Quoi de neuf docteurEt si vous deveniez malade imaginaire pour former les médecins de demain ?

A la recherche de « malades imaginaires » pour « entraîner » les futurs médecins

Quoi de neuf docteurPour former ses médecins, la France s’est convertie aux « patients simulés », ces acteurs, professionnels ou amateurs, qui jouent les « malades imaginaires ». Des castings sont même organisés
Hélène Ménal

Hélène Ménal

L'essentiel

  • A Toulouse, un casting est organisé pour recruter une centaine de « patients simulés ».
  • Empathies, clarté du diagnostic ou du traitement à suivre… Ces « malades imaginaires » ont pour mission d’entraîner les futurs médecins pour leur apprendre à réagir au mieux et de façon non stéréotypée à des situations parfois compliquées.
  • Cette année, pour la première fois, ils tiendront même un rôle très officiel, dans toute la France, lors des examens pratiques des étudiants en médecine.

A 57 ans, le comédien Marc Faget a arpenté les planches de nombreuses scènes toulousaines. Et le rôle « incontestablement le plus riche, le plus fabuleux » qu’il a endossé, très souvent, depuis huit ans est celui du malade imaginaire. Sauf que ça n’a rien à voir avec du Molière. L’artiste est un « patient simulé » niveau expert. Il est capable, quatorze fois dans la même journée de faire mine, sans jamais varier et « le plus sincèrement possible », d’être terrassé par une douleur lancinante au bas du dos ou d’encaisser, incrédule, l’annonce d’un cancer métastasé.

Il reçoit ses scénarios et le planning de ses apparitions de l’Institut toulousain de simulation en santé (Itsims). Inspiré par des pionniers canadiens et suisses, l’établissement fait en effet appel depuis huit ans à des acteurs pour la formation des étudiants en médecine, à partir de la quatrième année. « Nous le faisons pour les entraîner à annoncer une mauvaise nouvelle, une complication, afin de juger leur réaction, leur capacité à aller chercher des informations et à interagir avec le patient », explique le professeur Thomas Geeraerts, le directeur de l’institut. Bien que l’exercice soit « coûteux », les acteurs étant payés à l’heure comme n’importe quel intervenant de la faculté, le praticien est persuadé que le procédé est bien plus efficace qu’un PowerPoint, ou qu’une consigne ressassée en cours. « Sur le plan pédagogique, c’est extrêmement performant et productif comme technique, dit-il. Les étudiants retiennent beaucoup mieux car le fait de s’immerger avec un acteur va générer chez l’étudiant des émotions » D’autant plus mémorables quand le patient se rebiffe et qu’un « Calmez-vous ! » a sur lui l’effet exactement inverse.

Un grand casting pour les examens pratiques du printemps

Et la preuve que le « patient simulé » fait école, c’est qu’il est désormais intégré à l’examen pratique de tous les étudiants en médecine qui s’apprêtent à choisir leur internat. Fin mai, durant deux jours, des milliers de carabins vont devoir, à dix reprises, passer une porte sans savoir ce qui les attendra derrière. Parfois un mannequin à ausculter, parfois des résultats d’analyse à interpréter, et puis, à coup sûr, un malade imaginaire alité. Qu’il faudra rassurer, informer ou éclairer tandis que deux examinateurs observeront la scène devant des écrans ou derrière une vitre sans tain. Ils évalueront les « compétences relationnelles » du candidat, sa capacité à s’adapter au profil du patient, « à ne pas réagir comme un robot ».

L’équité à respecter et la simultanéité des épreuves entraînent une vague sans précédent de recrutements de patients simulés. L’Itsims de Toulouse vient de lancer son « casting » pour en trouver une centaine. « Femmes, hommes, jeunes ou d’un âge avancé, nous avons besoin d’un large panel de profils car le scénario de l’examen sera tiré au sort et tenu secret ». Les faux patients, retenus notamment « pour leur naïveté dans le domaine médical », seront formés durant deux jours, à plusieurs situations différentes. Pas sûr qu’ils seront effectivement appelés, deux ou trois semaines après, pour tenir un rôle clé dans l’examen des futurs médecins. « Mais ils auront vécu une expérience originale, contribué à l’éducation de nos futurs médecins et mis un pied dans le circuit », souligne le directeur de l’Itsims.

Des rôles de plus en plus « difficiles »

Car ils pourront aussi être amenés à jouer « un aidant ou un proche simulés » pour des situations beaucoup plus « difficiles » auxquelles l’établissement toulousaint confronte parfois ses internes ou ses médecins seniors.

La semaine dernière Marc Faget a passé toute une journée à apprendre le décès subit d’un parent et à ne pas se laisser convaincre facilement à faire don de ses organes. C’était beaucoup moins drôle que de jouer au théâtre « mais absolument passionnant », dit celui qui est aussi désormais formateur de patients simulés. Conquis « par l’empathie naturelle » que montrent la plupart des médecins quelle que soit la situation, l’acteur songe à ne plus jouer que cet unique rôle. L’Itsims aura besoin de lui et de ses collègues experts notamment dans le cadre d’une grande étude qui mesurera l’impact de ces « acteurs simulateurs » sur l’annonce la plus difficile qui soit : la mort inattendue d’un proche, qui peut entraîner un deuil pathologique.