Education : Les films préférés des enseignants sur l’école… « J’y ai retrouvé le souffle qui m’a amenée à devenir prof »
votre vie, votre avis•Alors que sort ce mercredi dans les salles « Un métier sérieux », on a interrogé les profs sur les films qui traitent du milieu scolaire
Delphine Bancaud
L'essentiel
- A chaque rentrée, son cru de films sur l’école. Ce mercredi, Un métier sérieux sort en salles.
- L’occasion pour nous d’interroger nos lecteurs enseignants pour connaître leurs goûts en matière de films sur l’éducation.
- Les documentaires semblent rafler la palme. Mais les fictions ne sont pas oubliées, à condition de ne pas empiler les clichés.
Et si on se regardait un film sur l’école, histoire de… ne pas se changer les idées ? Ce mercredi sort au cinéma Un métier sérieux, film réalisé par Thomas Lilti avec Vincent Lacoste, François Cluzet et Adèle Exarchopoulos, et qui met en scène un groupe d’enseignants solidaires et épuisés. Sans doute un futur succès au box-office, car les aventures de ces enseignants de collège risquent de résonner chez beaucoup de profs.
Le cinéma s’est d’ailleurs toujours beaucoup inspiré de l’univers scolaire *. Comédies, drames, documentaires… Ces films ont souvent fait beaucoup d’entrées, notamment chez les profs. Car ces longs-métrages entretiennent la flamme pour leur métier, comme en témoigne Adeline, prof d’allemand dans le secondaire, qui a répondu à notre appel : « Certains films m’ont touchée parce que j’y ai retrouvé le souffle qui m’a amenée à devenir prof, celui qui vous pousse à croire en chaque élève, à essayer de l’amener au bout de ses possibles… ».
Les documentaires plébiscités
Mais alors, quels sont les films préférés des profs sur l’éducation ? Sans conteste les documentaires ! « Peut-être que ce sont les profs qui parlent le mieux de leur métier », avance Julie, enseignante au collège. Être et avoir ,de Nicolas Philibert (2002), est le long-métrage qui arrive en tête de peloton. Souvenez-vous : on y suit Serge Lopez, seul maître d’école d’un village auvergnat qui enseigne à treize élèves d’une école primaire. « Cet enseignant de classe unique accompagne les enfants dans leurs vies, et son rôle dépasse celui d’un prof. C’est un pédagogue au sens étymologique, il conduit les enfants vers l’âge adulte. Depuis que j’enseigne, c’est ce que je tends à faire, les accompagner pour qu’ils deviennent des citoyens accomplis », commente Julie. « Ce film réussit à montrer la beauté de notre métier. Il sublime la relation d’un enseignant avec ses élèves. L’école, c’est vraiment un laboratoire d’expériences humaines très riche », estime aussi Yannick, professeur des écoles.
Toujours au rayon documentaire, Sandra, enseignante dans le secondaire, se souvient avec émotion de Mon maître d’école, d’Emilie Thérond (2015), qui suit la dernière année avant la retraite de Jean-Michel Burel, maître d’école d’une classe à plusieurs niveaux en zone rurale : « Ce film est poignant, car c’est une ancienne élève marquée par ce maître d’école de son enfance qui a souhaité lui rendre hommage lors de sa dernière année d’enseignement. Un film qui, là aussi, glorifie la patience, la bienveillance et la détermination d’un enseignant ». Sur une thématique différente, La Cour de Babel, de Julie Bertuccelli (2013), s’intéresse à des collégiens venus des quatre coins du monde et réunis dans une classe d’accueil pour apprendre le français. « Tout le monde devrait le voir pour comprendre la nécessité d’accueillir, de transmettre, d’apprendre, de s’intégrer, d’accepter l’autre », estime Julie.
« Entre les murs » a laissé de très beaux souvenirs
Mais il n’y a pas que les histoires vraies qui font vibrer les profs, les fictions autour de l’école fonctionnent aussi, à condition de ne pas empiler trop de clichés ! Géraldine, professeur de français, évoque avec émotion Les héritiers, de Marie-Castille Mention-Schaar (2014), qui raconte l’aventure d’une professeur d’Histoire ayant décidé d’inscrire sa classe de seconde difficile au Concours national de la Résistance et de la Déportation. « Ce film donne une image réaliste de l’intérêt d’un enseignant pour ses élèves. Il fait partie des films que je visionne régulièrement avant la rentrée pour regonfler ma motivation à bloc et donner du sens à mon travail. Il montre le rôle social de notre métier, sans dramatisation excessive et sans le tourner en dérision. »
Autre gros succès : Entre les murs, de Laurent Cantet, palme d’or à Cannes en 2008 et qui dévoile le quotidien de François, jeune professeur de français d’une classe de 4e dans un collège réputé difficile du 20e arrondissement de Paris. « J’ai en mémoire une scène : le prof, qui s’est démené toute une année, demande à ses élèves ce qu’ils ont retenu. J’ai été marquée par le manque de gratitude de ces adolescents, dont pas un n’évoque ce que ce prof a pu leur apporter. Terrible constat de notre rôle », souligne Julie.
« Ce film qui m’a donné envie d’enseigner en lycée pro »
Parmi les longs-métrages qui mettent en scène un enseignant charismatique capable de révéler les élèves à eux-mêmes, un autre enseignant lecteur cite un grand classique : « Le Cercle des poètes disparus, de Peter Weir (1995). Parce qu’il correspond à ce qu’on m’a enseigné au lycée et à ce que je veux enseigner. » Marie abonde : « Certes, c’est romancé pour le cinéma, c’est dans un établissement privé à l’étranger, mais j’aime cette relation entre le professeur Keating et ses élèves, la passion qu’il leur insuffle ». Stéphanie, elle, a été inspirée par Michelle Pfeiffer dans Esprits rebelles, de John N. Smithavec (1995) : « Ce film m’a donné envie d’enseigner en lycée pro. J’ai aimé cette enseignante pour sa force et son envie de faire bouger le système éducatif pour un public oublié et fragile. »
La figure du prof super-héros, au cœur de tant de films américains, a aussi séduit Yannick quand il a vu Detachment, de Tony Kaye (2012). Avec Adrien Brody, il raconte les affres d’un professeur remplaçant dans un lycée difficile de la banlieue new-yorkaise : « Car bien souvent, nous autres profs, on veut sauver le monde, mais ce n’est pas forcément possible », ironise-t-il. Il cite aussi Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau (2012), qui raconte l’histoire d’un prof embauché au pied levé pour remplacer une enseignante de primaire disparue subitement. « Ça montre ce qui peut se passer dans une classe quand on aborde les élèves avec bienveillance et qu’on leur fait confiance ».
D’autres films plus dérangeants ont marqué les esprits. Comme Les risques du métier, d’André Cayatte, avec Jacques Brel (1967), souvent cité par nos profs lecteurs. Il raconte l’histoire d’un instituteur accusé d’agression sexuelle par quelques-unes de ses élèves. « Ce film m’avait marqué à l’époque et Brel est magistral en instituteur accusé à tort », souligne Pernelle, qui donne envie de le revoir.