Montpellier : Des arbres plantés sur du béton sur la Comédie ? Pour l’opposition, c’est du « greenwashing »
URBANISME•La mairie de Montpellier a prévu de faire pousser huit ormes, plantés dans de vastes cavités souterraines, sur cette place ultra-minéraleNicolas Bonzom
L'essentiel
- Des ingénieurs paysagistes ont relevé le défi, lancé par la commune de Montpellier, de planter huit ormes, sur le béton de la place de la Comédie.
- Mais ce projet, dont le coût est estimé à 2,1 millions d’euros, n’est pas du goût de tout le monde. L’ex-député Jean-Louis Roumégas (EELV) y voit une « lubie » du maire de Montpellier, et « une utilisation scandaleuse des deniers publics ».
- Pour Alenka Doulain (divers gauche), cheffe de file du mouvement Nous Sommes, ce n’est rien d’autre que du « greenwashing ». « Je ne veux pas être pessimiste, mais avant que ces arbres fassent de l’ombre, je ne serai plus de ce monde », déplore, de son côté, Luc Albernhe (divers gauche), élu de l’opposition.
Des arbres ont poussé sur le béton, à Montpellier (Hérault). Sur la Comédie, des ingénieurs paysagistes ont relevé le défi, lancé par la commune, de planter huit ormes, pour offrir un peu d’ombre à cette place ultra-minérale, où le mercure a dépassé les 46 degrés, en 2019. Ces arbres, en provenance du sud des Pays-Bas, ont été plantés dans de vastes cavités souterraines, pour leur permettre de se développer (presque) comme en pleine terre. Mais cet étonnant chantier, l’un des projets phares du maire Michaël Delafosse (PS), n’est pas du goût de tout le monde, dans le mundillo politique local. C’est le coût de l’opération qui choque les opposants : 2,1 millions d’euros annoncés par la ville, dont 300.000 euros pour l’achat des huit ormes et l’aménagement des fosses.
L’ex-député Jean-Louis Roumégas (EELV) y voit une « lubie » du maire de Montpellier. C’est, pour cet ancien adjoint de Georges Frêche (PS), « une utilisation scandaleuse des deniers publics ». « Ce n’est pas tant le coût des arbres eux-mêmes, mais surtout celui des fosses qu’il a fallu construire sur quatre étages de parking », déplore Jean-Louis Roumégas. Plus de 2 millions d’euros, « c’est exorbitant pour huit arbres, confie le porte-parole d’EELV à Montpellier. On aurait mieux été inspiré à utiliser cette somme pour accélérer la végétalisation des cours d’école où nos enfants grillent au soleil. »
« Une écologie gadget, qui n’a rien à voir avec la véritable écologie »
Par ailleurs, l’écologiste « a du mal à croire que ces ormes vont avoir un impact significatif sur la température qui règne en plein été sur la très minérale place de la Comédie. On n’est même pas sûr qu’ils vont s’acclimater alors qu’ils ont passé les premières années de leur vie aux Pays-Bas. Leur croissance en fosse sera nécessairement limitée quand on sait que le système racinaire d’un arbre représente entre 1,5 et 3 fois le volume de sa couronne. » Jean-Louis Roumégas aurait, lui, parié sur des solutions « plus efficaces et moins coûteuses, comme des voilages amovibles. Ces arbres seront le symbole d’une écologie gadget, d’une écologie bling-bling, qui n’a rien à voir avec la véritable écologie ».
Alenka Doulain (divers gauche), conseillère municipale de l’opposition et cheffe de file du mouvement Nous Sommes, proche de la Nupes, est, elle aussi, dubitative face à ces ormes qui jaillissent du béton. C’est, regrette-t-elle, une « opération de communication », qui n’est rien d’autre que du « greenwashing ». « C’est une gabegie financière, c’est beaucoup, beaucoup, beaucoup d’argent public, confie l’élue montpelliéraine. Ce n’est pas en adéquation avec les urgences d’aujourd’hui. Il aurait été sûrement plus utile de végétaliser les cours d’école et certains quartiers populaires, qui sont livrés au béton. »
Alenka Doulain déplore, par ailleurs, que ces huit arbres viennent du sud des Pays-Bas, alors que l’on « pourrait avoir une pépinière publique, qui plante des essences locales, sur laquelle on a la main pour programmer la végétalisation de la ville ».
« Avant que ces arbres fassent de l’ombre, je ne serai plus de ce monde »
Luc Albernhe (divers gauche), ex-élu de l’ancien maire, Philippe Saurel (divers gauche), et conseiller municipal de l’opposition, ne voit pas ces ormes d’un très bon œil, lui non plus. « Je ne veux pas être pessimiste, mais avant que ces arbres fassent de l’ombre, je ne serai plus de ce monde », a-t-il déploré, le jour de la plantation du premier orme, le 14 novembre, sur X (ex-Twitter). « D’autres solutions étaient possibles, regrette l’élu, comme, par exemple, la pose d’une ombrière. » Le groupe d’opposition Passionnément Montpellier, dont fait partie Luc Albernhe, pointe du doigt une « décision déconnectée des alternatives plus économiques et écologiques qui s’offraient à elle ».
Le 14 novembre, Michaël Delafosse, déterminé à aller au bout de ce projet « emblématique », a balayé les critiques. « Ici, nous célébrons l’adaptation de notre ville au changement climatique, a-t-il expliqué. La transformation de la place de la Comédie symbolise, décennie après décennie, comment Montpellier relève les défis de l’époque. Le 21 juin 1986, Georges Frêche avait pris la décision courageuse et contesté, et contesté donc courageuse, de piétonniser la place de la Comédie. Aujourd’hui, plus personne n’ose demander le retour des voitures autour de l’Œuf. Aujourd’hui, nous végétalisons la place de la Comédie. Un arbre, c’est l’équivalent de plusieurs climatiseurs. Ça ombre, ça atténue les îlots de chaleur. Et ça embellit. Et si dans le cœur de Montpellier, nous plantons des arbres, nous en plantons 50.000, aussi, dans toute la ville. »
NOTRE DOSSIER SUR MONTPELLIERPour le maire, cette place, « lieu de tous », ne peut pas devenir « un lieu hostile ». En plantant huit ormes, la collectivité entend ainsi faire baisser la température ressentie, sur la place de la Comédie, d’environ 6 degrés. Il faudra, pour cela, attendre que les ormes grandissent un peu. Pour l’instant, ils ne font que 7 à 8 mètres de haut.