Air France qui quitte Orly ? Un « nouveau coup dur » et un « mépris des territoires »
REACTIONS•Le projet d’adaptation de l’offre domestique présenté ce mercredi par Air France serait notamment pénalisant à Nice et Toulouse où il faut encore plus de quatre heures pour relier la capitale en trainFabien Binacchi, avec les bureaux de Marseille et Toulouse
L'essentiel
- Confronté à une « chute structurelle de la demande » sur ses lignes intérieures, Air France va largement quitter l’aéroport d’Orly en 2026 et regrouper ses opérations à Paris-Charles-de-Gaulle (CDG), plus éloigné de Paris et moins bien desservi par les transports en commun.
- Six lignes d’Air France à partir d’Orly seront supprimées, trois vers l’outre-mer (Pointe-à-Pitre, Fort-de-France et Saint-Denis de La Réunion, transférées à CDG) et trois autres en métropole (Toulouse, Marseille et Nice). La compagnie low cost du groupe, Transavia, prendra le relais vers ces trois dernières villes depuis Orly, a précisé mercredi Air France dans un communiqué.
- L’annonce d’Air France n’a pas manqué de susciter des réactions. 20 Minutes fait le point avec les bureaux en régions.
La crainte d’un trajet à rallonge sur les rails, d’un service plus « low cost » ou simplement des bouchons depuis Roissy… L’annonce d’Air France de laisser Orly à sa filiale Transavia pour les vols depuis et vers Nice, Marseille, Toulouse et l’Outremer et de se recentrer sur l’autre aéroport francilien n’a pas manqué de susciter des réactions. Éric Ciotti a été le premier à dégainer. Et autant dire que le député des Alpes-Maritimes l’a eu franchement mauvaise. Dès mardi soir sur son compte X, l’élu a devancé l’annonce officielle avec un agacement certain. La disparition de la ligne Nice-Orly est une « décision […] honteuse et scandaleuse » qui « méprise les territoires », s’est offusqué le parlementaire, patron de LR, qui avait été prévenu par la présidente du groupe.
Dans la capitale azuréenne comme à Toulouse, situés à 6h30 et 4h30 de Paris en train en attendant les nouvelles lignes à grande vitesse prévues (si tout va bien) dans les années 2030, la perspective de voir la compagnie nationale se désengager, d’autant plus « sans aucune concertation », a poussé l’élu à « saisir la Première ministre ». Les présidents des régions Paca et Occitanie dénoncent aussi un « nouveau coup dur » pour leurs territoires. Dans les faits, les trois aéroports concernés ne devraient pourtant pas être désertés par Air France. Entre une montée en puissance de Transavia et de certains vols vers Charles-de-Gaulle, « les capacités du groupe entre Paris et Toulouse, Marseille et Nice seraient maintenues à hauteur de 90 % de leur niveau actuel », indique-t-il.
« Un nouveau coup dur, dans l’attente des Lignes à grande Vitesse »
Ce « projet d’adaptation de l’offre domestique » serait en tout cas une nécessité, « le trafic sur les liaisons domestiques au départ d’Orly ayant baissé de 40 % », affirme la compagnie. Les temps ont changé avec « le développement de la visioconférence, la réduction des déplacements professionnels et le report vers le train », note-t-elle encore.
A la mairie socialiste de Marseille, l’adjoint à la transition écologique Sébastien Barles a d’ailleurs repris Martine Vassal au vol sur le sujet. A la présidente (LR) du département des Bouches-du-Rhône qui dénonçait elle-même une « décision non concertée » qui « serait inacceptable », l’élu a rappelé « que le TGV mettait trois heures entre Paris et Marseille de porte à porte ». « La convention citoyenne pour le climat réclamait la fin du trafic aérien sur les vols intérieurs où il existe une alternative bas carbone pour un trajet de moins de quatre heures » a-t-il aussi appuyé, dans une réponse à un post publié sur X.
Mais ce n’est justement pas encore le cas de Nice et Toulouse, où la nouvelle donne de la compagnie tricolore serait bien « un nouveau coup dur », selon les patrons des régions Paca et Occitanie Renaud Muselier et Carole Delga. Dans un communiqué commun, l’élu Renaissance et son homologue socialiste déplorent que leurs territoires, « les plus éloignés de Paris » et qui plus est toujours « dans l’attente des Lignes à grande Vitesse [LGV] », soient « une fois encore, pénalisés dans leurs relations et leurs connexions avec la capitale ». Ces LGV ne devraient pas voir le jour avant plusieurs années. Ils en appellent donc à l’Etat, actionnaire d’Air France, pour éventuellement « peser dans ce type de décisions prises au seul regard d’intérêts financiers, au détriment d’une vision de l’aménagement du territoire national », déplorent-ils.
« Développement économique » et « attractivité »
D’autant plus que le nouveau plan d’Air France pourrait aussi compliquer les affaires de ces trois destinations ? Renaud Muselier et Carole Delga évoquent, en plus de « la qualité de vie pour nos habitants », les questions du « développement économique pour nos entreprises » et de l'« attractivité ». A Marseille, Laurent Lhardit, l’adjoint en charge de l’économie, se veut justement prudent sur le sujet. Interrogé par 20 Minutes, il a commencé par demander des comptes. « J’ai préparé un courrier adressé à la compagnie car je préfère avoir des certitudes avant de monter dans les tours, pose-t-il clairement. Je veux savoir l’intention d’Air France sur une question aussi importante. »
A Nice, la mairie, peut-être plus frileuse sur la question du transport aérien depuis que le projet d’agrandissement d’un terminal fait débat, n’a pas souhaité réagir. Du côté de Toulouse en revanche, le maire LR Jean-Luc Moudenc assure avoir « pris acte » du nouveau plan d’Air France « avec une extrême vigilance ». « Qu’il soit bien clair que cette évolution ne saurait avoir pour conséquence une diminution du niveau de service, notamment de la fréquence », réclame l’édile. Dans la ville rose, où il faut compter 4h30 pour relier Paris sur les rails, l’avion reste souvent privilégié. Alors, « pour les habitants et acteurs économiques de Toulouse et de sa métropole qui n’ont d’autre choix pour se rendre physiquement à Paris, l’offre et la qualité de cette liaison aérienne sont essentielles », appuie le maire.
Selon le projet dévoilé, le choix devrait demeurer entre Transavia et Air France. Mais ceux qui préféreraient l’original à sa filiale à bas prix, devront donc, dès 2026, atterrir à Roissy, plus éloigné du centre de Paris. Certains observateurs n’ont d’ailleurs pas manqué de noter qu’Orly sera mieux relié à la capitale, dès 2024, avec le prolongement de la ligne de métro 14. Le CDG Express, nouvelle ligne ferroviaire rapide, n’est, lui, prévu qu’en 2027.