Synode : Le droit de vote aux femmes est une « petite révolution », selon Anne Soupa
RELIGION•Le prochain synode, une grande réunion des évêques du monde entier, aura lieu à partir de ce mercredi 4 octobre. En avril dernier, le Vatican a indiqué que, pour la première fois, les femmes auraient le droit de votePropos recueillis par Elise Martin
L'essentiel
- Comme l’a annoncé le Vatican en avril dernier, les femmes ont désormais le droit de voter les textes lors des synodes, ces grandes assemblées des évêques qui réfléchissent aux thématiques d’avenir de l’Église catholique.
- Le prochain synode a lieu à partir de ce mercredi, à Rome. Au total, 41 femmes pourront voter.
- A cette occasion, Anne Soupa, théologienne, cofondatrice du Comité de la jupe, est revenue avec 20 Minutes sur ce tournant féministe historique. Pour elle, « la porte est ouverte » et on ne peut plus « la refermer ».
Ce mercredi, à Rome, débute le synode, une grande réunion qui rassemble les évêques du monde entier durant laquelle ils réfléchissent à l’avenir de l’Eglise. Et pour la première fois dans l’histoire, 41 femmes sont autorisées à voter (sur une assemblée de 370 personnes environ).
20 Minutes a interrogé la théologienne Anne Soupa, cofondatrice du Comité de la jupe et ancienne candidate pour devenir archevêque de Lyon en 2020, pour comprendre l’importance de cette décision dans le milieu catholique. Pour elle, ce droit de vote « est une petite révolution » mais elle attend plus et réclame une « égalité complète » entre les femmes et les hommes.
Qu’est-ce qui a motivé le Vatican à octroyer le droit de vote aux femmes pour les synodes ?
Le pape François a pris cette décision parce qu’il est dans une procédure de dialogue. Lors des deux précédents synodes, le fait que des religieux non-prêtres puissent voter mais pas les religieuses ayant des responsabilités équivalentes, a créé de vifs conflits. Cette différence de traitement a mécontenté les religieuses. Pour information, elles sont les plus nombreuses dans le monde (800.000) et représente ainsi la force la plus importante de l’Eglise.
En amont du synode des évêques, le Pape a fait distribuer des questionnaires à tous les catholiques afin qu’ils disent librement ce qu’ils considéraient comme des sujets importants pour la prochaine assemblée. Et la revendication massive, arrivée très loin devant le reste, était celle d’intégrer les femmes dans le processus de décision. François a donc entendu et a répondu par cette mesure historique. Au total, 10 % du collège électoral va être féminin.
Qu’est-ce que ce droit de vote représente au sein de l’Eglise catholique ?
C’est une petite révolution. Jusqu’à l’arrivée de François, la thèse qui prévalait était celle que les femmes avaient bien mieux à faire que de s’occuper des décisions internes de l’Eglise. Pour Jean-Paul II, la grande vocation féminine, c’était la maternité. Les femmes n’étaient surtout pas faites pour aller voter dans les assemblées. Benoît XVI était dans la même lignée. Les deux derniers papes avaient donc des conceptions bien différentes de celles de François.
En avril, il a discrètement déclaré qu’il y aurait 35 hommes et 35 femmes laïcs qui allaient voter à ce synode. Il remet ainsi l’idée que le peuple de Dieu, quand il parle, il doit le faire à égalité entre ces hommes et ces femmes. En plus, il a annoncé que dix religieux, également à parité, prendraient part dans cette assemblée. Ce sont donc 41 femmes qui pourront voter les textes lors du synode. C’est une décision importante et radicalement opposée aux derniers pontificats.
Qu’est-ce que cette décision va changer selon vous ?
Pour ces assemblées, c’est le Pape qui désigne les personnes qui peuvent voter. Les femmes qui ont été choisies sont très consensuelles. Pour le moment, sauf surprise si une personnalité se révèle, je ne suis pas sûre que cela fasse d’énormes différences. Mais j’espère qu’elles demanderont que la place des femmes soit reconsidérée en profondeur. Il faut alors qu’au cœur même des débats, cette question soit centrale.
Pourquoi ne pas se réjouir davantage de cette « révolution » ?
En rapport avec le nom de ce synode, qui est appelé celui de la synodalité, qui vient d’un verbe grec qui veut dire « marcher ensemble », on peut dire qu’il reste encore du chemin à parcourir pour que les femmes marchent du même pas que les hommes. On est loin de l’égalité.
Et puis, la société civile française a donné le droit de vote aux femmes en 1944, on est en 2023, l’Eglise commence seulement à y penser. On voit le retard. Mais François a pris son trousseau de clés. Il a ouvert une petite porte et a jeté la clé à la poubelle. On ne pourra plus la refermer. Mais il n’agit pas tout seul. Il pense à son successeur. En espérant que ce dernier en fasse davantage.
Après le doit de vote, quel combat pour l’égalité est prioritaire ?
S’il faut faire un calendrier, la première et la plus facile des décisions à prendre, c’est la prédication, donner aux femmes l’accès à la parole pour qu’elles commentent l’Évangile à la messe par exemple. Mais le Comité de la jupe et moi sommes partisanes de l’égalité complète entre les hommes et les femmes. On ne veut pas se contenter de n’être que des petites auxiliaires des prêtres. On veut tout, c’est-à-dire, l’accès à toutes les responsabilités dans l’Eglise : la gouvernance, la délivrance des sacrements et la prédication, la parole, le geste et la décision.