RENTREEPour des élèves de Lyon, l’interdiction de l’abaya est « une discrimination »

Rentrée scolaire 2023 à Lyon : Pour des élèves, l’interdiction de l’abaya est « une nouvelle discrimination »

RENTREEDepuis ce lundi 4 septembre, le port de l’abaya et du qamis, une tenue traditionnelle venue du Moyen-Orient, est interdit dans les établissements scolaires. Dans un lycée de Lyon, les personnes concernées se sont senties « rejetées » par cette mesure
Elise Martin

Elise Martin

L'essentiel

  • Ce lundi 4 septembre, premier jour de la rentrée des classes, est aussi le premier jour de l’interdiction « officielle » du port de l’abaya et du qamis dans l’enceinte des établissements scolaires.
  • A Lyon, au lycée La Martinière Duchère, les élèves interrogées et concernées ont trouvé cette décision « ridicule » et se sont senties « rejetées ». Elles ont, pour autant, toutes appliqué les nouvelles directives.
  • Pour ce jour de rentrée, la direction de cet établissement du 9e arrondissement a assuré que « tout s’était bien passé ». Elle avait misé sur « le dialogue » et « la fermeté » pour faire appliquer le nouveau règlement intérieur.

«J’avais envie de penser à autre chose que ça pour ma rentrée ». Ce lundi midi, devant les grilles du lycée La Martinière Duchère de Lyon, dans le 9e arrondissement, Assia* regrette l’annonce « tardive » de Gabriel Attal, ministre de l’Education nationale, sur l’interdiction du port de l’abaya, même si elle se doutait que « ça allait forcément arriver un jour ». Malgré son intuition, cette lycéenne de 16 ans, qui entre en première générale, se sent « rejetée » et « pénalisée » par cette nouvelle mesure.

Elle, comme d’autres élèves interrogées devant cet établissement, a dû repenser sa garde-robe et acheter des habits « très rapidement » afin d’être acceptée en classe. Elle s’est alors équipée d’ensembles amples et monochromes. « Le pire, c’est que ce n’est même pas religieux ! s’exclame l’adolescente. C’est une tenue traditionnelle et culturelle. Mais comme ça ne vient pas de France, ça dérange… »

« Ça a perturbé ma rentrée »

« On met une abaya quand on a la flemme de s’habiller, c’est un vêtement pratique comme un autre. Cette décision n’a pas de sens », ajoute Emna. Cette jeune femme de 18 ans a été choquée lorsqu’elle a appris cette nouvelle règle. « Je me suis sentie piquée, appuie-t-elle. Et puis, ce sont toujours les mêmes qui sont visées. On avait déjà l’habitude d’être stigmatisées avec le voile, qu’on doit bien enlever en amont. Pour moi, c’est une nouvelle discrimination. »

Sihame et Awa partagent le même sentiment. « Quand j’ai vu l’annonce sur les réseaux sociaux, j’ai trouvé ça ridicule, puis j’ai ressenti de la colère. On s’en prend toujours aux mêmes personnes ! confie la première. En plus, ça a complètement perturbé ma préparation pour ma rentrée en terminale. Je ne mettais pratiquement que des abayas. » Les deux jeunes femmes précisent que l’administration avait envoyé au préalable un courrier indiquant ce qui était autorisé ou non. « Et si notre vêtement ne leur convient pas, on doit rentrer chez nous ! », rappelle Awa, sidérée.

Toutes les personnes interrogées se sont adaptées malgré tout. Elles se demandaient d’ailleurs comment l’établissement scolaire allait procéder pour appliquer cette directive. « Comment vont-ils faire les différences avec une longue robe ample ? Ils vont créer un poste pour une police du vêtement ? », plaisante à moitié l’une d’elles. Pour ce jour de rentrée, aucun « dispositif particulier » n’a été mis en place, indique la direction, qui a priorisé « le dialogue » et « la fermeté » avec les étudiantes. « Il était important de clarifier la loi de 2004 », ajoute-t-elle, en assurant que « tout s’est très bien passé » ce lundi.

« C’est bon, on peut changer de sujet ?! »

« C’est bon, on peut changer de sujet ?! », conclut Lisa, 17 ans. Cette dernière estime qu’il a « trop été mis en avant ». « J’ai eu l’impression qu’en parlant des abayas, on évite surtout de parler d’autres problématiques. C’est dommage », lance-t-elle, en citant les exemples du harcèlement scolaire ou de la précarité étudiante. Au lycée La Martinière Duchère, les préoccupations sont effectivement ailleurs. Plusieurs pancartes accrochées sur les grilles de l’établissement lyonnais réclament « d’ouvrir plus de classes ».

Il n’y a pas que la lycéenne qui s’est fait la réflexion. Comme l’a révélé Libération, le cabinet du ministre de l’Education nationale a incité plusieurs journalistes à se rendre dans des établissements scolaires « confrontés aux problèmes de l’abaya ». Pourtant, la veille de rentrée, Élisabeth Borne, la Première ministre, défendait la décision d’interdire le port de l’abaya en certifiant qu’il n’y avait « aucune stigmatisation ».

*Le prénom a été changé à la demande de la personne interviewée.