Nord : Les « Restos du cœur » gardent le cap malgré les galères
Solidarité•En plus de subir les difficultés financières de l’asso au niveau national, les Restos du cœur du Nord cumulent les galères locales et l’augmentation du nombre de bénéficiaires. « 20 Minutes » s’est rendu au cœur du dispositif nordiste, à WattrelosMikaël Libert
L'essentiel
- En proie a d’importantes difficultés financières, les Restos du cœur ont lancé un appel à l’aide, dimanche.
- En quelques jours, les promesses de dons ont afflué à hauteur de 30 millions d’euros, mais la situation reste fragile.
- Outre les difficultés nationales, à Wattrelos, dans le Nord, l’association doit aussi faire face à des actes de vandalisme.
L’inflation n’épargne personne, pas même les associations caritatives. C’est notamment le cas des Restos du cœur, en proie à d’importantes difficultés financières contraignant son président à lancer, dimanche, un appel à l’aide en dehors des habituelles collectes nationales. Appel entendu, puisque entre l’Etat et plusieurs grandes entreprises, ce sont déjà plus de 30 millions d’euros de promesses de dons qui ont été reçues par l’association. Malgré cela, la situation reste fragile, notamment dans le Nord, département qui compte le plus de bénéficiaires. Reportage à Wattrelos, dans le plus gros centre logistique des Restos du cœur.
Leur gigantesque entrepôt est perdu aux confins de Roubaix et de Wattrelos, entre friches industrielles, terrains vagues et lotissements en construction. Néanmoins, ce qui frappe le plus en arrivant sur place, ce n’est pas l’isolement de ce bâtiment, mais plutôt les camions frigorifiques stationnés sur le parking, pare-brise défoncés et pneus crevés. « Douze véhicules ont été vandalisés par deux mineurs qui voulaient s’amuser », déplore Thierry Sarrazin, le responsable départemental de l’association. « Depuis lundi, on fonctionne au jour le jour, grâce à des prêts de camions, sans savoir si l’on pourra livrer la semaine qui suit », ajoute-t-il. A cela il faut ajouter l’incendie récent de deux centres de distribution du secteur et l’envol en fumée de leurs stocks de denrées. La poisse.
« On essaye de respecter un certain équilibre alimentaire »
Malgré tout, ce mercredi matin, plusieurs dizaines de salariés en insertion, et quelques bénévoles, s’affairent à préparer les palettes destinées aux 83 centres de distribution du département. Dans leur boulot, ils n’ont rien à envier aux logisticiens de la grande distribution. Trois cartons de pâtes par-ci, quatre de riz par-là, de l’huile, du lait, des produits frais et même des friandises. « Ils suivent scrupuleusement des bons de commande pour chaque centre dont on connaît exactement le nombre de bénéficiaires et leur nature, s’il y a des enfants par exemple », explique Dany Delbecq, la responsable du service approvisionnement. Et pour cette retraitée de l’industrie pharmaceutique, il ne s’agit pas uniquement de donner à manger : « On essaye de respecter un certain équilibre alimentaire et de varier les menus, assure-t-elle. Pour l’instant, on y arrive. »
Pour l’instant. Parce que l’avenir est au mieux incertain, au pire ingérable. « L’année dernière, nous avions environ 34.000 bénéficiaires sur le secteur. On s’attend à un rush autour des 40.000 désormais », assure Dany Delbecq. « Les chiffres augmentent un peu chaque année, sauf que cette fois, dans certains secteurs, on a des pics à +25 % », ajoute le président départemental. Et sur les étagères de l’entrepôt, les stocks fondent à vue d’œil. « On fonctionne à flux tendu sans savoir ce que l’on va recevoir. Oui, parfois, il y a des trous », reconnaît Sandy Destunder, en charge des approvisionnements. Pour l’exemple, il nous emmène dans une vaste salle réfrigérée dont les étagères sont quasiment vides : « C’est ce que l’on appelle la ''ramasse'', les denrées invendues que nous donnent les supermarchés. » Son explication est simple : « Avec l’inflation, le prix de l’énergie, l’agroalimentaire produit moins, donc il y a moins d’invendus, donc on reçoit moins de marchandise. »
« Il n’y a pas de petits dons »
Difficile par ailleurs de compenser en achetant des denrées, ce que l’association fait pourtant déjà pour environ un tiers de ce qu’elle distribue. La mobilisation de l’Etat et des grosses entreprises françaises après l’appel à l’aide est logiquement bienvenue. « Il y a aussi certaines grandes familles qui nous aident sans faire de publicité, sans oublier les autres dons, plus modestes », insiste Thierry Sarrazin. Dans une enveloppe reçue au courrier du matin, il trouve un chèque de 2.000 euros d’une bonne âme qui aurait pu rester anonyme si son nom n’était pas inscrit sur le papier. « Il n’y a pas de petits dons. 150 euros, c’est 150 repas », martèle Dany Delbecq.
Entre-temps, les palettes se sont remplies, ainsi que les camions. La machine tourne comme une horloge, et l’horloge tourne aussi d’ailleurs. A 10h30, c’est la pause. L’entrepôt se vide et le silence revient. Le président départemental s’émeut chaque jour de voir ces personnes aux parcours souvent chaotiques bosser ainsi. Le café bu, on charge la dernière palette dans un camion qui file aussitôt vers un centre de distribution. On a pu entendre que les Restos n’allaient pas pouvoir servir tous les bénéficiaires. Ça ne sera pas le cas. Mais il faudra tout de même faire des sacrifices. « L’année dernière, nous étions à six repas par personne par semaine. Là, j’ai peur qu’on descende à quatre », glisse Dany Delbecq.