pollution, un accident, une grosse tempête comme Ciaran, un sauvetage, comme le sauvetage absolument miraculeux lundi soir au large d’Oléron… »

Sur Ciaran, Jean-François Quérat tire un bilan satisfaisant. « A part des bateaux qui ont cassé leur mouillage, et il y en a eu beaucoup dans le bassin d’Arcachon, nous n’avons eu aucun incident en mer, souligne le préfet. Cela en grande partie car nous avons prévenu les marins, qui ont pris leurs dispositions pour ne pas aller en mer où il y avait des vents à 200 km/h. Nous avions deux remorqueurs prêts à appareiller, que nous n’avons pas eu besoin de solliciter. »

« Lutte contre les trafics »

En tant que commandant de zone maritime, « je suis responsable de la conduite des opérations maritimes dans la zone Atlantique », ce qui va jusqu’à l’Afrique et le golfe de Guinée, « où nous entretenons une coopération avec les pays côtiers, pour lutter contre la piraterie, les trafics de drogue ou la pêche illégale ».

La lutte contre les trafics de drogue se fait principalement en lien avec la marine nationale. « Depuis le mois de septembre mes équipes ont déjà conduit deux prises au large de l’Afrique : une de 2,4 tonnes avec la frégate Ventôse [basée en Martinique] en septembre, et une autre, début novembre, de 885 kg de cocaïne, sur un bateau qui venait d’Amérique du Sud. En 2022, la marine a intercepté 29 tonnes de cocaïne en mer, pour une valeur de 400 millions d’euros, essentiellement aux Antilles et au large de l’Afrique. Ce sont généralement de petits bateaux hyperrapides qui pratiquent le go fast, ou des bateaux de pêche avec des pauvres marins à qui on a demandé de fermer les yeux contre une enveloppe. »

« Cela peut tourner rapidement à la confrontation violente »

Comment s’organise une opération de lutte contre les trafics en mer ? « Dans la grande majorité des cas, tout se fait sur la base d’un renseignement, qui provient d’une agence française, américaine ou internationale. Si j’ai un bateau à proximité, je contacte le procureur de Brest qui est compétent en la matière. » L’aspect judiciaire de l’opération est d’autant plus important en mer que se posent des questions de droit international. « Exemple : si je tombe sur un bateau brésilien, j’ai le droit de monter à bord, mais je dois appeler les autorités du Brésil pour demander les autorisations avant de procéder à une fouille. Si j’obtiens cette autorisation, et que la fouille est concluante, nous saisissons la drogue et nous la détruisons en mer avec des équipements spécialisés, tout en ayant pris le soin de récolter toutes les preuves nécessaires au préalable, évidemment. »

Pour ces interventions, la marine nationale dispose « d’équipes dédiées et entraînées pour effectuer des arrivées sur les bateaux ». Pour les situations difficiles, « on envoie les commandos marine de Lorient, capables de réaliser un assaut de bateau de force avec opposition. » Cela peut être le cas pour un trafic de drogue, mais aussi lors d’opérations contre la pêche illégale en Guyane, « où cela peut tourner rapidement à la confrontation violente ».

La côte Atlantique est également soumise à des enjeux liés à la défense, on a pu le voir samedi 18 novembre dans la soirée, avec le tir d’un missile balistique stratégique M51.3, depuis Biscarrosse (Landes). « C’est la DGA [Direction générale de l’armement] qui était à la manœuvre sur ce tir, mais mon rôle a été d’effectuer la sécurisation de cette activité éminemment sensible, sur la partie maritime. J’avais des bateaux en zone côtière, en zone éloignée, des avions, et depuis Brest, j’ai effectué la surveillance de la trajectoire, en lien avec les radars de Quimper, de Biscarrosse et du navire Monge [un bâtiment de surveillance], qui était dans l’Atlantique. »

Eolien en mer et captures accidentelles de dauphins

Enfin, les enjeux environnementaux font, eux aussi, partie des grands enjeux du littoral atlantique. Préfet de la réglementation en mer, et de la planification, Jean-François Quérat est ainsi partie prenante dans les projets d’éolien en mer, amenés à se développer. « Le débat public va être lancé dans les prochains jours en ce qui concerne les appels d’offres pour les nouveaux projets d’éolien en mer dans les trois zones maritimes françaises, dont l’Atlantique » annonce-t-il.

Sur la façade Atlantique, le phénomène des captures accidentelles de dauphins est également suivi de plus en plus près, notamment par plusieurs ONG comme Sea Sheperd, qui estime que l’Etat ne va pas assez loin dans les mesures qu’il prend. « Le premier enjeu dans ce dossier, est celui de la connaissance, assure Jean-François Quérat : il faut comprendre ce qu’il se passe, pourquoi avons-nous aujourd’hui tant de dauphins pris dans les filets, ce qui n’était pas, ou moins, le cas il y a quelques années. Pelagis a été mandaté pour effectuer des études, les ONG en font, et des mesures ont été prises, comme un arrêté avec des mesures spatiotemporelles pour limiter la pêche. » Celui-ci instaure une fermeture de la pêche durant un mois, du 22 janvier au 20 février, cependant assortie de nombreuses dérogations, ce que dénonce encore Sea Sheperd. « Il faut continuer à chercher, à concerter, pour prendre les moins mauvaises décisions concernant ces captures accidentelles, » estime cependant le préfet maritime.