Quelle(s) réponse(s) face à l’insalubrité des résidences universitaires ?
INSALUBRE•Punaises de lit, insalubrité et manque de places… Chaque année, de nombreux étudiants dénoncent les conditions dans lesquelles ils sont logés dans les résidences CrousElise Martin avec R. C, T.G et le bureau de Lille
L'essentiel
- Plusieurs étudiants et étudiantes de la résidence Crous Croix-du-Sud, dans le 8e arrondissement de Lyon, ont dénoncé les conditions dans lesquelles ils étaient logés.
- Insectes, moisissures ou encore coupures d’électricité. Certains d’entre eux envisagent même d’arrêter leurs études pour fuir leur appartement.
- Ces situations sont régulièrement médiatisées, à l’instar des résidences universitaires de Lille-3. Derrière le problème des nuisibles et d’insalubrité se cache surtout un manque d’offres de logements pour un nombre toujours grandissant de demandes d’étudiants.
Sofia* est arrivée de Marseille début septembre à la résidence Crous Croix-du-Sud, dans le 8e arrondissement de Lyon. Installée depuis bientôt un mois, elle n’a pourtant pas sorti ses affaires de ses sacs. « J’attends un transfert de logement », explique-t-elle. Venue pour ses études en soins infirmiers, elle envisage d’abandonner et de rentrer chez elle « à cause du logement ». « La liste des problèmes est longue », dit-elle en nous proposant de nous asseoir.
Elle évoque l’état « déplorable » du mobilier ou encore « le volet roulant qui est cassé et ne s’ouvre plus » et « de la plaque de cuisson qui ne fonctionnait pas ». « J’ai régulièrement des coupures d’électricité, et je me retrouve sans pouvoir réviser étant dans le noir », déplore-t-elle. Elle s’estime malgré tout « chanceuse ». Dans le même immeuble, des étudiants ont retrouvé des taches de moisissures sur les murs, ont pris des douches froides et ont eu des fuites d’eau. Sans parler des cafards ou des punaises de lit, sa « phobie ».
« On a 18 ans, on part de chez nos parents, on change de ville pour nos études et on n’arrive pas vivre correctement. Ça nous plombe le moral », abonde Ishak. Trois étages plus bas, lui aussi a son volet coincé et vit dans le noir. « Deux jours après mon arrivée, j’ai découvert des punaises de lit. J’ai dû me débrouiller tout seul pour trouver une solution. J’ai acheté, à mes frais et sans être remboursé, toutes sortes de produits. » Ce soir-là, le jeune Montpellierain a dormi sur sa chaise.
Ishak s’est senti « humilié »
Dans sa chambre d’une dizaine de mètres carrés, pour laquelle il paie près de 400 euros par mois, tout est « carré ». Sur ses étagères, la nourriture est disposée de la même manière que dans un rayon de supermarché. Même ses chaussures sont rangées dans des boîtes spéciales. Rien ne traîne. Donc quand la direction de l’établissement a estimé que les nuisibles étaient de sa faute, l’accusant de laisser des miettes ou d’être désordonné, il s’est senti « humilié ». « Je vis dans des conditions horribles pour commencer mon cursus universitaire et en plus, on ne me considère pas », s’indigne-t-il.
Livré à lui-même, il a mis ses draps dans le seul congélateur mis à disposition de l’immeuble pour traiter efficacement le problème. « Sauf qu’il y a un manque de place car toute la résidence fait la même chose », pointe-t-il. « On doit être plus de la moitié à chercher à se faire reloger ailleurs. Et sans réponse positive. Ce n’est pas normal de laisser des étudiants dans cette situation, surtout au prix du loyer. J’ai personne ici, je passe mon temps à errer dehors pour ne pas me retrouver dans cette pièce. »
« On ne peut pas se permettre de reloger les étudiants ailleurs »
Face aux nuisibles, le protocole est le même partout. Frédéric Léonard, directeur général du Crous Lorraine, assure qu’un dispositif strict est mis en place pour « lutter collectivement contre ces insectes ». Mais pour traiter les problèmes d’insalubrité, il faut plus qu’un pulvérisateur. Sollicité par 20 Minutes, le Crous de Lyon n’avait pas répondu à la publication de ses lignes. A France 3, la directrice de la vie étudiante Stéphanie Thomas, a reconnu que la résidence Croix-du-Sud était « vieillissante ». « On a de sérieux problèmes avec le bailleur social en termes d'entretien du bâtiment », a-t-elle répondu en assurant faire « du cas pour cas » pour trouver des solutions aux étudiants.
A Villeneuve d’Asq, l’état de vétusté des résidences était médiatisé chaque année jusqu’à ce que le député communiste Alain Bruneel s’empare du sujet en 2021. Depuis, elles ont été soit détruites, soit rénovées. Pour Frédéric Léonard, directeur général du Crous Lorraine, une nouvelle problématique apparaît alors : « maintenir l’offre » pendant les travaux de réhabilitation. Car la demande de logements d’étudiants en cité universitaire explose. Comme le révèle une enquête publiée par Street Press, le nombre de logements Crous a été multiplié par 2,3 ces soixante dernières années, alors que celui d’étudiants l’a été de 10,5. A la rentrée 2022-2023, 173.000 logements Crous étaient disponibles sur l’ensemble du territoire pour 2,9 millions d’étudiants.
Ainsi, s’il y a un couac dans une chambre, « on ne peut pas se permettre de reloger les étudiants ailleurs, toutes les places sont prises », confie le Crous Paris intramuros. Le média souligne que, sur les 60.000 logements promis par Emmanuel Macron lors de son premier mandat, seule la moitié des hébergements a vu le jour six ans après.
Environ 4.850 logements en plus d’ici 2029 ?
L’élu LFI du Rhône Gabriel Amard a alors pour projet de « mettre en lumière » ces problèmes, à l’instar de son camarade du Nord. « Il faut interpeller le gouvernement sur ces sujets d’une manière ou d’une autre », s’exclame-t-il. En attendant que le gouvernement se saisisse réellement du dossier, la métropole de Lyon a voté lundi « le soutien financier à la construction de logements sociaux étudiants sur le territoire ».
La collectivité, qui s’attend à recevoir 15.000 étudiants supplémentaires aux 180.000 déjà présents, investira 3,5 millions d’euros, répartis sur trois ans, pour « permettre de financer la création, par le Crous et les bailleurs sociaux, de près de 4.850 logements supplémentaires sur le territoire entre 2023 et 2029 ». A cette date, Sofia et Ishak auront fini leurs études, la question est de savoir dans quelles conditions.
*Le prénom a été modifié à la demande de la personne interviewée.