Pourquoi les antennes du Planning familial sont-elles si fragiles financièrement ?
santé•A l'occasion de la Journée mondiale du droit à l'avortement, « 20 Minutes » s'interroge sur la santé économique de ces structures essentiellesNicolas Bonzom
L'essentiel
- En France, certaines antennes départementales du Planning familial font face à d'importantes difficultés financières. A Montpellier, il manque 80.000 euros à l'association du Planning familial de l'Hérault pour sortir du rouge.
- En cause, une hausse de la demande, et des subventions qui ne suivent pas.
- « Nous sommes connues, identifiées, nous avons un véritable rôle à jouer, et pourtant, nous sommes confrontées à des difficultés. Cela peut sembler un peu paradoxal », déplore Michèle Joliat, trésorière du Planning familial de Gironde.
En 2022, en France, le Planning familial a conseillé, accompagné ou simplement informé plus de 400.000 personnes. Des femmes, bien sûr, soutenues dans le choix d’une contraception, ou dans une IVG (Interruption volontaire de grossesse). Mais aussi des collégiens ou des lycéens, sensibilisés à la sexualité ou aux discriminations. Si ce vieux mouvement, créé en 1960, s’est imposé comme un interlocuteur privilégié pour les questions de contraception, d’avortement et d’éveil à la sexualité, la santé de ses antennes départementales est précaire. A l'occasion de la Journée mondiale du Droit à l'avortement, 20 Minutes s'est interrogé sur la fragilité financière des Plannings familiaux.
A Montpellier (Hérault), le Planning familial est même dans une situation particulièrement préoccupante. Il y a quelques mois, il manquait 160.000 euros à l’association. Elle a réussi à éponger la moitié de sa dette, grâce à des dons, et à un effort des services de l’Etat, de l’Agence régionale de santé, du département et de la mairie. Mais le compte bancaire du Planning familial de l’Hérault reste dans le rouge : il manque 80.000 euros. Son budget a déjà connu des remous, mais jamais un déficit aussi abyssal. La faute à des aides financières qui ne suivent pas toujours le boom des sollicitations que connaît l’association.
Un « décalage » entre les besoins du terrain et les soutiens financiers
« La demande est de plus en plus forte, explique Maïté Stumpf, chargée de projet au Planning familial de l’Hérault. Notamment, malheureusement, parce que la précarité augmente. Et dans les collèges et dans les lycées, les animations se développent, car les besoins sont de plus en plus importants. Mais les financements ne suivent pas toujours. »
Parfois, le Planning familial de l’Hérault, dont les actions ont bénéficié à 23.500 personnes en 2022, est contraint de « travailler gratuitement », sans savoir si ses interventions seront financées comme elles le devraient. « Dans les établissements scolaires, nos animations permettent de mettre en lumière des cas de violences, de harcèlement, etc., poursuit Maïté Stumpf. Lorsque nous sommes confrontés à ces jeunes, nous ne pouvons pas faire une animation de deux heures, et puis "Salut !". » Il y a un « décalage », déplore-t-elle, entre « les besoins du terrain » et le soutien financier accordé au Planning familial.
Ces derniers mois, l’association, qui s’est fortement professionnalisée pour proposer un accueil d’une bien meilleure qualité à ses bénéficiaires, a dû se résoudre à se séparer de trois salariés sur la petite quinzaine qu’elle employait. Cela n’a pas suffi à rééquilibrer son budget. « Mais ces salariés-là… Ils avaient du travail ! », pointe Maïté Stumpf. Dans l’Hérault, l’appel aux dons du Planning familial est toujours ouvert sur la plate-forme Helloasso (ici). L’association organise aussi un spectacle, ce mercredi (20 heures), à la Maison des chœurs, à Montpellier. L’intégralité de la recette sera reversée à l’association.
« Nous restons dans des situations financières préoccupantes »
Mais le Planning familial de l’Hérault n’est pas le seul à connaître des difficultés. En Gironde, aussi, l’association a connu un déficit important, environ 40.000 euros, en 2021. Des dons, ainsi qu’un soutien de ses partenaires, avaient permis de sortir l’antenne du rouge. Mais sa santé financière reste fragile. « L’année dernière, nous étions presque à l’équilibre, indique Michèle Joliat, trésorière depuis le mois de juin au Planning familial, à Bordeaux. Nous avions un déficit d’environ 7.000 euros. » Un don exceptionnel de 10.000 euros, attribué par un(e) généreux(se) donateur(trice), avait permis à l’association, qui a accompagné plus de 27.000 personnes l’année dernière, de sortir la tête de l’eau.
Mais « nous restons dans des situations financières préoccupantes, assure Michèle Joliat. C’est très fragile. Et nous n’avons franchement pas de dépenses sur lesquelles nous pouvons rogner. Nous sommes pourtant très peu dépensières, on fait très attention. Nous sommes connues, identifiées, nous avons un véritable rôle à jouer, et pourtant, nous sommes confrontées à des difficultés financières. Cela peut sembler un peu paradoxal. »
Une paperasse administrative pesante, pour les Plannings familiaux
Pour être aidée, et tenter de décrocher de nouvelles subventions, comme les autres antennes en France, le Planning familial de Gironde, qui emploie dix personnes (pour 6,5 équivalents de temps pleins), est contraint de remplir, sans cesse, de nouveaux dossiers et de répondre à des appels d’offres. Mais « nous avons besoin de personnels spécifiques », pour travailler à ces tâches, explique Michèle Joliat. « Et ces personnels, nous ne sommes pas en mesure de les embaucher à temps plein ». Cette paperasse administrative, inhérente à toutes les associations, est une vraie usine à gaz.
Delphine Poivert, chargée du développement au Planning familial de Haute-Garonne, à Toulouse, serait favorable à des dotations plus larges. Mais aussi à une simplification des démarches administratives. « La gestion est devenue très compliquée, confie Delphine Poivert. Chaque année, on est obligé de resolliciter [les financeurs], on est dans le doute, on ne sait jamais combien on va avoir. Et il faut sans cesse s’adapter à de nouvelles configurations, de nouvelles plates-formes, de nouvelles demandes… C’est normal, bien sûr, il s’agit d’argent public. Mais cela pourrait être harmonisé, car cela prend un temps monstrueux. Et c’est un temps que l’on ne passe pas sur le terrain. »
NOTRE DOSSIER SUR LE PLANNING FAMILIALMais le ciel n’est pas tout gris, au Planning familial. L’antenne de Toulouse, qui avait contracté un lourd déficit en 2015, a, depuis, redressé la barre. « Cela reste toujours ric-rac, mais nous sommes aujourd’hui dans une plutôt bonne santé financière, nous sommes même en développement, confie Delphine Poivert. Et nous cherchons à diversifier nos financements, pour tenter de conserver une certaine autonomie. » A Toulouse, il y avait quatre employés à temps partiel, il y en a désormais six. Des embauches destinées à soulager le travail de l'équipe, qui mène, chaque jour, un « boulot intense ». Et essentiel.
À lire aussi