Les préconisations de la Commission Inceste pour protéger les enfants

Commission Inceste : 82 préconisations pour protéger les enfants contre les pédocriminels

rapportAprès trois ans de travail, la commission, dont l’avenir est incertain, suggère notamment l’imprescriptibilité des viols sur enfant
20 Minutes avec AFP

20 Minutes avec AFP

C’est le fruit de trois ans de travail. Souhaitant poursuivre son travail, mais incertaine d’être maintenue par le gouvernement, la Commission Inceste fait vendredi 82 préconisations pour protéger les enfants contre les pédocriminels, en posant notamment la question de l’imprescriptibilité des viols sur enfant.

Repérage systématique des enfants vulnérables, extension de la notion d’inceste au cousin, soins de psychotrauma remboursés pour toutes les victimes : elle détaille une politique publique globale contre un fléau qui touche selon le gouvernement un enfant toutes les trois minutes.

Au terme du recueil de quelque 30.000 témoignages, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) rend à la secrétaire d’Etat à l’Enfance Charlotte Caubel un rapport de 730 pages, dans lequel elle décortique le mécanisme de ces violences.

Elles sont « un problème d’ordre public et de santé publique massif, qui détruit, anéantit une multitude d’enfants. Les conséquences pour la société sont considérables et les pédocriminels extrêmement dangereux », explique son coprésident, le juge des enfants Edouard Durand.

160.000 enfants victimes chaque année

Alors que 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année, selon la Ciivise, la question doit être posée systématiquement à chaque enfant, par l’infirmière scolaire ou le médecin, et lors d’un « rendez-vous annuel de dépistage et de prévention sur son bien-être et son développement ».

Elle demande de généraliser le repérage des violences sexuelles dans certaines situations : grossesses adolescentes, hospitalisation d’enfants et adolescents à la suite d’une tentative de suicide.

Alors que 70 % des plaintes pour violence sexuelle sur enfant sont classées sans suite, la Ciivise veut améliorer le traitement judiciaire.

L’enfant doit être mis en sécurité immédiatement. Sur le modèle des ordonnances de protection pour les femmes battues, la Ciivise préconise une ordonnance de sûreté de l’enfant (OSE) que pourrait déclencher le juge « en cas d’inceste vraisemblable ». « Le processus judiciaire est long, il faut protéger l’enfant tout de suite, faire qu’il ne soit plus à disposition de l’agresseur », explique Ernestine Ronai, membre de la Ciivise.

Réflexion sur « l’imprescriptibilité »

La Ciivise ouvre la réflexion sur « l’imprescriptibilité » du crime, sans le lier à sa gravité mais à sa spécificité : révéler l’inceste prend souvent des décennies. « On ne doit pas opposer aux enfants un jour au-delà duquel ils ne peuvent demander justice », estime le juge Durand.

Cette imprescriptibilité des viols sur mineurs existe en Suède, Norvège, Belgique et au Canada, selon le rapport. Pour aider les victimes à se « réparer », la Ciivise préconise un parcours de soins spécialisés en psychotrauma financé par l’assurance maladie. Ils permettent de réduire les séquelles : conduites à risque, addictions, problèmes psychiques…

Enfin, elle demande à poursuivre sa mission, alors que le gouvernement maintient le flou sur son avenir au-delà du 31 décembre.

Avenir incertain

Sénateurs, députés, célébrités et associations féministes et de protection de l’enfance appellent depuis juin le président Emmanuel Macron à la maintenir. Certains craignent de voir écarté le juge Durand qui l’a incarnée.

Le gouvernement assure que « l’élan » qu’elle a donné « va se poursuivre », sans s’engager sur la pérennité de l’instance. Elle avait été lancée en janvier 2021 par Emmanuel Macron pour répondre à l’avalanche de témoignages sous le hashtag #MeTooInceste suscité par le livre La Familia Grande de Camille Kouchner, qui révélait l’inceste commis par son beau-père Olivier Duhamel sur le frère de l’autrice.

Lors des 26 réunions publiques qu’elle a organisées à travers la France, « s’est créé un vrai mouvement social avec ces gens qui se sont levés au milieu d’inconnus, et se sont rassis beaucoup plus forts », estime Laurent Boyet, membre de la Ciivise.

Ces derniers mois, de nombreuses oeuvres au cinéma, à la télévision et de littérature ont analysé l’inceste longtemps tabou, à l’instar de Triste tigre, le récit de Neige Sinno couronné du Prix Fémina.

« La Ciivise répond pour chaque victime à un besoin vital de reconnaissance et par la multitude de ces témoignages, elle lutte contre le déni d’une manière inédite. Il serait insensé de prétendre que trois années suffiraient », affirme le juge Durand, qui présentera le rapport au public lundi à la Maison de la Radio à Paris.