Bordeaux : « On vous croit », les étudiantes victimes de violences sexistes et sexuelles soutenues
#MeToo à la fac•Une assemblée générale était organisée ce jeudi à l’université Bordeaux Montaigne, dont le département de Philosophie est secoué par une dizaine de plaintes d’étudiantes pour harcèlement et agression sexuelleElsa Provenzano
L'essentiel
- Une enseignante-chercheuse a porté plainte le 20 juin 2022 pour viol contre un collègue. Une dizaine d’autres plaintes pour harcèlement et agression sexuelle visent ce même professeur de philosophie.
- La prise en charge des témoignages des étudiantes par la cellule stop violences est critiquée, alors que l’université estime que les procédures, longues et soumises à la confidentialité, ont été parfaitement respectées.
- Une assemblée générale était organisée sur le campus, ce jeudi, pour soutenir les étudiantes qui ont témoigné et organiser de prochaines actions.
«On vous croit ». C’est le message d’une des banderoles envisagées pour la prochaine mobilisation, le 25 novembre prochain, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Un soutien clair à la dizaine de victimes qui a fait part de faits de harcèlements et d’agressions sexuelles à la cellule « Stop violences » de l’université Bordeaux Montaigne. Une vague de témoignages qui est intervenue après le dépôt de plainte pour viol par l’enseignante-chercheuse Barbara Stiegler, contre un collègue.
Ce jeudi, dans l’amphithéâtre Cirot, environ une centaine d’étudiants mais aussi des professeurs, ont répondu à l’appel d’une assemblée générale initiée par des organisations étudiantes (Le poing levé, la fédération syndicale étudiante, l’union étudiante Bordeaux etc.) Une réunion à la veille d’un conseil d’administration au cours duquel il sera demandé à la présidence de l’université davantage de transparence avec la présentation d'« un bilan anonyme du protocole de gestion de ces affaires en cours », explique Jahan Lutz, élu étudiant au conseil d’administration et membre du Poing Levé.
« Une honte collective »
Certains sont venus s’informer, un sandwich à la main, sur les affaires de violences sexistes et sexuelles qui secouent la fac, et en particulier le département de philosophie, d’autres des façons de se mobiliser. Les organisateurs sont obligés de restreindre les tours de parole car beaucoup de personnes veulent s’exprimer.
Plusieurs professeurs s’indignent que les plaintes de la dizaine d’étudiantes en philosophie n’aient pas été intégrées à la saisine de la commission disciplinaire (dont la décision sera rendue dans les mois à venir) et demandent qu’elles y soient jointes dès que possible. « L’université a été exposée à une honte collective, tonne un professeur d’histoire. Les étudiantes ont été invisibilisées dans cette saisine ».
L’université dément que le cas des étudiantes ne soit pas pris en cause et met en avant le courrier de la rectrice du 24 octobre qui indique que « bien que le BO (bulletin officiel) ne le précise pas de façon explicite, l’instruction de la commission disciplinaire porte aussi bien sur le volet concernant l’enseignant-chercheur que sur celui concernant les étudiantes. »
Une cellule d’accompagnement pas assez connue
Les défaillances de la cellule ont aussi été beaucoup discutées. Des étudiantes témoignent par exemple du fait que beaucoup ont découvert l’existence même de cette cellule, mise en place en 2020, à la faveur de ces dernières affaires.
« L’université fait des choses, elle est à l’écoute de votre parole », défend Lucie Ouvrard, directrice de la vie d’établissement et de campus, qui était présente dans l’amphithéâtre. Elle a par exemple mis en avant le partenariat avec l’association Clasches, un collectif anti-sexiste de lutte contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur, tout en reconnaissant des efforts à fournir en matière de communication. Pour Jeanne, en deuxième année de licence, il faut voir au-delà des murs de la fac pour lancer « un mouvement universitaire général » et réfléchir à un fonctionnement optimisé de la cellule qui pourrait être répliqué dans d’autres universités françaises.
Une ambiance « délétère » en philosophie
Les représentants du département de philosophie présents ne veulent pas qu’on perde de vue le soutien dû aux étudiantes qui ont témoigné auprès de la cellule. Parmi elles une étudiante s’était confiée à un enseignant mais, écœurée par le déroulé de l’affaire, elle a finalement renoncé à poursuivre ses études, alors qu’elle était en réussite.
Un climat « délétère », règne dans la section alors que le professeur mis en cause peut réintégrer son poste à partir de janvier. Administrativement, il ne peut pas être suspendu plus de douze mois, explique l’université. D’autres établissements, qui se retrouvent pris dans le même type de dossier, choisissent par exemple de placer le professeur mis en cause en « congé de recherche ». Cela fait deux ans et demi que les couloirs du département de philo résonnent de ces affaires et il mettra sûrement un peu de temps à retrouver un semblant de normalité.
À lire aussi